Méthadone, mélanges de drogues, et interactions

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Les interaction par opposition d'effets agoniste et antagoniste

La méthadone, en tant qu’opiacé agoniste pur, agit en se fixant directement sur les récepteurs aux opiacés μ. A l’inverse, il existe d’autres molécules, qui agissent en bloquant ces mêmes récepteurs. Leur association à la méthadone peut entrainer une diminution de l’efficacité du traitement et peuvent conduire à la précipitation d’un syndrome de sevrage sévère, par phénomène de compétition sur les récepteurs. Pour cette raison, l’association de la méthadone avec un antagoniste opiacé est formellement contre-indiquée (naltrexone – Révia® et ses génériques, nalméfène - Selincro® ou encore, en milieu hospitalier, les spécialités à base de nalbuphine - Nubain®)

Concernant la buprénorphine, agoniste partiel sur les récepteurs μ (et antagoniste des récepteurs kappa), son association est contre-indiquée et sa prescription à faible distance (dans le cadre d’un relais de l’un par l’autre), doit faire l’objet de précautions d’emploi. Si vous êtes dépendant à la méthadone, la prise de buprénorphine vous mettra en manque que vous ne pourrez soulager.

« 18h, je rentre à la maison après une journée au taf. je bosse et je suis sous methadone 40/60mg/jour depuis 15 jours. Vers 11h j'avais pris mes 20 de meth du matin, le soir je rentre chez moi et vers 18h je me dis "tiens je vais me prendre 1/2 de sub de 8mg ( donc 4mg), pour me payer un petit délire..." je le mets sous la langue et je me mets au lit avec un bouquin....18h30 je trouve que je transpire beaucoup, mon oreiller est mouillé. 18h40 un mal de ventre me prend, pas piqué des vers : gonflement du bas abdomen et douleur comme une crise de colique. je saute au wc et me vide carrément.... 19h je suis au lit et là je comprends qu'il est en train de m'arriver une crise de manque à pleurer ma mère ! »
-(Source, xetubus, Psychoactif)


Interactions entrainant un allongement de l’intervalle QT

La méthadone est connue pour allonger l’intervalle QT (quelques millisecondes). Cet allongement peut dans certains cas entrainer une arythmie et une torsade de pointe. Le risque, faible en monothérapie avec la méthadone, s’accroit en cas d’association de plusieurs facteurs (antécédents personnels ou familiaux, interactions avec d’autres traitements...), dont le plus important est sans conteste l’hypokaliémie.

Pour ces raisons, l’association de deux médicaments allongeant l’intervalle QT est généralement contre-indiquée. Néanmoins, dans son référentiel, l’agence du médicament rappelle qu’en raison de son caractère incontournable, la méthadone fait exception à la règle.

L’utilisation de certaines substances ou médicaments est elle-aussi à risque potentiel d’allonger l’espace QT:

  • Les laxatifs qui ont pour conséquence d’entrainer une perte de potassium et donc potentiellement une hypokaliémie.
  • Certains diurétiques, dits hypokaliémiants, engendrant une perte urinaire en potassium.
  • neuroleptiques, antiarythmiques, macrolides.
  • L’alcool, la cocaïne et la méthamphétamine qui perturbent l’intervalle QT.

Interactions par induction/inhibition enzymatiques

La durée d’action de la méthadone dépend de la vitesse avec laquelle la molécule est éliminée par l’organisme. Cette élimination se réalise au niveau du foie par des enzymes, les cytochromes (CYP), dont il existe plusieurs types. Il est possible de distinguer :

  • Une voie d’élimination principale : surtout le CYP 3A4, au deuxième plan le 2B6 ;
  • Une voie d’élimination mineure/secondaire : avec les CYP 1A2, 2C19, 2D6...

Les interactions se réalisent selon deux mécanismes :

  • Induction enzymatique : certaines substances vont entrainer une élimination plus rapide de la méthadone, une diminution de sa concentration dans l’organisme et de sa durée d’action. Les médicaments les plus couramment rencontrés sont des antirétroviraux, les antituberculeux, mais aussi certains aliments tels que le brocoli, le choux (selon des voies d’élimination mineures), ou encore le goudron présent dans la fumée de cigarette (voir la brève à ce sujet dans le Flyer 50). L'induction est progressive et atteint son maximum en 10 à 15 jours. De la même façon, cet effet disparaît progressivement à l'arrêt de l'inducteur. L’AZT, le Combivir-®, la didanosine et la stavudine peuvent parfois diminuer l’action de la méthadone. La rifampicine (contre la tuberculose) diminue les effets de la méthadone.
« le monsieur en question vient d'etre diagnostiqué positif à la tuberculose, il suit depuis le 02/02/13 un traitement à base de Rifanpicine et d'isionazide... A son entrée à l'hopital il était stabilisé à 50 mg de MTD sirop, à ce jour il est en manque complet à 100mg en deux prise 60 mg le matin et 40 mg le soir..... »
-(Source, spartiate, Psychoactif)
  • Inhibition enzymatique : certains traitements peuvent entrainer une diminution plus lente de la méthadone, une augmentation de sa concentration et de ses effets. Peuvent être mentionnés des antidépresseurs, des antifongiques, des antirétroviraux ou encore la réglisse et le jus de pamplemousse. L'inhibition, à l'inverse de l'induction, est rapide dans sa mise en place et dans son arrêt. Elle survient en quelques jours.

Le nelfinavir, la delavirdine, mais surtout le ritonavir augmentent les effets de la méthadone (cette action est moindre s’il est combiné avec le saquinavir). Le fluconazole (Diflucan-®) de même que de nombreux antifongiques se terminant en «-azole-» peuvent augmenter les effets de la méthadone jusqu’à 30-%. Attention, les inhibiteurs de protéase (ritonavir, kaletra, efavirenz) peuvent également augmenter les effets des benzo (Xanax®, Valium®, Lexomil®, Tranxene®)


Pour plus d’informations sur les phénomènes d’induction/d’inhibition enzymatique, se référer au document mis en ligne par le centre d'informations thérapeutique et de pharmacovigilance des Hôpitaux Universitaire de Genève qui apporte une information complète sous forme de tableau.[1]


Association avec un dépresseur respiratoire

La dernière catégorie d’interaction survient lors de l’addition des effets dépresseurs respiratoire de certains médicaments à ceux de la méthadone, pouvant conduire à une overdose. Parmi les substances les plus couramment mentionnées, on retrouve :

  • Les benzodiazépines (Valium, Xanax, Lexomil, Tranxene...)
  • Certains antitussifs (morphine-like : pholcodine, dextrométhorphane...)
  • Les antalgiques morphiniques de palier 3
  • L’alcool, dont la consommation est généralement la règle dans un contexte de poly-addiction. La prise d’alcool augmente l'effet de la méthadone mais réduit sa durée d’action


En pratique, ces différentes classes de médicaments ne constituent pas de contre- indication. La prescription de BZD peut être nécessaire chez un usager de drogues pour corriger l’anxiété par exemple ou dans le cas d’une dépendance. Il peut être nécessaire d’employer des antalgiques de pallier 3 en cas de douleurs intenses. Une attention particulière doit cependant être apportée, surtout dans un contexte de mésusage ou de multiplication des facteurs de risque (association de méthadone, d’alcool et de BZD par exemple).


Liens

Références