"Choisir la vie, choisir un boulot, choisir une carrière, choisir une famille, choisir une putain de télé à la con, choisir des machines à laver, des bagnoles, des platines laser, des ouvres boites électroniques(...) Choisir son avenir, choisir la vie.
Pourquoi je ferais une chose pareille ? J’ai choisi de pas choisir la vie, j’ai choisi autre chose. Les raisons ?
Y’a pas de raison. On n’a pas besoin de raison quand on a l’héroïne."
Cette citation, issus du film Trainspotting, et présente dans la chanson
Héroïne de Dutch Disorder, nous la connaissons sûrement tous. Ici, ce qui m'interpelle dans cette citation, est le mot "choix", qui sera au cœur de notre entreprise.
Ces paradis artificiels rythment nos vies, du matin au soir, ils sont au cœur de nos préoccupations, de nos humeurs, de parfois de notre comportement, la gestion de notre temps, etc...La question n'est plus "que vais-je manger ce soir", mais "que vais-je consommer ce soir".
Et c'est à ce moment précis, si nous ne sommes point dans le déni, que l'addiction s'offre à nous comme connaissance. Mais, s'empare-t-elle de nous dépassant notre bon vouloir ? Ou bien sommes-nous les agents le permettant à chaque instant ?
Cette préoccupation en amène bien d'autres, si c'est un choix délibéré que nous faisons à chaque instant, que motive ce choix d'annihiler notre propre liberté ? Par ailleurs, ce choix ne serait-il pas la vraie expression de notre liberté se réalisant sous la forme "addiction" ? Et si la réponse était la confirmation de notre servitude ? Ou bien, si la réponse disait que la drogue suffisait à nous déposséder de notre libre arbitre, quelles seraient les conséquences pour l'humanité elle-même et sa liberté, serait-elle faillible ? Tentons-nous, et arrivons-nous à échapper à la liberté ?
Voici la vue d'ensemble de notre entreprise. Tout cela, proposé sous un prisme Sartrien. En effet, le choix, la liberté, la responsabilité sont au cœur de la philosophie de Jean-Paul Sartre, et ce dernier habite aussi mon cœur. C'est pour cela que la réflexion proposée sera empreinte de son spectre, mais pas seulement.
Il nous faut d'abord revenir brièvement sur la conception Sartrienne. Pour ce dernier, la liberté est intrinsèquement liée à la notion de choix. Par exemple, j'ai devant moi une bouteille verte, ou une bouteille bleue. Je peux tout à fait en choisir une ou l'autre, le choix que je suis en capacité de faire : c'est le libre arbitre. Notons aussi pour ce dernier, c'est justement ce choix, cette expression de la liberté qui motive notre angoisse existentielle, ce que beaucoup essaient de soulager à travers le choix possible de la consommation de drogues. Se faisant, la liberté guidant l'existence humaine, la dessine en même temps. Nous connaissons tous cette célèbre formule "l'existence précède l'essence", ce que Sartre veut dire exactement, c'est que les choix de chaque individu, dû à leur existence, constituent à travers leur vie, et leur collectivité l'essence humaine toujours en devenir. Chaque homme définit l'humanité par ses choix : l'addict aussi. S'il n'est pas libre comme statuer plus haut : l'humanité ne l'est peut être pas non plus.
C'est sous cette approche que nous aborderons notre sujet.
Premièrement, nous pouvons tous admettre que la consommation de drogue, précédant l'addiction, est un choix libre. Cependant, l'addiction est-elle vraiment un choix ? L'addiction ne serait-elle pas justement l'annihilation de ce choix ? L'urgence de consommer, et assouvir ce désir, n'est peut être pas un choix. Partons d'un point de vue matérialiste, presque Cartésien (ce dernier pensant que la conscience résidait dans la glande pinéale, de ce fait apportait une place décisive à l'organe qu'est notre cerveau). Nous pouvons aisément émettre l'hypothèse selon laquelle notre cerveau dirige nos choix, c'est en effet ce dernier qui permet de cerner une situation, et d'agir en conséquence. Notre liberté ne résiderait-elle pas dans une certaine disposition du cerveau, déclenchant le mécanisme du choix, une structure de ce dernier. Cette hypothèse (qui en reste une), peut cependant être jugée sérieuse. Suivant cela, l'addiction (du moins sur un temps prolongé) change la structure même du cerveau et son mécanisme chimique, et cela à vie dans nombre de cas. Par exemple, le cerveau devenant "lisse" (signe de diminution cognitive) sous l'effet de certaine drogue. Notamment l'
alcool, notons aussi que l'
alcool modifie la structure même de l'ADN. La conscience, le choix, la liberté dans cette perspective ne sont point étranger au corps, souvent oblitérés. Donc, compte tenu de ces éléments, l'addiction pourrait être une des seules choses dans ce bas monde pouvant altérer notre liberté elle-même, au-delà de toute volonté qui serait infini. Notons aussi que c'est principalement ce choix, cette liberté, menant à cette angoisse existentielle, particulièrement exacerbée dans notre cas, qui mène à l'addiction (bien sûr en plus du terrain addictif génétique et des traumatismes vécus). Ici l'homme troque sa liberté pour soulager son angoisse à l'aide de l'addiction.
Les conséquences sont lourdes : si certains hommes, construisant la réalité, "l'essence" humaine n'est pas libre, cette réalité humaine ne l'est pas non plus. Pour la bonne raison suivante : la liberté est le propre de l'homme, une caractéristique le différenciant. Et admettre qu'un homme n'est pas libre, c'est dire qu'il est un animal au meme titre que les autres. Or, on y voit une incohérence, nous ne sommes (malheureusement) pas de "vulgaires animaux".
Deuxièmement, l'addiction, étant liée au choix de la consommation première, serait-elle le choix ultime ? Le choix résultant d'une liberté "trop" consciente, se réalisant sous la forme addiction". Être toxicomane, en tout cas pour moi et pour beaucoup de mes amis partageant cette tare, c'est avant tout vouloir ne pas souffrir, prendre le choix d'être accro, pour soulager. La, on parle bel et bien de choix, de liberté consciente nous nous sommes rejoint, nous avons fait le choix (peut-être mauvais, mais choix quand même) de perpétuer nos addictions, en âme et conscience, pour soulager cette vie. Car c'est notre seule manière de le faire. Soit soulager cette vie, soit mourir. Mourir voudrait dire être privé de vie, sans aucune possibilité de liberté. Nous, nous avons fait le choix de vivre, réaliser possiblement notre liberté, a travers la drogue ; sans elle nous serions mort de nos propres mains. Comme si notre Conatus, nous avait poussé à consommer. Elle nous a en quelque sorte sauvée de nous même. Et cette décision, ce choix est parfaitement libre.
Voici les deux faces d'une même pièce.
Maintenant, allons sur le sujet de l'émotion, souvent subit. Elles sont intimement liées a la consommation de drogues, pour les fuir, mais aussi les provoquer. Or, dans notre perspective, c'est le sujet lui-même qui se l'inflige. Qui choisit véritablement son émotion, il a le libre arbitre sur son émotion, et même ses sensations. La fameuse sensation de "coton" sous opiacé par exemple. L'émotion, nous dit Jean Paul Sartre, fait partie de cette réalité humaine voir plus, au même titre que le choix, la liberté. Il nous dit au sein de son esquisse d'une théorie des émotions "l'émotion n'est pas un effet de la réalité humaine, elle est cette réalité humaine se réalisant sous la forme émotion". Dans notre cadre, l'addiction est de choisir son émotion, choisir sa réalité humaine. En ce sens, c'est un choix libre, mais surtout boulversant.
Notre consommation elle-même, dans le cadre de nos politiques répressives, est une expression de notre liberté, de notre choix. Cette transgression, non seulement politique, mais surtout morale, est une transformation de la "liberté acceptable" face à une société sourde. En ce sens, la consommation nous rend libre face a ce cadre, exprime une liberté même collective. C'est réaffirmer ce choix et ce libre arbitre, dans le cadre que nous avons évoqué.
Je fais volontairement le choix de ne pas conclure. Premièrement car je désire que ce post soit pour nous et pas seulement pour moi, une interrogation libre. Faites le choix de votre interprétation, ce choix sera aussi éclairant votre consommation. Deuxièmement, car je pense que la vérité est un concept inexistant, faillible. Déterminée par des interprétations, je vous laisse donc créer votre vérité suite à votre lecture.
Aussi, j'aimerais vous informer que prochainement d'autres post se feront, probablement une fois par semaine. Le prochain aura pour objet la notion même de paradis artificiels, le sont-ils vraiment ?
Chers consœurs et confrères, j'attend votre retour avec impatience. Ce blog est aussi un espace d'échange,
Phitx.