Personnage de roman sevré de force par la police : et après ?

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Gabrielle_M femme
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champi vert0champijaune0cxhampi rouge0
Inscrit le 24 Aug 2020
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Comme je le disais dans ma présentation, je lis ce forum depuis plusieurs années mais je viens seulement de m’inscrire. Après quelques hésitations, j’ai en effet décidé de me tourner vers vous afin de vous demander de l’aide. Cela concerne un roman que je suis en train d’écrire. J’aimerais simplement avoir votre ressenti concernant un point qui me tracasse, à savoir les effets possibles à long terme d’un sevrage forcé, imposé par autrui avec brutalité.

Alors évidemment c’est un roman, tout n’est pas réaliste ! mais je tiens à ce que la réaction de mon personnage soit réaliste sur le plan psychologique. Ci-dessous je vous résume la situation de mon personnage, parce que je pense que ça peut vous permettre de mieux saisir le sens de mon interrogation. Si c’est trop long à lire, n’hésitez pas à sauter la partie « contexte » et à aller directement à ma question. Merci infiniment ! 

Contexte

Julia, 20 ans, est dépendante à un produit X depuis quatre ans. Malgré certains moments d’intense souffrance, elle paraît globalement se satisfaire de sa situation. Elle évolue dans un milieu où tout le monde consomme et se perçoit dès lors comme « normale ». Pour autant, elle sait aussi qu’elle vit à la marge de la société : le produit est interdit par la loi et les usagers sont perçus comme des victimes à sauver. Ainsi, les flics pourchassent les dealers et veulent sevrer de force les usagers. En revanche, dans l’esprit de Julia, dealers et usagers sont dans le même camp, tandis que les flics sont les ennemis.

Julia mène une vie qui paraîtra dure et violente aux yeux du lecteur. Précarité économique, agressions gratuites, souffrances dues au manque, effets secondaires. Sur le plan affectif, même si elle est entourée de camarades usagers, elle est au fond très seule – ni famille, ni amis proches. Dès lors, le produit est en quelque sorte son seul amour, la seule chose qui donne une direction à son existence. Mais elle a aussi parfois l’impression de se faire vampiriser, comme si elle sacrifiait tout à ce produit qui en retour ne lui donne pas toujours (ou pas assez longuement) le bonheur qu’elle en attend.

Au quotidien, Julia est essentiellement préoccupée par des problèmes concrets (argent, accès au produit, peur de la police, etc.). Il lui arrive de haïr le produit, mais il fait tellement partie de sa vie que l'idée d'arrêter lui donne le vertige. Cependant, quand elle voit quelqu’un qui consomme pour la première fois, elle se dit « oh là là plus tard comme il va regretter, aujourd’hui sa vie a basculé mais il ne le sait pas encore ». Par ailleurs, il lui arrive aussi, très rarement, de vouloir décrocher. Voyant la vie qu’elle mène, voyant son corps de plus en plus abîmé, elle se dit : « je suis en train de me détruire, j’arrête ». Alors, elle décroche. Ça dure une semaine, deux semaines. Mais elle y revient. Pas seulement à cause du manque, mais aussi parce qu’au fond, elle préfère la vie avec le produit que sans. C’est une vie plus excitante, plus « vivante ». Toutefois, elle ne s’imagine pas être usagère jusqu’à la fin de ses jours. Elle se dit souvent « c’est provisoire » ou « j’arrête dans quelques mois ». Sauf que ça fait plusieurs années que c’est « provisoire ». Clairement, il est peu probable qu’elle s’engage dans une démarche de sevrage volontaire dans un avenir proche...

Un jour, la police fait une descente chez Julia et ses camarades. Toutes les réserves de produit sont confisquées et surtout, on leur injecte une substance qui rend impossible pour eux la consommation du produit (pour toute la vie). Cette substance n’est pas un substitut : son unique effet est d’imposer un sevrage à la personne, qui ne pourra plus jamais consommer. Et il n’y aucun suivi, aucun accompagnement médical / psy / social. Juste l’injection forcée de la substance de sevrage, et tchao débrouillez-vous. Julia est dévastée, en larmes, et au sein de son groupe d’usagers, c’est la désolation généralisée. Le choc est d’autant plus atroce qu’il y a l’effet de surprise, Julia ne s’y attendait pas du tout (le lecteur, par contre, n’est pas surpris, il sait d’avance que ça va arriver). Le discours des flics à Julia c’est : « là tu pleures, mais plus tard tu nous remercieras » ou encore « tu crois vraiment qu’un produit qui te détruit à ce point est bon pour toi, mais regarde-toi dans une glace ! ». En parallèle, dans les journaux, les gros titres annoncent : formidable opération de police, une vingtaine de victimes de la toxicomanie ont été sauvées, grâce à l’injection de la substance anti-X elles sont enfin libérées de l’emprise de la drogue, bravo bravo.

La descente des flics, c’est la fin du roman. Mais je voudrais quand même esquisser un tout petit peu la suite. Genre un ou deux paragraphes sur ce qu’est devenue Julia à 30 ou 40 ans et surtout sur le regard qu’elle porte sur cet épisode de sevrage forcé : sur le moment c’est hyper traumatisant, ça c’est sûr, mais la question est : est-ce que plus tard elle pourra éventuellement se dire qu’elle est quand même contente d’être sevrée (comme le pense le flic) ou est-ce que c’est un truc qui par définition vous semble exclu ?

En somme, ma question est : est-ce qu’à très long terme, une intervention extérieure, non sollicitée, pourrait avoir des effets « positifs » ? par exemple, vous est-il arrivé, avec 10 ou 20 ans de recul, de regretter que personne ne soit intervenu pour vous faire décrocher, y compris de manière un peu musclée (genre vos parents vous enferment dans une maison de campagne, ou un truc comme ça) ?

Et pour ceux qui aujourd’hui sont sevrés et contents de l’être : comment réagiriez-vous si on vous proposait de modifier votre passé, en y incluant un sevrage forcé intervenant très tôt dans votre parcours (plus tôt que votre sevrage réel) afin de vous faire gagner du temps, si l'on peut dire ? 

Vous aurez compris que je n’ai pas vraiment besoin d’arguments contre le sevrage forcé :) Au départ, à mes yeux, c’était juste un traumatisme infligé à la personne, avec aussi une dimension humiliante et paternaliste. Mais je me suis mise à douter… et je me demande si je n’ai pas une vision trop simpliste des choses...

Mes doutes proviennent (entre autres) d’un témoignage entendu récemment. Une femme d’une cinquantaine d’années exprimait des regrets quant au fait que lorsque dans sa jeunesse elle s’est mise à consommer de l’héro, à part quelques molles mises en garde, personne n’a rien fait pour l’en empêcher. Cela entre autres parce qu’elle évoluait dans un milieu « artiste » et que du coup, c’était perçu comme « cool ». Alors que pour elle, ça a été très destructeur. Elle en veut surtout à ses parents, qui selon elle, ne l’ont pas protégée alors qu’elle était jeune et vulnérable. Ce témoignage m’a complètement perturbée parce que je me suis dit : ok donc en fait dans certains cas, une intervention « de force » peut faire « du bien » ? Qu’en pensez-vous ?

Un grand merci à celles et ceux qui auront eu le courage de lire ce post-fleuve ! Soit dit en passant, je sais bien que je suis la seule à pouvoir trouver la solution, mais vos retours pourront sans doute m’aider à avancer dans ma réflexion.

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blastfunk homme
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champi vert0champijaune0cxhampi rouge0
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375 messages

Gabrielle_M a écrit

par exemple, vous est-il arrivé, avec 10 ou 20 ans de recul, de regretter que personne ne soit intervenu pour vous faire décrocher, ?
.

Pas exactement, mais si j'avais une machine à voyager dans le temps, je l'utiliserais pour retourner.30 ans dans le passé m'informer moi-même sur les conséquences à venir de mon comportement .
Autrement dit, si c'était à refaire je changerais beaucoup de choses .

Dernière modification par blastfunk (25 août 2020 à  08:20)


Ma vie m'appartient.

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ziggy homme
Michel HAmBurger avec nous
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champi vert0champijaune0cxhampi rouge0
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Les sevrages forcées tel qu’envisagé dans ce roman , dans la réalité , ne se passerait vraiment pas si facilement comme le décrit cette artiste ex-conso de 50 piges qui regrette son passé ...

Car cette façon d’envisager une phase de larmes qui s’estomperait pour laisser place à un « mieux futur  » semble assez illusoire surtout, au regard de la situation d’un personnage comme julia où le produit semble avoir pris progressivement un rôle de régulateur psychique et affectif relativement profond de son expérience de vie.

Ça marche donc pas comme les flics le voudrait - on le sait bien car beaucoup de situations dans le réel peuvent conduire de façon analogue une personne à se retrouver bloqué hors de la consommation : pour les injecteurs l’effondrement du capital veineux par exemple, dès situations de nécessité de santé, de justice, un confinement etc... c’est des moments qui peuvent être dramatique et difficile : il suffit de lire nos témoignages comme dans l’expérience du covid ou pour ma part, j’espérai aussi que cette période d’arrêt brutal Forcée puisse finir par être bénéfique .... mais la grande erreur d’analyse est de regarder la dépendance comme un problème (et donc problème à éradiquer ) alors que dans la réalité psychique de nombreux usagers , la consommation est aussi utilisée comme une solution, et donc une béquille qui permet d’ameliorer survivre à une expérience subjective de l’existence : par ex, l’héroïne aide vraiment à supporter l’ennui, la solitude,l’angoisse, la dépression tout en restaurant une dimension plaisir et confort à vivre ... Beaucoup d’UD reconnaissent quand même aussi dans la complexité du truc qu’il y a aussi une dimension équilibrante d’une conso quotidienne, - d’ailleurs la réduction des risques nous a montré que les dommages de la drogue  en réalité ne Sont pas liées à la drogue elle-meme mais à des contextes de risques extrémisés par des contextes , par la prohibition - des risques qui une fois réduit permet à la personne de d’abord (re)trouver un équilibre avec le produit afin d’éventuellement avoir une chance d avoir un équilibre sans produit

Fait brutalement comme dans ton roman -  dans une majorité de cas qu’on connaît , ça va donner un report de dépendance - pas toujours très heureux - on ne compte plus les milliers d’Héroïnomanes sevrés qui ont développé un alcoolisme de compensation - où les post-injecteurs qui trouvent un flash dans autre chose comme la galette etc..

Et puis parfois souvent - cette compensation n’est pas possible (ou pas effective) , à ce moment là , ça se paie psychiquement avec un rebond , retour de l’état initial qui a engendré le système de dépendance... de nombreuses personnes ont exprimé des passages à l’acte dans ces moments là, comme notre Patrick Dewaere qui s’est suicidé qq mois après un arrêt forcé ...

Pour en savoir plus sur tout ca, je,vous invite à lire sur le site les éléments sur le post sevrage le PawS

Life on Mars ..........................................

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Gabrielle_M femme
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France
champi vert0champijaune0cxhampi rouge0
Inscrit le 24 Aug 2020
4 messages
Merci beaucoup pour ces réponses ! En vrai j'avais assez peur que mon gros pavé n'inspire personne, puis je culpabilisais de vous embêter avec une question "fictive" alors même qu'il y a aussi des questions "réelles" un peu plus urgentes, alors j'étais trop contente de lire vos deux réponses. J'aimerais bien réagir à quelques-uns des trucs écrits par ziggy, mais ce sera plutôt pour demain, je pense. À bientôt, donc.

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