cela ne fait donc qu'une journée et demie de manque et l'abstinence , bien installée dans ses membres, ses organes, son cerveau, lui rend le fait même d'être en vie impossible! quand toutes vos fonctions vitales deviennent perceptibles , c'est que quelque chose ne va pas; le coeur s'affole, le foie est comme un gros poids aigu qui vous comprime le ventre, juste sous la cage thoracique; que vos intestins se font si sensibles qu'un verre d'eau vous envoie aux wc de toute urgence; que vos muscles se figent sous le moindre effort provoquant des crampes douloureuses; que votre sueur vous devient insupportable à cause de son odeur et de sa quantité; que votre cerveau vous envoie un message unique: "trouves moi quelque chose! et vite!" il envoie aussi des images venues du passé, les mélangeant tellement au présent que votre futur s'en trouve irrémédiablement compromis ; l'espoir devient un mot inutile, vain, vide de sens ; un rire sarcastique vient vous secouer devant certains mots comme: bonheur; famille, amis...tout se colore de noir et le noir rejette toutes les couleurs, augmentant vos sensations de froid intérieur. ce n'est pas une dépression, non: c'est une déflagration de votre être total qui ne connait qu'un seul remède : un shoot .
il lui suffit pour cela de regarder jack d'une certaine façon, message si puissamment véhiculé qu'il comprit de suite son désir :monter à Dam.on peut noter au passage que les mots ne font pas tellement partie du comportement des accros; il n'est absolument pas indispensable pour les initiés; on s'en dispense aisément, le corps suffisant à passer les messages essentiels: "donnes moi en plus; on y va; on monte? on s'en met plein la tête, etc.." car la vie des accros se résume à l'essentiel :tout est centré autour du produit, ce qui représente un travail à temps plein..
Le voyage se fit comme dans une sorte de brouillard, le manque poussant à se dépêcher, à prendre de la vitesse, des risques aussi ,mais somme toute assez "contrôlés" ; on est en total adéquation avec la conduite, le véhicule qu'on ressent dans tout le corps, la moindre bosse vous secouant plus fort que d'habitude, la vitesse calmant les méfaits du manque.Quand on est dans l'action ,dans la certitude qu'au bout du chemin se trouvera le shoot tant voulu, alors le manque ,comme par miracle se met en "sommeil"; on devient capable de tout, alors qu'avant de décider de monter, on se traÎnait lamentablement ;il y a là une magie si puissante que les non initiés ne peuvent pas même imaginer.
La traversée de la belgique se fait généralement sous une pluie battante; petit état tout gris, on le passe comme si novembre y avait élu domicile; la frontière avec les pays bas réjouit le coeur et la pensée se projette alors sur le shoot qui va enfin être fait..on imagine la scène et pendant ce temps les éoliennes tournent au vent de la mer du nord, le pont de Rotter est englouti par l'asphalte, on file comme les gros nuages gris; le panneau à "l"éléphant" annonce bientôt notre sortie du ring; on arrive, on est trempé non pas de pluie mais de sueur, mais cela ne fait rien; on est arrivé; on sourit .