PARIS, France | D’un côté, un marché en plein essor. De l’autre, une grande méfiance des autorités, à commencer par le gouvernement français. Le CBD, substance tirée du cannabis, suscite des débats aussi vifs que démesurés par rapport à des effets loin d’être démontrés.
« Aujourd’hui l’utilisation du
CBD est de plus en plus fréquente et son utilisation a de grandes propriétés bénéfiques », affirmait en septembre, dans un communiqué adressé à l’AFP, une marque d’huile de
cannabidiol, dit
CBD.
La première affirmation est indiscutable. Depuis quelques années, de nombreuses
boutiques apparaissent pour vendre du
CBD et vantent ses mérites supposés en matière de bien-être : réduction de l’anxiété, aide au sommeil, lutte contre la douleur…
De quoi s’agit-il ? C’est l’un des deux grands composants chimiques du
cannabis, avec le tétrahydrocannabinol (THC), mais contrairement à ce dernier, il n’est pas censé avoir d’effet
psychotrope. Il est donc abusif de parler de «
cannabis légal », comme de multiples commentateurs.
Le marché s’est encore accéléré avec la crise du
Covid-19 et les multiples épisodes de confinement dans le monde en 2020. Au Royaume-Uni, les ventes de
CBD représentaient l’an dernier presque 700 millions de livres (plus de 800 millions d’euros), selon des représentants du secteur.
La mode dépasse les seules boutiques spécialisées, et a par exemple gagné un célèbre pâtissier français, Philippe Conticini, qui propose un gâteau au
CBD, promettant des « propriétés apaisantes ».
Réduction du stress?
Parallèlement, cette vogue se heurte à des interdictions, à commencer par la France où des dizaines de boutiques ont été fermées de force ces dernières années.
La justice a régulièrement tranché contre ces fermetures, le dernier épisode remontant à juin dernier, et certains parlementaires de la majorité souhaitent encourager le secteur. Mais le gouvernement, pour l’heure, veut continuer à interdire certains produits, comme les fleurs et feuilles séchées.
Dans ce contexte, un débat passe au second plan : le
CBD a-t-il réellement des effets, qu’ils soient promis par ses contempteurs ?
« Les vraies preuves, (…) on ne les a pas encore », juge auprès de l’AFP l’addictologue
Julien Azuar. « Ça va prendre plusieurs années ».
Il existe pourtant une myriade d’études sur le sujet. Mais elles sont très largement rétrospectives : on a par exemple mesuré la réduction du stress chez une personne qui consomme du
CBD, sans que l’on puisse savoir si c’est le seul facteur qui a joué.
Pour trancher, il faut des études dans lesquelles on donne du
CBD à certains patients que l’on compare ensuite à d’autres personnes qui n’en ont pas reçu. Un certain nombre sont en train d’être menées mais la plupart sont encore en cours.
Pour l’heure, « il y a un énorme déséquilibre entre les études à fort niveau de preuve et celles faibles qui sortent tous les mois à profusion », regrette M. Azuar. « (Ces) données pas solides servent évidemment de promotion au commerce du
CBD ».
Jouer sur l’ambiguïté Les vendeurs peuvent aussi jouer sur une ambiguïté. La recherche médicale a, dans quelques cas, déjà donné naissance à des traitements à
base de
CBD, mais pour des indications très particulières.
« Il existe effectivement des preuves qui ont montré que le
CBD peut être un traitement utile pour certaines pathologies », rappelle à l’AFP la neurologue Mihaela Vlaicu.
C’est notamment le cas pour certaines formes rares d’épilepsies. Un traitement, Epidiolex, a ainsi reçu des autorisations de l’Union européenne pour différentes indications, la dernière remontant au printemps. Il ne comprend que du
CBD.
« Il s’agit d’un médicament particulier sûr et efficace pour l’usage auquel il est destiné », note Mme Vlaicu, soulignant toutefois qu’on ne peut en tirer de conclusions pour les formes les plus courantes de l’épilepsie.
À plus forte raison, il est impossible d’élargir ces applications thérapeutiques très ciblées à un large effet sur le bien-être, comme le font nombre de vendeurs de
CBD.
« C’est le même niveau de preuve que certaines crèmes dermatologiques qui vous vendent le rajeunissement de la peau », conclut Julien Azuar.
Source :
journaldemontreal.com