Saudade (témoignage)

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Bettina femme
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La saudade est un nom portugais qui ne peut pas se traduire en français. Il évoque la mélancolie, le désir d'un ailleurs voire la nostalgie d'une histoire que l'on n'a pas vécue.

C'est ce qui m'est arrivé avec l'héroïne.

Jusqu'à présent, j'avais la dépendance "safe" si je puis dire : je consommais des médicaments. Non, en fait, je les ingurgitais. Le vocabulaire a son importance dans la mesure où, pour le commun des mortels, on "prend" un médicament pour telle ou telle pathologie. Là où certains prennent un Doliprane pour un mal de tête, je tape directement dans la boîte de Tramadol. Un peu comme un cercle vicieux où la surenchère est reine. Toutefois, même quand je n'ai aucun symptôme, je croque, je mange des médicaments.

J'ai depuis très longtemps une prédilection pour les anxiolytiques, les hypnotiques. Ceux qui, pris en masse, font tomber de sommeil. Et puis, quand ils perdent de leur efficacité à force de surconsommation, je passe aux antalgiques opioïdes.
Chaque soir, j'ai toujours eu des problèmes d'endormissements.

Quand j'étais petite, mon beau-père ouvrait la porte de ma chambre. Il n'allumait pas la lumière. Je sentais sa sale odeur de chien en rut, j'entendais sa respiration s'accélérer qui pouvait se mesurer en excès de décibels. Souvent, je me demandais comment ma mère pouvait dormir aussi profondément, au point de ne pas surprendre son mari en train de se lever chaque nuit. J'étais seule au monde. Une toute petite chose, une toute petite poupée de chair et de sang qu'on secouait et à qui on faisait mal. Pendant des années, j'ai subi. Il a volé mon enfance. Chaque jour, je mourrais un peu.

Aujourd'hui, je ne suis pas heureuse mais j'ai survécu.

À un moment donné de ma vie, j'ai songé à acheter de l'héroïne. J'avais bien conscience que je franchissais un cap. Je n'ai pas acheté ma dose dans la rue. Je me suis simplement connectée au dark web.
Une semaine plus tard, je recevais mon enveloppe. Je n'ai pas traîné, j'ai sniffé une bonne partie du contenu. À l'époque, je ne savais pas, je ne savais rien. Je le voulais mon paradis artificiel. J'avais besoin de planer haut pour me réchauffer, moi qui ai souvent froid, pour avoir ne serait-ce qu'une illusion de bonheur, aussi furtif fut-il. Mais peut-être qu'au fond je voulais mourir. En vérité, une telle quantité aurait pu tuer n'importe qui.

Black out total. Quand j'ai ouvert les yeux, j'ai vu un homme en blouse blanche penché au-dessus de moi. J'ai paniqué, je me suis débattue. On m'a attachée. Plus tard - car j'imagine que j'ai été endormie parce que je ne fais aucun lien logique avec la suite - je vois ma mère. Mère avec qui j'avais coupé les ponts depuis plus d'une décennie. Elle pleure. Mon conjoint arrive alors. Il pleure aussi. Il me demande : "Est-ce que tu sais depuis combien de temps tu es ici ?". Je ne réponds pas. Il m'annonce que ça fait cinq jours que je suis plongée dans un coma artificiel. Il me dit qu'il m'a trouvée vers 17 heures, allongée sur le sol du salon, inerte. Qu'il m'a portée pour m'amener jusqu'à la voiture afin de se rendre aux urgences mais qu'à ce moment précis, j'ai fait une crise d'épilepsie impressionnante, très convulsive et qu'il a eu la peur de sa vie. Il a appelé les pompiers. Ils sont restés deux heures sur place avant de m'embarquer. Ensuite, il m'explique que comme le médecin du service de réanimation lui a appris que je ne passerai certainement pas la nuit, il s'est décidé à contacter ma mère. Parce qu'on lui a dit que c'était la fin. Puis le médecin est entré et m'a lancé : "Comment se porte la miraculée ?".

Je regrette de n'avoir même pas connu cet état de bonheur si précieux que je convoitais à travers ma prise d'héroïne. J'éprouve une sorte de douce tristesse.
Saudade...

Se droguer peut entrainer la mort. Ne pas se renseigner sur tel ou tel produit, sur ses propriétés, ses effets secondaires peut tuer. Ne pas tenir compte de la quantité ingérée est un aller simple pour le cimetière. Le fait de mourir n'est pas le plus grave en soi : le plus dur, c'est pour les proches, pour ceux qui restent.

Bref, en deux mots : soyez prudents.
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Témoignage poignant. Lena.

"The fish doesn't think because the fish knows everything"
(Iggy Pop)

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Cusco homme
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Assis au bord d une falaise, 60 mètres en dessous, il fait froid...
Je vais rentrer pour mon chien parce que lui (elle) ne comprends pas ce qu'on fout là.
Pour toi Bettina, je pense que tu parlais de cette chanson et que j adore :

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Mister No homme
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J'ai eu la chance de l'entendre en concert. :)
J'espère Bettina que tu as pu trouver un dosage satisfaisant avec tes microbilles.

Bon réveil, chill, fin de soirée ou tout simplement bona nit et curage à ceux qui taffent.

Dernière modification par Mister No (05 octobre 2019 à  08:06)


Just say no prohibition !

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Anonyme Acculée
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Bettina a écrit

Se droguer peut entrainer la mort. Ne pas se renseigner sur tel ou tel produit, sur ses propriétés, ses effets secondaires peut tuer. Ne pas tenir compte de la quantité ingérée est un aller simple pour le cimetière. Le fait de mourir n'est pas le plus grave en soi : le plus dur, c'est pour les proches, pour ceux qui restent.

Bref, en deux mots : soyez prudents.

Cette scène, le triste théâtre de la découverte de mon corps sans vie, j'y ai souvent pensé. J'imagine l'horreur pour mes proches. Mon silence un jour, deux jours. Puis l'intervention des pompiers qui sont obligés de forcer ma porte blindée. Et là, ce qui pourrait faire sourire, un rire nerveux au regard de cette situation dramatique : au sol, des accessoires BDSM, des capotes, du lubrifiant... Et dans la salle de bain, une espèce de créature transsexuelle très amaigrie, une "femme à bite" recroquevillée à poil dans sa baignoire, raide morte.

Et le pire, dans tout ça, c'est que je réalise qu'une fois ou deux, j'aurais pu commettre cette immense connerie. Le couronnement ultime, à titre posthume, de ma carrière de déconneuse folle, irresponsable et égoïste ("Helena, tu es devenue une vraie trans : tu penses qu'à ta gueule !", me disait avec beaucoup d'humour et d'autodérision une copine, cf ci-après)...

PS : la saudade, Bettina, je connais, j'ai découvert la transsexualité auprès de Brésiliennes. Le Brésil a nourri mes rêves pendant de longues années. La chanson ci-dessous, stupéfiante samba atonale composée par Arrigo Barnabé. Et aussi l’œuvre pianistique d'Heitor Villa-Lobos que j'adore. Bem bom, chanson d'amour, cadeau.


Gal Costa a écrit

O nosso amor vai ser assim,
Eu pra você, você pra mim.

"Ainsi sera notre amour,
Moi pour toi, toi pour moi.".

Dernière modification par Anonyme Acculée (05 octobre 2019 à  09:47)

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Cusco homme
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Anonyme Acculée a écrit

Bettina a écrit

Se droguer peut entrainer la mort. Ne pas se renseigner sur tel ou tel produit, sur ses propriétés, ses effets secondaires peut tuer. Ne pas tenir compte de la quantité ingérée est un aller simple pour le cimetière. Le fait de mourir n'est pas le plus grave en soi : le plus dur, c'est pour les proches, pour ceux qui restent.

Bref, en deux mots : soyez prudents.

Cette scène, le triste théâtre de la découverte de mon corps sans vie, j'y ai souvent pensé. J'imagine l'horreur pour mes proches. Mon silence un jour, deux jours. Puis l'intervention des pompiers qui sont obligés de forcer ma porte blindée. Et là, ce qui pourrait faire sourire, un rire nerveux au regard de cette situation dramatique : au sol, des accessoires BDSM, des capotes, du lubrifiant... Et dans la salle de bain, une espèce de créature transsexuelle très amaigrie, une "femme à bite" recroquevillée à poil dans sa baignoire, raide morte.

Et le pire, dans tout ça, c'est que je réalise qu'une fois ou deux, j'aurais pu commettre cette immense connerie. Le couronnement ultime, à titre posthume, de ma carrière de déconneuse folle, irresponsable et égoïste ("Helena, tu es devenue une vraie trans : tu penses qu'à ta gueule !", me disait avec beaucoup d'humour et d'autodérision une copine, cf ci-après)...

PS : la saudade, Bettina, je connais, j'ai découvert la transsexualité auprès de Brésiliennes. Le Brésil a nourri mes rêves pendant de longues années. La chanson ci-dessous, stupéfiante samba atonale composée par Arrigo Barnabé. Et aussi l’œuvre pianistique d'Heitor Villa-Lobos que j'adore. Bem bom, chanson d'amour, cadeau.


Gal Costa a écrit

O nosso amor vai ser assim,
Eu pra você, você pra mim.

"Ainsi sera notre amour,
Moi pour toi, toi pour moi.".

Un petit air de bossa nova... super

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Bettina femme
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J'ai adoré tous les sons que vous avez postés ici. C'est vrai, je pensais davantage à la regrettée Cesaria Evora mais grâce à vous, je construis toujours un peu plus ma culture musicale.

Dans un tout autre genre, il y a aussi la Saudade d'Étienne Daho.

Lena, ton intervention m'a beaucoup touchée.

À Mister No : je n'ai pas encore testé la morphine. j'attends ma commande. Dès réception, je te dirai comment ça s'est passé. Mais, grâce à tes enseignements sur une autre partie du forum, je serai très prudente.

:)

Dernière modification par Bettina (05 octobre 2019 à  14:11)


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