Un an après la légalisation de l'usage récréatif de la marijuana, le bilan est très décevant. Les recettes fiscales sont trois fois inférieures aux espérances initiales.Les ventes légales de cannabis ont reculé par rapport à 2017, quand la consommation était autorisée pour raisons médicales uniquement. - Patrick T. Fallon/BloombergQuand les Californiens ont voté en novembre 2016 pour légaliser l'usage récréatif du
cannabis en Californie, ils savaient que la transition ne serait pas un long fleuve tranquille. Mais ils ne se doutaient pas qu'elle serait si complexe.
Un an après l'entrée en vigueur de la loi , le bilan de l'année 2018 est décevant. Selon le cabinet BDS Analytics , les ventes légales de
cannabis ont reculé par rapport à 2017, quand la consommation était autorisée pour raisons médicales uniquement. Le total pour 2018 s'établit à 2,5 milliards de dollars, un demi-milliard de moins que l'année précédente.
L'échec est d'autant plus cuisant que les ventes légales dans les cinq autres Etats ayant dépénalisé l'usage récréatif avant la Californie ont toutes augmenté au cours de la première année. Elles ont par exemple crû de 88 % à Washington et de 58 % dans le Colorado.
Ce bilan californien mitigé se reflète dans les recettes fiscales récoltées par le Golden State, plus faibles que les prévisions indiquées par les autorités lors du référendum. Selon des chiffres publiés mardi, elles s'élèvent à 345 millions de dollars, loin du milliard espéré originellement.
Vitalité du marché noir
Dans un rapport publié début janvier, le California
Cannabis Advisory Committee analyse les raisons de ces débuts difficiles. L'organe chargé de conseiller les régulateurs californiens pointe la vitalité du marché noir, qui reste difficile à juguler. Les incitations pour basculer sont faibles, notamment à cause d'un niveau de taxation élevé, avec un taux cumulé de près de 35 %, supérieur à l'Oregon et au Colorado.
Les prix élevés poussent les consommateurs à continuer à recourir au marché noir. Selon une étude publiée en septembre dans le journal Addiction, les clients sont prêts à payer plus pour bénéficier des avantages associés à la
légalisation, mais pas au-delà de 10 dollars par gramme.
Au nord de San Francisco, des habitants se plaignant de l'odeur forte émanant des champs de Sonoma County ont poursuivi en justice un producteur cet été. - JIM WILSON/NYT-REDUX-REALe poids de la régulation est également « excessif », juge le comité, créant des barrières à l'entrée pour les petits acteurs. Ceux-ci ont du mal à se mettre en conformité avec les différentes règles (emballage, tests...). D'autant plus que l'accès au système bancaire reste inexistant à cause de l'interdiction du
cannabis au niveau fédéral. Fin décembre, un rapport du trésorier de l'Etat de Californie jugeant un projet de banque publique infaisable a définitivement enterré les espoirs sur ce sujet.
Odeur des champs
L'Etat californien fait également face à la résistance inattendue de nombreuses municipalités, qui rendent caduques les licences qu'il délivre. Seules un tiers d'entre elles autorisent actuellement les entreprises liées au
cannabis sur leurs territoires. Certains habitants voient d'un mauvais oeil ces activités. Au nord de San Francisco, des habitants se plaignant de l'odeur forte émanant des champs de Sonoma County ont poursuivi en justice un producteur cet été.
Le rapport souligne aussi « le manque de mesures coercitives », qui « créé un environnement florissant pour le marché noir ». La loi dépénalisant l'usage du
cannabis a réduit l'arsenal punitif. Mi-février, Gavin Newsom, le nouveau gouverneur de Californie, a annoncé vouloir durcir les contrôles. 150 officiers de la garde nationale californienne stationnés à la frontière mexicaine vont être redéployés dans les forêts du nord de la Californie.
Anaïs Moutot
Correspondante à San Francisco
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Dernière modification par Mister No (27 février 2019 à 11:38)