Aout 2016 - suite Je te raconte les champignons …
Et puis, toi, tu me parles de cul.
Encore.
Tu me racontes tes expériences, toutes plus farfelues les unes que les autres.
Je me dis
« Ok, mec, t’as une vie sexuelle de ouf, mais après ? » J’aimerai en savoir vraiment plus sur lui.
Ses parents, ses origines, les femmes qu’il a aimé.
On commence à mettre de la musique sur Youtube.
Non, en fait, quand je suis arrivée, tu venais de mettre
« Dans Paris », de Christophe Honoré.
C’est un film que j’adore, qui évoque beaucoup de choses en moi.
On ne le regarde pas vraiment, mais j’aime bien l’avoir en fond.
C’est après seulement qu’on se fait écouter des musiques, à tour de rôle.
J’adore ce genre de moment.
C’est à la fois banal et très intime.
Je remarque que tu connais beaucoup de choses … J’ai du mal à te faire découvrir de nouveaux sons.
Je mets
« Modern love » de David Bowie, avec l’extrait de Mauvais Sang que j’aime tant.
La voix de Juliette Binoche se met à résonner entre nous.
« - Je suis contente que tu sois là. Ici avec nous. Tu mets un disque ?
Vite, avant que la mélancolie s’empare de tout.
Rien ne bouge plus … Comme si … Je me sens si … Les choses sont trop …
- J’arrive pas à chosir. Je vais mettre la radio. J’aime bien la radio. Il suffit d’allumer. On tombe toujours pile sur la musique qui nous trottait tout au fond. Tu vas voir, c’est magique … Attention … »Tu recois un appel. Je mets l’extrait sur pause.
Il y a eu une infraction dans le restaurant dont tu es responsable.
Tu m’impressionnes encore une fois. Tu parles d’une façon très calme, posée, assurée.
Genre
« Je me suis couchée à 23h, réveillé à 7h, je suis en train de boire un café, manger un croissant et lire le journal. » Je suis un peu gênée, je ne veux pas m’imposer si tu as des impératifs pros à gérer.
C’était ton week end mais bon, apparement faut que tu puisse être dispo et opérationnel à toute heure, alors je veux te faire comprendre qu’il n’y a pas de soucis vis à vis de moi, je ne le prendrai pas mal si tu dois me mettre à la porte.
Au contraire, j’aime ca, pouvoir cacher prise et aller dans l’excès tout en assumant ses responsabilités. Là encore, je suis admirative quand tu me parles de ta vie professionnelle, en menant la vie de débauché que tu as.
Je ne pourrais pas être heureuse en n’ayant que des moments de plaisir. Ce n’est pas possible.
Le plaisir en devient sinon déplaisir;
J’aime le lacher prise, l’ivresse, l’abandon, mais tout ça n’a de sens que si l’on fait d’autres choses à côté … Non ?
Tu passes plusieurs coups de téléphone, et puis tu finis par raccrocher.
Tu me rassures.
Non, tu ne veux pas y aller.
Oui, tu préfères rester avec moi.
J’essaie d’y croire.
Est ce réellement avec moi que tu voulais rester alors, ou avec Mademoiselle Caroline ? Aujourd’hui, je m’interroge.
A ce moment là, moi, je ne sais plus trop ce que je veux ou ce que je cherche, mais je crois que je suis bien là maintenant tout de suite. Je me sens bien, et je n’ai pas envie d’interrompre ce moment.
J’ai souvent eu des problèmes avec la fin.
Je ne sais pas m’arrêter.
Si un verre de vin est bon, j’en veux un deuxième.
Si la première
cigarette a été bonne, je fumerai jusqu’à la fin du paquet.
Si une soirée est bonne, je ne sais pas y mettre le point final.
Et si une ligne est bonne, alors elles se suivront jusqu’à ce que le pochon soit vide.
J'suis zexcessive, on dit.
Je fuis. C’est vrai. Je fuis à travers mes excès. Je suis une fuyante qui reste.
Je te sens un peu ailleurs, après tes coups de téléphone.
J’insiste pour remettre l’extrait de
« Mauvais sang » , interrompu.
"- Donne moi un chiffre Ana. Au hasard. Vite Ana, un chiffre.
- Quoi ?
- D’accord, trois. Un, deux, trois. Voilà, écoutons, et laissons nous dicter nos sentiments …
« J’ai pas de regrets d’avoir fait ce que je fais …. Je pouvais plus vivre avec sa peine… Jetez moi la pierre si vous n’avez jamais tant souffert comme moi je souffrais … Par grande misère elle avait oublié ce que l’on sait pour de vrai quand on s’aime . Mon soleil d’hiver, mon eau fraiche en été, ma Nellie, je l’aimais, je l’ai tué …. »
Et maintenant, pour Christophe qui habite le 5ème de la part de Juliette qui habite le premier, « L’amour moderne », de David Bowie…"La chanson de Bowie retentit.
Mais ce n’est plus pareil, ça ne fonctionne pas.
Le fil du moment a été rompu.
On a finit la bouteille entamée avec ton ami.
On a enchainé les rails.
On n’est plus au moment où les fins de soirées et les débuts de journée se croisent. Il est 11H, déjà.
Je n’ai jamais fait ca.
Tu proposes d’aller acheter une bouteille.
Je n’ai plus de batterie sur mon téléphone, ça me stresse un peu.
Au début, c’est toi qui veut y aller, et je te propose de t’accompagner. J’ai envie de prendre l’air.
J’aime chez toi, mais il y a ce moment oppressant de la pénombre enfumée, où il fait beau dehors, où je me dis
« c’est tellement rare que j’ai mon samedi après midi de libre, je pourrais faire ci, ca, aller voir ce film au cinéma qui me tente tant, aller voir cette expo … » Je fantasme mon samedi.
Tu veux aller à l’atelier d’un ami artiste.
Je palpite de toutes ces occupations culturelles qui occuperont mon samedi de libre , si rare.
Je n’en ferai rien.
On descend au Monoprix, en bas de chez toi.
C’est bizarre de faire les courses ensemble.
J’essaie d’être naturelle et détachée.
Toi aussi, je crois, mais je sens un certain malaise.
J’ai envie de saumon.
Je suis sur le point de dire
"Hey, et si on s’achetait un truc à manger ?" Bah ouais quoi , il est 11H30, il est bientôt l’heure de déjeuner, non ?
En même temps, je réalise que je n’ai pas failm, le médicament magique
coupe l’appétit et c’est la première fois en ce moment que j’en prends un peu plus que je me sens libérée de la torture qui m’habite depuis mes 17 ans.
8 ans déjà que j’achète et que je vomis, que je me pèse entre 3 et 6 fois par jour.
La
cocaine m’a fait reperdre un peu de poids, je pèse 45kg.
Alors non, je ne propose pas d’acheter du saumon fumé.
J’ai envie d’acheter une bonne bouteille pour fêter ce moment inédit, je rêve de Chablis ou de Sancerre. Mais apparemment ce n’est pas ton cas, tu empoignes une bouteille de Rosé à bas prix.
Bon, finalement, elle se boira facilement.
La caissière nous dit
« Bonne soirée » lors de notre passage à la caisse.
Bonne soirée ? Mais il est à peine midi !
Je ne sais pas si elle te connait et si tu viens souvent acheter des bouteilles à cette heure, mais je trouve ça un peu bizarre …
D’ailleurs, ce moment est vraiment étrange, j’ai hate de retrouver la pénombre de ton appartement crado.