Le premier ministre Édouard Philippe vient de présenter un plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 qui devrait réjouir les alcooliers, à défaut des défenseurs de la santé publique.«N’emmerdez pas les Français!», Emmanuel Macron, le président de la République avait fixé le cap en reprenant la phrase célèbre du président Pompidou au sujet de l’alcool. On peut dire que le premier ministre a fidèlement suivi cette feuille de route, dramatique pour la santé publique, dans le nouveau Plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 publié ce 8 janvier en catimini.
Sauf que Pompidou, c’était il y a cinquante ans, une époque où on ignorait encore que l’alcool était responsable de 49.000 morts par an et de 3,6% des hospitalisations pour un coût de 2,64 milliards d’euros (le coût total attribué à l’alcool s’élève à 8,6 milliards d’euros et son coût social à 120 milliards d’euros). Désormais, «on estime à cinq millions les personnes qui ont des difficultés médicales, psychologiques ou sociales à mettre en relation avec l’alcool», selon le numéro consacré à l’alcool de la série La santé en chiffre publié par Santé publique France.
Peu d’ambition, pas d’innovationÉvidemment, il faut se féliciter de la volonté du gouvernement de «protéger l’enfant à naître de l’exposition aux substances psychoactives pendant la grossesse et améliorer les prises en charges» (axe 2 du plan). «500.000 personnes souffrent à des degrés divers des conséquences de la consommation d’alcool de leur mère au cours de la grossesse», explique le plan. Il semble toutefois bien angélique de penser qu’il suffira d’agrandir les logos d’avertissement sanitaire sur les bouteilles ou de développer l’information par les moyens traditionnels (documents de la sécurité sociale, campagnes d’information...) pour y parvenir.
De la même façon, s’il est lucide de rappeler que «44% des jeunes de 17 ans ont déclaré une alcoolisation ponctuelle importante dans le mois (5 verres ou plus en une seule occasion pour les adolescents)», les objectifs sont loin de signer une politique innovante et ambitieuse en santé publique: «Rappeler au grand public l’interdiction de vente aux mineurs du
tabac, de l’alcool et des jeux d’argents...»; «Faire respecter l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs par l’ensemble des points de vente (y compris la vente à emporter)...».
Parfois ces objectifs frisent l’hypocrisie («Veiller au respect de la réglementation destinée à réduire l’exposition des jeunes à la publicité pour l’alcool, notamment dans les enceintes sportives») au regard du bombardement de publicités pour la bière, le vin ou autre prémix (mélange d’alcool fort et de boisson non-alcoolisée) désormais autorisées dans l’espace publique.
Capitulation en rase campagneEn réalité, il suffit de lire les pages 39 et 40 du plan pour comprendre l’échec annoncé de celui-ci dans la lutte contre la consommation d’alcool. Après avoir expliqué, d’une part, que la mesure la plus efficace est l’augmentation significative des prix, et d’autre part, que la fixation d’un prix minimum à la dose d’alcool (vin ou autre) n’était pas contraire au droit européen, les auteurs du plan concluent que «cette mesure permettrait de mieux protéger les jeunes et les gros consommateurs». Donc? Rien. Ou plutôt une phrase qui fleure bon la capitulation en rase campagne: «Ces données doivent être complétées par une évaluation de l’ampleur des effets escomptés en matière de santé publique, induits par la baisse de consommation, ainsi que de l’impact d’une telle mesure sur les différents secteurs économiques concernés».
Un plan donc bien décevant. Espérons au moins que le tout premier objectif finisse par trouver écho au plus haut sommet de l’État puisqu’il suggère «(d’)adopter un discours public clair, objectif et partagé sur les risques et les dommages liés aux consommations, notamment d’alcool et de
cannabis, fondés sur les dernières données scientifiques nationales et internationales». Voilà qui témoignerait d’un nouveau regard sur les consommations, faute de se traduire en actes.
Sources:http://sante.lefigaro.fr/article/l-alcool-grand-oublie-du-plan-addiction-2018-2022/