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Les défis que doit désormais relever l’humanité sont pléthoriques et colossaux. Albert Einstein a dit en substance que les problèmes ne peuvent pas être résolus avec le mode de pensée qui les a engendrés. Tout cela laisse entrevoir le formidable changement que nous devons opérer dans le registre intellectuel et même cognitif. Les esprits contemporains sont conditionnés par l’impératif de maîtrise et de contrôle, pour gagner en efficacité, pour obtenir toujours plus en toujours moins de temps. Cela fut possible grâce à la simplification des considérations sur les systèmes impliqués. Le simplisme a décuplé la puissance, mais l’indépendance conceptuelle, qui ne retient que certains fils de l’écheveau du monde actionné, génère un écart qui se creuse, entre les systèmes artefacts et la matrice du réel. La tension induite et croissante menace d’effondrement la civilisation. Il convient donc de reconsidérer résolument la pensée simplificatrice qui génère les problèmes et d’apprendre à penser différemment, en complexité. Le présent ouvrage se propose d’exposer les justifications de la pensée complexe, ses modalités de mise en oeuvre dans la conception et le pilotage des projets, ainsi que ce qu’il est permis d’en attendre dans tous les champs culturels, économique, scientifique, politique, et dans tous les domaines d’activité.
L’ambition est véritablement de sensibiliser et d’entraîner la pensée à une autre rationalité, à même de renouveler l’intelligence collective.
Il distingue les systèmes simples, compliqués et complexes.
En fait presque tous les sytèmes sont complexes mais dans certains cas on peut les simplifier et c'est le triomphe de la Science moderne, physique, chimie et en Médecine traitement des infections, des fractures etc.. Même si ces actions sont parfois compliquées elles sont relativement prévisibles et intelligibles en fonction de leurs constituants (antibiotiques, asepsie etc..) et peu sensibles aux événements sociaux (famille, histoire personnelle etc..).
On distingue les systemes simples et compliqués et les systemes complexes.
Une voiture est un systeme compliqué. Elle demande beaucoup de technologie mais elle peut etre créée par un technicien expérimenté. Et son comportement peut etre prédit par la connaissance de ses constituents. Et ce systeme est reversible , on peut la démonter totalement puis la remonter.
Au contraire un oiseau (par exemple) est un système complexe. Il ne peut être créé que par lui même. Son comportement est largement imprevisible. Il s'adapte de lui même au contexte. Le tout est plus que la somme de ses parties (ce qu'on appelle une qualité émergente. Un homme est bien plus que la somme de ses organes). Enfin un système complexe est irreversible. Il peut évoluer vers un autre système (qui comorte même une part de déni) mais il ne peut pas faire "comme si rien ne s'était passé".
Evidemment les sytèmes complexes sont difficiles à manier et la Science dans beaucoup de domaines a procédé par simplification en le "transformant" (simplifiant) en système compliqué.
Par exemple une infection chez une personne peut être simplifiée en lutte contre un germe considéré comme "simple" et accessible aux antibiotiques. Et ça marche dans la plupart des cas mais le SIDA ou le COVID (virus aux propriétés emergentes par rapport aux autres virus) nous montrent les limites de la simplification.
Malheureusement la science adopte facilement et sans trop y reflechir la démarche de simplification aux personnes, qui sont l'expression même de la complexité.
Par exemple, en addictologie l'echelle abstinence, usage simple, usage abusif et addiction. Elle "permet" de classer un comportement (en oubliant la personne) et "explique" l'efficacité des actions dans un sens ou un autre (TSO, cure ou consommation compulsive).
Ou l'affirmation que si un usager prend entre 60 et 100 mg de Methadone il sera guéri de son addiction.
ou le terme même d'usager qui "résume" une personne par ses usages.
ou, ... il y en a bien d'autres, en fait la plupart des interventions "médicales".
Mais il ne faut pas oublier qu'il ne s'agit que de simplifications qui n'ont au final qu'une valeur opératoire limitée, comme l'attestent des résultats thérapeutiques "moyens".
La PUD est en fait un système complexe qui répond à ces interventions de façon variable (dans l'effet et dans la durée) pour créer en permanence SA personne dans toute son individuation mais aussi son évolution dans le temps.
Or, le système de soin actuel (du moins dans sa version rigide) impose à la PUD cet espace restreint d'évaluation et d'action, qui ne lui permet pas de l'intégrer à l'ensemble de sa personne (génétique, histoire des consommations, histoire de ses ressentis etc..) pour bâtir une "nouvelle personne". De ce fait, il connait de nombreux echecs, qui renforcent encore le mépris du "toxicomane menteur et irresponsable".
Et, surtout, les conditions même du soin peuvent être contre-productives. Si l'obtention de la Methadone demande à la personne de "jeter son histoire et son expertise" et de reconnaitre pleinement et sans reserves ses erreurs passées et son "incompétence" , il est probable que "l'homme nouveau" qui sera créé n'aura pas beaucoup de confiance et de fierté en lui et perdra une grande partie de son "efficacité" personnelle. Et c'est ce que l'on constate trop souvent. On dira alors que l'usager est résistant au traitement !
Je crois donc que les notions habituelles d'addictologie peuvent être utilisée tant que l'on garde à l'esprit qu'elles ne sont que des simplifications.
Ainsi la même "consommation" n'aura pas le même sens selon les personnes, les contextes et les projets de vie et surtout dans la durée. Et ce qui est typique des problèmes complexes l'evolution n'est pas linéaire. Telle personne lourdement addicte pourra modifier sa consommation quelques mois plus tard avec ou sans l'effet du traitement. On parlera de parcours chaotique mais c'est une qualité principale des sytèmes complexes, qui sont rarement "linéaires". Une approche complexe peut donc espérer profiter de la variabilité !
Peut on faire autrement ?? et appeler à un soin qui prenne en compte la personne et ses projets de vie ?? ce n'est pas une utopie, ça existe !!! Son interêt est qu'il n'est pas seulement éthique mais qu'il répond aussi à une exigence forte de la pensée.
nb= F Pissochet (2eme texte ) est addictologue.
Le texte suivant s'applique à la politique (la société est aussi un système complexe) mais si l'on remplace le pouvoir politique par le pouvoir médical, il me semble assez clair.
Complexité jean-yves Rossignol edp sciences page 159
Dans le meilleur des cas l'action politique à but social se borne à concevoir des dispositifs, certes bien intentionnés, mais dénués d'humanité : les usagers sont traités comme des catégories objectives, où les personnes sont assimilées et réduite à leur symptôme, et dont l'état justifie un traitement qui passe par des solutions construites dans la plus grande neutralité.
Au contraire François Pissochet préconise de se distancier de la démarche "résolution de problèmes" pour adopter une posture de "compassion professionnelle" envers des individus-sujets, de manière à "ouvrir une relation compassionnellle où chacun, au delà d'une vision réductrice, peut s'exprimer et être reconnu dans sa complexité et sa singularité, mais aussi où il est possible de construire de nouveaux arrangements faits de co-expertises élaborées ensemble pour une nouvelle lecture des situations."
Ainsi un bénéfice mutuel , émerge d'une telle conception de l'action sociale car les usagers en devant des sujets humanisés "participent à rendre compétents les professionnels en s'investissant ou non dans la relation, en adhérant ou non aux projets proposés."
https://www.intelligence-complexite.org … umain/open
Les Sciences Humaines traditionnelles proposent des savoirs qui permettent de comprendre pour orienter l’action, la relation ; cela se fait le plus souvent ‘de l’extérieur’ dans un domaine où règne certitudes et prédictibilité ; elles organisent et activent des ‘états’.
De l’expérience compassionnelle se dessine une ‘Science de l’Humain’ qui viendrait ‘de l’intérieur’ dans un mouvement où c’est la relation qui apporte compréhension et oriente l’action, dans un champ d’incertitude, d’inattendu, de mouvant, et où s’activent des ‘processus’. Cette Science de l’Humain s’élaborerait comme alternative complémentaire, dialogique, aux Sciences Humaines.
Sortir des chemins imposés pour une approche ouverte qui prenne en compte l’inattendu pour explorer et expérimenter ensemble d’autres manières d’être et de faire. Dans cette démarche, le projet n’existe pas a priori, mais il se construit au fur et à mesure de la co-élaboration. Il s’agit là d’un travail qui prend forme dans l’engagement de la rencontre et qui s’élabore au fil du déroulement de cette rencontre en fonction de tous les aléas qui stimulent réflexion, créativité et adaptation, pour déboucher sur des agencements ou émergences, résultats de ce processus.
n engagement dAinsi, la compassion serait ce ‘merveilleux malheur’ qui ouvre un espace de partage, de compréhension réciproque, de co-élaboration dans la collaboration pour une mobilisation et uans l’action ?
https://www.researchgate.net/publicatio … _reduction
Résumé
Les consommateurs de drogues comprennent les drogues et la consommation de drogues d'une manière qui est souvent différente de la manière dont la connaissance de la consommation de drogues est construite dans le discours médico-légal dominant. *
Leurs expériences sont, le plus souvent, représentées de manière négative dans le discours dominant, une déconnexion qui peut créer des conséquences néfastes pour les personnes qui consomment des drogues, par la production de stigmatisation et la honte conduisant à de mauvais résultats sanitaires et sociaux.
Une différence essentielle dans la façon dont les drogues sont comprises par les personnes qui consomment des drogues est la capacité des premières à reconnaître les aspects positifs de l'usage de drogues et à créer pour elles-mêmes davantage de subjectivités agents en ce qui concerne la consommation de drogues.
À l'aide d'une analyse thématique du forum australien de discussion sur les drogues en ligne, hébergé par Bluelight.org, nous identifions des histoires d'usage positives et les contextes de leur émergence, comme des subversions ou des modifications d'accords dominants. Nous affirmons que les interprétations positives de la consommation de drogues, ainsi que la reconnaissance de la manière dont leur expression sert à créer des agents pour les personnes qui consomment des drogues dans les limites ou contre les discours dominants, peuvent offrir des possibilités de limiter davantage les dommages découlant de la stigmatisation et de la négativité.
Et ça fait même longtemps que les bases sont posées mais malheureusement pas encore assez répandues, notamment dans le milieu médical.
https://www.resilience-psy.com/alliance … de-bruges/
Parmi les thérapies systémiques brèves, d’inspiration ericksonienne, le modèle de Bruges est un méta-modèle psychothérapique centré sur l’alliance thérapeutique. Il se fonde sur les résultats des recherches en psychothérapie pour orienter son action sur les facteurs communs qui rendent les thérapies efficaces. Ceux-ci comprennent les facteurs liés aux patients (leurs objectifs, leurs ressources, leurs compétences), les facteurs placebo (espoir et allégeance) et les facteurs liés au thérapeute (ses qualités humaines, ses compétences).
Le modèle de Bruges part du principe que toute thérapie est une auto-thérapie dirigée par le patient lui-même. Le thérapeute, responsable du processus thérapeutique, a la mission de créer un contexte dans lequel le patient aura à nouveau la liberté de choisir, dans lequel le changement sera possible.
Cet ouvrage présente en détail ce modèle, les stratégies et techniques qui en découlent. À partir de bases théoriques et pratiques, il développe les applications cliniques dans des contextes différents.
Dernière modification par prescripteur (17 février 2023 à 18:32)
Hors ligne
Résumé
Le procès du « mont Sainte-Odile » a duré quatorze ans et pourtant nous n’avons rien appris de sérieux pour la sécurité aérienne qu’on ne savait déjà au bout de deux ans d’enquête administrative. Il est probable que les familles des victimes auraient bien mieux accès à la « vérité » à laquelle elles aspirent légitimement si elles étaient associées à l’enquête administrative, et il est profondément anormal qu’elles n’en soient pas partie prenante au même titre que les autres composantes.
Quant à l’effet d’exemplarité, c’est aussi une illusion. La pénalisation obtient exactement le contraire de ce qu’elle prétend faire : elle augmente la fréquence des catastrophes. Si chaque seconde dans le monde, un avion décolle en offrant à ses passagers la meilleure sécurité de tous les modes de transport, c’est parce que des millions de gens font à peu près bien leur travail. Non par peur de la prison, mais parce que leurs activités sont cadrées par un système social et technique qui fournit les guides, les ressources et les contraintes nécessaires. Et parce que, inlassablement depuis un siècle, ce système apprend de ses erreurs, recherche ses faiblesses et les corrige. La pénalisation des défaillances ruine cette lucidité, paralyse cet apprentissage. Elle ne renforce pas la conscience des responsabilités, elle renforce la peur d’être pris. La priorité de chacun n’est plus de gérer le risque en conscience professionnelle, mais de minimiser son risque personnel d’inculpation. La culture de sécurité est minée par l’auto-protection, la précaution générale, la dissimulation, le « pas vu pas pris ». Et surtout par l’inflation de la règle : on écrit celles qui, si elles étaient appliquées, garantiraient la sécurité, sans se préoccuper de leur applicabilité, ni de leur cohérence. La peur de l’inculpation enfle le volume des référentiels. Parfois l’obéissance aux référentiels. Mais ni leur efficacité, ni l’intelligence nécessaire à leur application.
La pénalisation de l’accident tend ainsi à se nourrir elle-même. Elle pousse l’industrie – qui ne demande souvent que ça – à la mise en scène illusoire d’un contrôle total, qui justifie à son tour la pénalisation (car dans ce monde maîtrisé, il faut nécessairement de grandes fautes pour faire des catastrophes), et nourrit la montée des exigences déraisonnables de l’époque (car dans un tel monde, il suffit d’être prudent et obéissant pour que l’accident disparaisse). Nous ne sortirons pas du cercle vicieux sans une révolution culturelle et une (petite) réforme du droit pénal. Il faut réduire le nombre des enquêtes pénales consécutives aux catastrophes industrielles dans les pays comme la France dont le droit les prévoit systématiquement. Il faut les réserver aux présomptions de sabotage, de malveillance ou de grave négligence. La référence à la « maladresse », l’« inattention », et même dans bien des cas le « manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements » est dramatiquement simpliste face à la complexité des mécanismes de défaillance des grands systèmes modernes. Elle est totalement décalée par rapport à la pensée scientifique, et quasi inopérante pour penser et agir sur la sécurité. Son usage judiciaire y a des effets collatéraux dévastateurs. Et honnêtement, quelle sorte de justice peut-on rendre en son nom ?
https://www.secondsouffle.me/2018/08/la … educative/
https://www.cairn.info/revue-spirale-20 … ge-123.htm
La punition est un problème d’abord relatif à la question de l’autorité. Nous trouvons cette idée sous la plume de Michel Foucault dans son ouvrage Surveiller et punir. L’ouverture célèbre du livre analyse ce que Foucault nomme « l’éclat des supplices ». On retient souvent la violence de la description que Foucault présente du supplice de Damiens. Damiens avait tenté de tuer Louis XV. Il échoua et ne parvint qu’à lui donner un coup de canif. Il fut arrêté et condamné à mort par écartèlement. Il fut la dernière personne en France à subir ce châtiment. On oublie souvent de rappeler les conclusions de l’analyse de Foucault. La punition spectaculaire, le supplice, n’est pas là pour rétablir une quelconque justice. Sa violence n’est pas proportionnelle à l’acte commis : la blessure du roi s’avéra être finalement superficielle. La violence de la punition n’est pas proportionnelle au tort mais à l’importance de l’autorité ébranlée par cet acte. En blessant le roi, Damiens porte atteinte à l’autorité la plus haute. Il s’expose donc à la punition la plus haute. Le but de la punition n’est pas de rétablir un équilibre, une égalité ou un ordre juste, mais de réactiver une autorité, que ce soit celle du roi, celle des lois ou même celle des parents. La punition est alors nécessaire, non pas pour rendre justice mais dans la constitution d’une relation d’autorité. Or, l’exercice de l’autorité et l’établissement d’un ordre juste sont deux questions qui ne se recouvrent pas tout à fait. Le grand problème de l’autorité est : comment amener des individus à obéir ? Et Foucault montre que les supplices tombent en désuétude quand se met en place un nouveau mécanisme susceptible de rendre les corps obéissants et dociles : c’est l’âge de la société disciplinaire, dont la prison n’est qu’un phénomène parmi d’autres. Lorsque nous exerçons une autorité, nous attendons des corps disciplinés. La punition sanctionne l’indiscipline plus que l’injustice. Et la peur de la punition rend les hommes obéissants. Elle ne les rend pas justes. Il est possible que l’obéissance soit une condition nécessaire à l’établissement d’une société juste (cela reste à voir). Mais elle ne nous semble pas une condition suffisante.
https://www.cairn.info/revue-le-coq-her … age-51.htm
Mais une telle reaction, plutot qu'une prise de position "intellectuelle" ne reflète t elle pas plutot un opportunisme politique sans bornes ?
Mr Darmanin feint en effet ne pas savoir que la grande majorité des conducteurs "dépistés positifs" ne sont plus sous emprise.
Ou une façon de faire oublier la "tolérance" de la Police et de la justice dans ce cas précis qui était de notoriété publique ?
https://actu.orange.fr/france/je-serai- … ZlxuE.html
nb= je parle bien de la tolérance vis à vis de la conduite automobile sous emprise et non de celle vis à vis de l'usage.
Il ne s'agit pas de dénoncer (mais de déplorer) l'impuissance de la Police et de la Justice (et de leurs ministres respectifs) à prevenir ce drame mais peut être de suggerer à Mr Darmanin des pistes d'action reellement efficaces et potentiellement preventives en matiere de conduite automobile.
S'attaquer à ceux qui ne sont pas dangereux peut plaire à certains électeurs mais ne prévient rien. Ceux qui sont reellement dangereux sont une minorité mais il est important de les proteger contre les dommages à autrui qu'ils pourraient commetre.
Rappelons que depuis des années nous militons pour une différentiation nette entre l'emprise et la positivité au dépistage (qui indique une emprise OU NON).
dep.pdf
Amicalement
Dernière modification par prescripteur (20 février 2023 à 17:18)
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