Communiqué de presse de Psychoactif du 5 janvier 2021
Alcool : Le défi de janvier - dry january : comment faire du neuf avec du vieuxC'est la deuxième fois que le "défi de janvier - dry january" est lancé en France par des acteurs de l'addictologie*. Il s'agit de s'abstenir de boire en janvier le plus longtemps possible, et in fine de pouvoir s'interroger sur sa consommation d'
alcool.
Si conduire les français à s'interroger sur leur consommation est louable, on peut néanmoins questionner l'utilité de cette action et les dommages qu’elle occasionne.
Tout d'abord conseiller l'arrêt de la consommation juste après des fêtes de fin d'année souvent bien arrosées, réactive implicitement les bonnes vieilles valeurs judéo-chrétiennes de culpabilité et de repentir : "tu as consommé et tu t'es amusé, tu as donc péché et tu dois expier tes fautes". Est-ce que c’est avec ses valeurs négatives que nous voulons parler aux consommateurs ?
Ce défi est aussi révélateur d'une certaine manière de penser la consommation d’alcool : c’est l'abstinence qui permettrait de s'interroger sur ses usages. Cela vient en résonance avec le schéma des cures de
sevrage, vu par une grande partie du monde de l'addictologie comme seul moyen de « contrôler » ses consommations et qui a largement montré ses limites.
Dans le même ordre d'idée, l'après dry-january reste un impensé. Que se passe t-il après ce mois d'abstinence ? Comment reconsomme t-on ? Ou espère t-on secrètement que la personne arrête pour de bon ? Encore une fois, il semble qu'hors de l'abstinence point de salut…
Mais le plus dommageable dans cela, ce sont tous les consommateurs dépendants à l'
alcool que ce défi stigmatise. Il est en effet bien rappelé à ces personnes de ne pas faire ce défi, car l'interruption de leur consommation pourrait conduire à un délirium tremens. Ces millions de personnes qui sont déjà stigmatisées par la société comme "ne sachant pas boire", se retrouvent exclu de ce défi collectif... Une fois encore on exclut les exclus... Une autre manière de le dire : on exclut ceux qui auraient sans doute le plus besoin d’avoir des informations non stigmatisantes et des propositions d’accompagnement.
En promouvant l'abstinence comme seul moyen de réfléchir à sa consommation, et la culpabilité comme moyen d'y arriver, les promoteurs du défi de janvier s'enferrent dans un schéma du 20eme siècle : ils ne s'intéressent finalement pas à la consommation, mais juste à son arrêt. Est ce que c’est le message que le monde de l’addictologie veut faire passer ?
Alors en 2022, pourquoi ne pas proposer un nouveau type de défi qui prenne en compte l'émergence de la
réduction des risques pour l’alcool, et qui intègre tous les consommateurs qu'ils soient dépendants ou non ?
Contact : Pierre Chappard
(*)
https://dryjanuary.fr/a-propos-de-nous/