Cet article du monde est une honte. C'est une pub pour la brigade des stups..... je vous laisse juge... j'ai changè le titre qui est de même tonneau....
Un soir de l’automne 2013, Caroline, 22 ans, rejoint l’appartement parisien de son petit ami avec une bonne nouvelle : elle vient de décrocher son premier emploi chez un joaillier. Ils achètent une bouteille de vodka et se procurent un gramme de
MDMA, poudre cristalline qui favorise l’empathie et l’humeur festive, également connue sous le nom d’ecstasy. Au milieu de la nuit, après avoir avalé plusieurs «
parachutes » (façon de consommer la
MDMA qui consiste à enrouler la poudre dans une feuille à rouler, puis à l’avaler avec un verre d’eau) de cette drogue de synthèse, la jeune femme meurt d’une hyperthermie.
La capitaine Floriane B., 36 ans, chef adjointe du groupe Surdoses de la brigade des stupéfiants, se rend sur place. « En découvrant ce genre de scène, confie-t-elle, on est frappé par l’odeur forte, indéfinissable, des corps sans vie et par les plaques vineuses que la lividité cadavérique laisse sur la peau. Les restes de la soirée, eux aussi, sont impressionnants : sachets de poudre, mégots, bouteilles… » Au bout de quelques semaines, l’enquête conduira Floriane B. jusqu’à Beauvais, où un trafic de
MDMA sera démantelé.
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Il y a vingt-cinq ans, les personnes victimes d’une réaction mortelle aux stupéfiants ne ressemblaient en rien à Caroline. Il s’agissait pour l’essentiel d’héroïnomanes désocialisés. Chaque année, environ cent cinquante d’entre eux étaient retrouvés morts à Paris, parfois sur la bourre sale d’un matelas ou dans les vapeurs chimiques d’une sanisette. « C’était une hécatombe », se souvient le major Yvan C., qui officie depuis un quart de siècle au 36 quai des Orfèvres. Pour enquêter sur ces décès, une structure inédite a été créée en 1991 au sein de la brigade des stupéfiants : le groupe Surdoses.
PRODUITS ASSOCIÉS À LA FÊTE
Au cours de la même décennie, grâce à la mise en place des traitements de
substitution à l’héroïne, les morts par overdose ont connu une baisse spectaculaire. Mais d’autres drogues ont parallèlement gagné du terrain, comme la
cocaïne ou la
MDMA. Aujourd’hui, les victimes parisiennes sont à la fois moins nombreuses – une vingtaine par an – et mieux insérées socialement : des journalistes, des conseillers financiers, des professeurs…
« Bien sûr, il y a encore des marginaux, nuance Floriane B., mais ils ne sont plus majoritaires. L’an dernier, nous avons eu le cas d’un étudiant en école de commerce. Il avait pris de la
cocaïne, bu de l’alcool, passé une nuit blanche, et soudain son cœur a lâché. Les parents ont déclaré que leurs fils ne touchait pas à ce type de drogue. Ce qui était probablement vrai deux jours plus tôt. Personne n’est à l’abri. »
Mourir d’une ligne de
cocaïne ou d’un «
parachute » de
MDMA ? Les consommateurs – réguliers ou occasionnels – sont rarement conscients des risques qu’ils courent. « Ces produits stimulants sont associés à la fête, on en soupçonne moins les effets néfastes, indique le professeur Bruno Mégarbane, chef du service de réanimation médicale et toxicologique à l’hôpital Lariboisière, à Paris. Il n’existe pas de dose standard pour les substances illicites. Tout dépend de la vulnérabilité individuelle. J’ai vu un homme survivre à l’ingestion de cinquante pilules d’ecstasy – il s’agissait d’une tentative de suicide –, et un autre mourir pour en avoir avalé une seule. A l’exception des
opioïdes, comme l’héroïne ou la
méthadone, les quantités consommées sont rarement les seuls déterminants. La
cocaïne, même à petite dose, peut entraîner un décès par troubles cardiaques, tout comme la
MDMA par hyperthermie et défaillance multiviscérale. »
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En France, le nombre de ces décès est globalement sous-estimé. Ceux qui surviennent à l’hôpital ne font pas tous l’objet d’une déclaration administrative, pourtant obligatoire. « Les médecins sont submergés par la paperasse… », soupire le professeur Mégarbane dans un bureau encombré de dossiers, piles multicolores où se cachent de grandes addictions.
PRODUITS DE
COUPE RAREMENT TOXIQUES
Kamel, 28 ans, gagne sa vie en livrant de la
cocaïne à domicile dans le nord de Paris. Conscient du risque mortel qui plane sur ses clients, il tient à se justifier : « Je n’oblige personne à acheter ma marchandise. Et je n’en vends qu’aux adultes. Ceux qui abusent du produit, je les mets en garde. Parfois, je refuse même de les servir. C’est mieux pour tout le monde : les gros toxicos attirent des problèmes. » Kamel sait la peine qu’il encourt si un consommateur vient à mourir. « J’ai un pote qui s’est fait serrer par le groupe Surdoses, dit-il dans un haussement d’épaules. On lui a mis cinq piges pour homicide involontaire et trafic de stupéfiants. C’est des délits, pas des crimes, ça reste en correctionnelle. »
Préférant changer de sujet, il exhibe sa dernière innovation marketing, un SMS destiné à sa clientèle : « C Kamel. Dispo avec la foudre ! 60 € le gr. 2 acheté [sic], 1 offer [sic]. Ponctualité aux RDV. » Ses yeux pétillent derrière le verre de ses lunettes : « Eh ouais, il y a une putain de concurrence sur le marché ! »
A la brigade des stupéfiants, je n’ai entendu parler que d’un cas de
coupe avec un produit toxique : une
héroïne coupée avec de la mort au rat. L’exception fatale…
Le jeune dealeur assure ne rien ajouter à sa
cocaïne, qui serait pure à 50 %. Il ne sait pas grand-chose des produits de
coupe, sinon qu’ils sont en général inoffensifs. Affirmation que le chef du groupe Surdoses, le commandant Patrick N., ne dément pas : « Il est rare de trouver des substances toxiques avec la
came. Les dealeurs cherchent avant tout à fidéliser leurs clients. A la brigade des stupéfiants, je n’ai entendu parler que d’un cas : une
héroïne coupée avec de la mort au rat. L’exception fatale… Le plus souvent, la
came est rallongée avec de la
caféine, du
paracétamol ou des laxatifs. » Certains produits de
coupe peuvent toutefois avoir de graves effets secondaires. C’est le cas du lévamisole, médicament vétérinaire souvent présent dans la
cocaïne vendue en France. Il arrive que ce pesticide utilisé contre les vers intestinaux chez les porcins provoque des troubles hématologiques et des nécroses de la peau.
Par une pluvieuse soirée d’automne, les sept membres du groupe Surdoses quittent le 36 quai des Orfèvres pour déployer un dispositif de surveillance autour d’un «
cocaïne call center ». « On utilise ce terme pour les réseaux organisés comme des plateformes d’achat, avec une centrale téléphonique et des livreurs », précise le major Yvan C. C’est le décès d’un jeune consommateur, quelques mois plus tôt, qui est à l’origine de l’information judiciaire. Les enquêteurs prévoient de suivre le livreur et d’identifier une partie de ses contacts. Equipés de talkies-walkies et de pistolets Glock, ils gagnent le Nord parisien à bord de véhicules banalisés. D’ordinaire, les policiers en civil sont faciles à repérer : baskets, jean, nuque raide. Les membres du groupe Surdoses font curieusement exception : la capitaine Floriane B. ressemble à une étudiante ; le commandant Patrick N., à un artiste-peintre mélancolique ; et le major Yvan C. à un professeur de maths un peu distrait. De plus près, pourtant, ils ont tous le même regard aigu et intrusif : un œil sur l’interlocuteur, l’autre en retrait, à la recherche d’un mensonge ou d’une intention suspecte.
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PARIS, UN CAS À PART
Aux abords du 19e arrondissement, Patrick N. prend en filature une Peugeot 205 délabrée. « Les trafiquants ne sont pas tous des Pablo Escobar, souffle le chef de groupe. Celui-là , c’est un bras cassé qui deale avec la voiture de sa tante. J’en connais qui n’ont même pas de véhicule. Ils font leurs livraisons avec Heetch, l’application de covoiturage nocturne… Quand on les interpelle, la plupart d’entre eux n’ont pas trois sous de côté. Ils vivent au jour le jour. » La 205 mène les policiers à un bar-restaurant des Hauts-de-Seine. Floriane C. est envoyée en éclaireuse. Une ambiance bon enfant règne dans l’établissement, où des jeunes boivent du thé autour de jeux de société. La capitaine de police envoie des SMS à ses collègues pour les renseigner sur l’« objectif ». Une table voisine lui propose une partie de Pictionary. Elle décline, prétextant une grande fatigue. Dehors, Yvan C. et Patrick N. finissent d’équiper la 205 d’un système de géolocalisation. Dans deux ou trois semaines, les enquêteurs auront assez d’éléments pour « taper » (démanteler) la plateforme d’achat.
En France, une nouvelle drogue apparaît chaque semaine. Principalement des psychostimulants qui s’achètent en ligne
« Voir fleurir un objectif » (voir apparaître un suspect), « zombards » (écoutes), « bécaner une GAV » (taper le procès-verbal d’une garde à vue) : le quotidien du groupe Surdoses est à lui seul une aventure lexicale, faite d’acronymes et d’expressions à la fois crues et imagées. Quant au langage de la rue, les policiers s’y initient lors des innombrables conversations téléphoniques qu’ils interceptent. « Certains suspects passent plus de deux cents appels par jour, déplore Floriane B. Et pas toujours pour dire des choses essentielles… J’utilise le site du Dictionnaire de la zone pour m’y retrouver. » Le major Yvan C., lui, étonne parfois ses enfants en lançant d’impeccables traits d’argot.
Le groupe Surdoses doit s’adapter à un environnement qui évolue très rapidement. En France, une nouvelle drogue apparaît chaque semaine. Principalement des psychostimulants qui s’achètent en ligne. En 2013, ces nouveaux produits de synthèse (NPS) ont fait une entrée remarquée dans les statistiques du groupe. « Ils sont responsables d’environ trois ou quatre décès par an, observe le brigadier Fabrice L., 35 ans. On a presque toujours affaire à des
cathinones de synthèse –
3-MMC ou
4-MEC – consommés par des adeptes de
chemsex, pratique gay qui mêle sexe et
psychotropes. » Comme pour les autres dossiers, les analyses en laboratoire font souvent état de mélanges aléatoires :
3-MMC et
cocaïne, ou encore
4-MEC et
GHB (la drogue dite « du violeur »).
Les
NPS représentent désormais 15 % des enquêtes du groupe. « Ils sont en hausse, souligne le commandant Patrick N., comme la
cocaïne depuis dix ans, qui est aujourd’hui impliquée dans 35 % de nos affaires, à égalité avec les
opioïdes. » Ces ratios – qui ne valent que pour Paris intra-muros – s’écartent de la moyenne nationale, où les
opioïdes demeurent très largement majoritaires. « Si la capitale forme un cas à part, c’est peut-être parce que toutes les drogues y sont disponibles, suppose Floriane B. Ces chiffres, de toute façon, n’indiquent que des tendances. Ils sont surtout utiles pour la prévention, qui reste le meilleur moyen d’éviter les accidents. » Là où le groupe Surdoses intervient, la prévention a, malheureusement, déjà perdu son auditoire.