Aujourd'hui, je suis morte.
Elle est à côté de lui, et ne pense plus qu'à l'épiderme ami qui caresse le sien. Je les vois, de haut, pleine d'un trouble que je ne connaissais plus depuis longtemps. Il y a quelques secondes, je crois, je partageais leur couche et me confondait aux traits de cette femme sur le lit. Elle est belle, et fatiguée. Elle a les yeux qui se ferment, car les ouvrir demande trop d'efforts.
Il promène sa main aimante sur son corps et l'embrasse doucement, de la nuque aux parties génitales.
Une pointe d'agressivité, qu'il n'avait jamais eu depuis leur rencontre, se faisait entendre de temps à autre dans son discours ces dernières heures. Mais elle n'en a pas vraiment cure, de nombreuses digressions nébuleuses concentrant toute son attention. De toute façon, depuis qu'ils ont recommencé à se mouvoir à nouveau, ils restent silencieux. Il continue à la toucher, pendant que j'observe, sans tout comprendre.
Insubstantielle, je flotte au-dessus d'eux, tout en gardant connaissance des pensées de la femme qui tremble et gémit de plus en plus, au fur et à mesure que le temps avance. Ce dernier, lui non plus, pourtant, n'a plus de valeur fixe. Une seconde peut être une heure, comme tout aussi bien le contraire.
Je la regarde, en face, je vois son visage. Elle ferme les yeux, s'est mise à quatre pattes. L'homme est derrière elle, agrippe ses seins, les malaxe avec un grognement de satisfaction. Elle a envie de lui dire qu'elle l'aime. Puis j'essaie de la faire penser à l'homme qu'elle a quitté il y a quelques semaines, mais elle annihile tout de suite ces songes, qui paraissent si lointains et malvenus. Rester avec lui aurait été se et lui mentir, et elle est convaincue d'avoir eu raison. Je décide de me taire, et d'acquiescer. Elle n'a pas tort, finalement. Elle est heureuse avec cet homme, qui est derrière elle. Il l'apaise, ils se comprennent. Ils s'aiment et ont la pudeur de ne pas encore le dire.
Je la fixe, et pense à sa famille. A ce père, plein de maladresse et d'un ersatz d'attention qu'il cherche à donner, sans savoir ce que c'est, sans savoir comment faire. A sa mère, qui l'aime à s'en rendre malade, tout en la regardant et interagissant avec elle comme avec une parfaite étrangère. A toutes les personnes en dehors de ce noyau familial, pourritures cachées derrière une enveloppe chaleureuse.
Son sexe a durci, elle le sent. Il embrasse ses fesses comme un damné.
Elle a négligé sa sœur pendant de trop longues années. Elle le savait et pourtant a fait semblant d'être aveugle, quand la famille entière, et surtout la rare et insensible présence paternelle était violente avec les mots. Tant qu'on la laissait tranquille. Avec la famille, elle est restée discrète et distante. Sauver sa peau. Et maintenant, les choses, subtilement, commencent à se révéler et voler en éclats.
Il la pénètre. Elle s'est retournée, s'accroche à lui. Gémit.
Il n'est pas capable de lui donner assez... Que pourra-t-il lui offrir de lui-même, à part le confort matériel ? Pourtant, elle aime son père plus que tout. Mais elle a peur pour cet enfant qui commence à prendre une allure réaliste. Il saura l'aimer, sans aucun doute, mais répétera une fois de plus les mêmes erreurs. Parce qu'il ne voit pas. Parce qu'il n'a jamais voulu apprendre à faire autrement.
Les rideaux sont blancs. Les draps aussi. Une lumière clignote derrière le bureau. C'est la prise de l'ordinateur.
Elle lui mord le cou, grogne. Il a allongé ses bras et la tient fermement.
D'ici, elle peut voir un bout de lune. Ses cheveux sont emmêlés. Elle aimerait donner plus de temps à ses amis, d'attention à sa mère et à elle-même.
Il a joui. Elle hurle de plaisir. Pourtant, à l'intérieur, je geins, et pleure toutes les larmes de mon corps.