Je tiens ce petit bout de carton sur le bout de mon doigt frêle, cela faisait au moins 30 minutes que je stagnais, hésitant face au pochon brillant, et ce fut ma première erreur. Je glissais sous ma langue une première moitié, comme espérant me rassurer en séparant les prises ; je n’ai pas attendu 30 autres minutes que j’avalais déjà la seconde moitié, sans trop réfléchir.
Ce qu’il y’a de plus étrange dans toute cette histoire, c’est que je me sentais déjà raide bien avant d’avoir consommé quoi que ce soit… Jeune consommateur, ayant déjà expérimenté
Cannabis,
Salvia et
Truffes, j’ai tendance à prendre beaucoup de précautions avant chaque prise. Je me suis toujours accordé le temps de découvrir une drogue, de connaitre ses effets, ses risques, son histoire… bref, je suis sur mes gardes, renseigné, et surtout : j’apprécie les expériences sous drogues, et ne les craints pas. Au-delà de ça, je consomme très rarement, d’autant plus des substances fortes, et quand je le fais c’est dans un cadre personnel, isolé. Et ça a payé, parce que j’ai toujours eu de bonnes expériences, jamais de
Bad trip.
Ma dernière expérience remonte à l’an dernier, sous
Salvia, et ça a été un véritable ras de marée dans ma vie qui a tout bousculé, en vraiment bien, vraiment.
Ce
1-CP LSD remonte aussi à l’an dernier. Je l’avais commandé par-là, et depuis je l’ai trimbalé partout avec moi dans mon sac à dos, dans une enveloppe bien scellée en me disant bêtement «
Il est là si je veux me lancer ». Finalement et malgré tous les moments qui se sont présentés, je n’ai jamais rien fait, et c’est maintenant, enfin tout seul dans mon nouvel appartement au milieu de la nuit que je me dis pourquoi pas. Pire, je savais depuis un petit moment que cette nuit-là, je serais libre, tranquille avec de la marge le lendemain ; et seconde erreur, je m’étais conditionné inconsciemment toute la semaine à ça. Je vous disais que j’ai hésité 30 minutes devant mon pochon, mais en réalité ça faisait des heures que je ne faisais plus vraiment rien et que je pensais au
LSD, et je m’en rendais même pas compte ! J’ai pris ça pour de l’excitation, mais j’appréhendais, je flippais et je fus incapable de le voir. Avant même la prise je me sentais déjà partir, la tête tournoyante, le corps lourd et perdu…
Allongé dans mon lit, j’ai dû mettre mon cerveau en pose pour prendre mon carton ; j’appréhendais, mais je me disais d’avoir du courage, que ça faisait un an, et que je n’aurais pas forcément d’aussi bonne occasion avant un moment… et ouais, 3eme erreur, et ce fut la dernière en un sens. Je me mets des dessins animés légers, détente, mais je ne regarde même pas, je guette les effets. Il est alors aux alentours d’une heure du matin. D’ailleurs, je suis complètement seul, nouvelle ville, nouvel appartement, mes proches y compris ma douce sont à des heures et des heures de trajets. En moins de 30 minutes, la substance monte en flèche, trop brusquement, trop aléatoirement pour que la sente vraiment.
Et là, en même pas 5 secondes, je sais ahah… je
coupe l’écran de mon ordi, je me redresse et je comprends que je viens de faire la connerie de ma vie. Tous les
Bad Trip, tous les mauvais choix d’autres, tous les risques défilent à toutes vitesses dans mon crâne, et je panique très violemment. Je tourne en rond, j’essaye de boire, de mettre de la musique, d’ouvrir la fenêtre, et tout part en vrille si vite, si vite, et heureusement, je prends le taureau par les cornes très rapidement ; je lutte contre moi-même en essayant vaguement de me rassurer. Je sais parfaitement que maintenant que je suis dedans, il n’y aura pas de retour en arrière possible, et que je suis coincé, seul face à moi-même. Je me dis tout simplement de profiter à ce stade, et si ça fonctionne un peu, on ne peut malgré tout simplement pas gérer une crise d’angoisse, de panique, pendant une montée sous
LSD, d’autant plus sans expérience avec la molécule. Tels de violents coups d’électricité, des pensées noires et terribles envahissent mon cerveau, et moi j’essaye vainement de les dissiper… Ce qui est con, c’est que toutes ces pensées, «
tu ne vas pas t’en sortir » « t
u garderas de graves séquelles » «
tu es coincé ici maintenant » je les connais, je sais à quel point elles sont dérisoires et symptomatique de la conscience malade sous
Bad Trip, et pourtant, je n’arrive pas à prendre de recul dessus.
Alors, inévitablement, je finis par perdre le fil.
Je plonge dans un état de peur, rien d’autre que de la peur, et n’étant pas craintif de nature, je découvre profondément ce que mot signifie. En réalité, je ne sais même plus de quoi j’ai peur, de moi, de tout perdre, de tout oublier, de ne plus revenir ? Je n’arrive plus à savoir, plus à maitriser rien du tout. Je me dis que je peux appeler quelqu’un, ma famille, ma copine. Je me dis qu’il faut que j’appelle quelqu’un. Mais je ne ferais rien du tout, par peur de déranger, par peur d’inquiéter, et puis, j’ai parfaitement conscience que ça ne changera rien, il n’y a plus que moi pour m’aider.
À part être légèrement floue, ma vision est tranquille, ce sont mes sensations physiques qui vrillent complètement : je sens mon cœur battre comme une bête affolée, tapant et retentissant dans toute ma poitrine. Je discerne des picotis ondulants sous ma peau tels de petits serpents, et mon corps est terriblement moite. Je transpire abondement, cette odeur acide engorgeant mes narines va venir me perturber plus que jamais.
Finalement ce qui commença à m’aider, c’est de fermer mes yeux, de calmer ma respiration et m’immobiliser. Si j’osais ouvrir mes paupières, cette pression terrifiante qu’exerçait la substance sur moi revenait cruellement.
Dans le noir, le rythme ralentit doucement, et je mets alors ce qui va singulièrement me calmer : une série de
méditation du guide
Headspace. Plongé dans le creux de mon lit, à écouter pleinement chaque mot, chaque parole bienveillante de cette voix inconnue, la peur s’enterre enfin dans mes entrailles. On ne dirait peut-être pas, et moi-même je fus surpris en voyant ça, mais ça faisait 2 heures que j’étais dans cet état, à essayer de tout réguler.
À ce stade, je suis tellement défoncé que j’ai même plus temps d’avoir peur… trop loin pour me rendre compte de mon état, de ce qui m’arrive, j’oublie ce qui me tenait, ce qui me paralysait. Je m’enfonce dans mon matelas comme au fin fond d’un océan moelleux. Les lumières dansent autour de moi, la pièce tourne et s’étale sous mes yeux. Je sens le poids du regard des personnages sur les affiches qui jonchent mes murs, et tout éclate en moi comme si plus rien n’avait de mesure, de contenance, de limite, difficile à exprimer dis comme ça… Du haut du dernier étage, j’observe la ville et ses rues brillantes, noires, calmes et les sons se bousculent dans mon crâne ; les sirènes des ambulances résonnent sans fin, les chants alcoolisés des bars non-loin, les klaxons, les rires, et je ressens un sentiment très étrange d’enfermement, de pression, non pas parce que j’étais resté dans mon appartement, mais j’avais l’impression que la ville se refermait sur moi.
Je tente de dessiner, un dessin qui donnera plus du n’importe quoi qu’autre chose, je mets de la musique, des visuels un peu psychédéliques sur mon ordi, et je sens une douleur très lourde, crispante sur mon ventre. Je n’ai jamais trop su si cela venait de mon repas sous vide, cuit au micro-onde mangé quelques heures auparavant, ou du carton, mais j’avais mal.
Il doit être 4 heures du matin, et je décide enfin de me déshabiller et me doucher. Je m’enferme dans ma capsule de lavage, et l’eau ne coule plus sur moi, elle est avec moi, pour moi. On se couple parfaitement l’un l’autre indéfiniment. Je me persuade que je suis en train de me laver de tout ce qui vient de se passer, qu’à ma sortie je vais tout redécouvrir… Pas vraiment finalement, je continue de me sentir sale, étouffé. Il commence à être tard, il pleut abondement dehors, je fatigue mais d’un côté mon cerveau lui n’en a pas fini, et progressivement je reprends conscience. Alors à 5 heures, j’éteins enfin toutes les lumières, je
coupe tous mes appareils, et je tente de dormir…ahah je suis encore bien loin de tout sommeil.
J’entame ce qui va être une longue, très longue redescente.
Dans l’obscurité mes angoisses remontent, moins paniquées, mais beaucoup plus destructives. Je boucle, paranoïaque, ayant peur que le jour se lève, que la journée commence, que ma copine se réveille et remarque que je suis bizarre. La pluie tambourine sur le toit au-dessus de ma tête, son infernal, répétitif, et je me demanderais plusieurs fois s’il pleut bien, si j’hallucine. Je n’ai évidemment pas dormi du tout ! Et pourtant j’étais exténué, sans la moindre énergie, mais je voyais les heures défiler sans pouvoir rien y faire. Ça me rappelle ces nuits d’enfance, fiévreuses, lorsqu’on tombe malade au beau milieu de la nuit, entre réveils et cauchemars tordus, à plus vraiment comprendre quelle heure il est, qu’est ce qui t’arrive. Je voyais beaucoup de visages, de corps biscornus, et puis je me voyais moi, ou en tout cas l’intérieur de moi-même. Un peu comme si ma conscience était là, étalée, et c’était pas beau à voir. Je me trouve pervers, sale, malveillant et dépravé au fond de mon lit ; je suis une merde. Je me dégoute tellement que j’ai envie de me vomir dessus, d’autant plus que ma douleur au ventre est toujours bien présente. Jusqu’à 10 heure du matin, je stagnerais dans cet état, à phaser allonger, immobile. Je me rappelle entendre toutes les heures les cloches de la ville résonner et tinter, et plus ça avançait, plus ce son me devenait insupportable. Il ne pleuvait plus, mais j’entendais encore la pluie, comme un grésillement lointain qui ne me quittait plus.
La journée s’est passée, je n’ai rien fait, à part attendre, attendre que ça se finisse. Je réussi à sortir en fin d’après-midi, complètement dépravé, exténué ; je me suis posé dans un parc avec les sans-abris, les rats et les pigeons, c’était sympa ahah. Tout était plus calme, plus agréable, mais ma fatigue était telle que je ne pouvais plus profiter de rien, et puis je gardais toujours un
gout amer par rapport à tout ce qui s’était passé… Au moins, je dormirais bien cette soirée-là.
Presque 24 heures se seront écoulées depuis ma prise, jusqu'à la redescente complète. Je ne garde pas de séquelles, ou un quelconque traumatisme de cette expérience avec le recul, mais je me suis quand même pris un sacré coup ; et puis j’ai l’habitude de m’en prendre à moi-même donc toutes ces pensées ne m’ont pas tant affecté. Je réessayerais peut-être en beaucoup plus petite dose, mieux entouré. Alors il n’y a rien à dire de spécial, prenez soin de vous tant que vous le pouvez, et surtout, on a beau être certain de savoir, on ne sait rien du tout…
Je serais ravi de parler avec vous au sujet de quoi que soit sur quoi que ce soit, si vous en avez l’envie.
Dernière modification par pierre (08 octobre 2021 à 11:16)