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Le concept durkheimien d'anomie a fait l'objet de réflexions et de recherches de la part des sociologues contemporains, comme Merton et Parsons. Mais le développement le plus intéressant, quoique plus ancien, de la théorie de l'anomie se trouve peut-être dans les travaux de Thomas et Znaniecki sur les effets de la transplantation sociale. Dans leurs études sur les immigrants polonais aux États-Unis, les auteurs ont montré que la transplantation provoquait une « désorganisation sociale » des familles et, corrélativement, une démoralisation des individus, qui mènent une existence dépourvue de but et de signification apparente. La théorie de l'anomie paraît d'importance fondamentale à une époque qui, comme la nôtre, est caractérisée par des changements rapides. En effet, le changement implique le vieillissement des règles de conduite traditionnelles en même temps que l'existence, dans les phases de transition, de systèmes de règles mal établies ou contradictoires. Il serait important de savoir dans quelle mesure le changement entraîne effectivement la démoralisation prévue par Durkheim, et dans quelle mesure cette dernière amène, à son tour, une détérioration des institutions. La théorie de l'anomie devrait donc pouvoir être appliquée à l'analyse du comportement des individus et du fonctionnement des institutions en situation de changement, comme elle a été appliquée à celles des conduites déviantes et des transplantations sociales.
https://dictionary.apa.org/anomie
un sentiment d'aliénation et de désespoir dans une société ou un groupe qui est souvent une réponse aux bouleversements sociaux. Elle peut également s'accompagner d'un changement de valeurs personnelles et sociales.
Je crois que ce concept peut largement être invoqué dans le processus traditionnel de "guérison" de l'addiction. Il s'agit pour la personne de renoncer à toutes ses valeurs précédentes en matière de consommations mais aussi de relations, de ressenti et d'identité pour adopter un cadre "nouveau" d'abstinence, de refus des drogues etc..
C'est aussi ce que la justice demande aux délinquants qu'elle punit mais là il y a un jugement et une atteinte à autrui.
Ce qui n'est pas le cas dans les cures de sevrage ou les initiations de TSO. Où l'adhésion au traitement et à la condamnation de l'identité passée est imposée de façon "cachée" , parfois avec "bienveillance" et parfois non.
Or, il a été montré au moins dans deux cas un peu équivalents (l'immigration dans une autre culture et le conflit direction/travailleurs) que cela entraine des difficultés psychologiques parfois graves.
https://www.universalis.fr/encyclopedie … -sociales/
Anomie, désorganisation et démoralisation sociales
L'idée que la satisfaction de l'individu est liée à l'existence de cadres sociaux stables qui lui permettent d'organiser son comportement et ses désirs en fonction d'un système d'attente défini a été démontrée par de nombreuses études. Ainsi, Thomas et Znaniecki, dans la magistrale étude qu'ils ont consacrée aux paysans polonais transplantés aux États-Unis, montrent bien comment l'absence de cadres et de règles sociales intériorisées contraignent l'individu à une conduite errante, limitée à la vie au jour le jour, à une existence qu'il perçoit lui-même comme dépourvue de signification. Arrivant aux États-Unis, le paysan polonais s'aperçoit très vite que les valeurs admises dans son milieu d'origine n'ont plus cours ici. Son métier, son rang dans la société étaient, dans une large mesure, déterminés par la famille dans laquelle il naissait. De même, ses relations sociales étaient largement déterminées par sa naissance. Dans le nouveau milieu, les relations sociales, l'activité professionnelle et finalement le rang social doivent être « choisis » et conquis par une activité orientée. Le paysan polonais qui arrive aux États-Unis se trouve donc entraîné dans un processus de « désorganisation sociale » : la famille, ne pouvant plus jouer dans la nouvelle société le rôle qu'elle jouait dans l'ancienne, se décompose. Elle cesse d'assurer sa fonction économique de société de secours mutuels, sa fonction sociale de régulateur des relations sociales, sa fonction psychologique de soutien à ses membres en difficulté.
D'autre part, les Polonais restent polonais ; à chaque pas, ils ressentent ce qui les distinguent des Américains. Il résulte donc de ce processus de désorganisation sociale une « démoralisation » au niveau de l'individu : plus de règles stables permettant de s'orienter sur le marché social, plus d'aspirations, de desseins. La disparition des cadres sociaux qui résulte de cette situation quasi expérimentale qu'est la transplantation aboutit à des conduites désordonnées que Thomas et Znaniecki décrivent à travers de saisissants documents : on y voit le paysan déserter son foyer pour y revenir quinze jours après, et en repartir à nouveau la semaine suivante, et ainsi pendant des mois. Les règlements de comptes les plus violents viennent conclure les débats les plus futiles. Le chômage et l'instabilité professionnelles sont chroniques.
Les concepts de démoralisation et de désorganisation sociale, introduits par Thomas et Znaniecki, correspondent exactement à l'anomie durkheimienne. Le premier se réfère au versant individuel de ce concept, le second à son versant social. Mais leur analyse confirme – avec de tout autres méthodes, puisqu'ils utilisent des analyses de cas cliniques là où Durkheim s'appuie sur des statistiques de suicides – le bien-fondé de la théorie durkheimienne. L'absence de cadres sociaux stables et de règles sociales intériorisées conduit non au bonheur, mais à la démoralisation de l'individu : son existence n'a plus de signification, son avenir n'a plus de sens.
Des études récentes sur les immigrants en Israël démontrent encore, de façon apparemment paradoxale, la validité de la théorie durkheimienne. On a observé, en effet, que, parmi les immigrants, ceux qui s'adaptaient le plus rapidement à la société d'accueil étaient ceux qui manifestaient le plus haut degré de traditionalisme et d'attachement à leurs coutumes et milieu d'origine. Ce résultat apparemment surprenant s'explique par le fait que l'attachement aux traditions est le signe que l'immigrant n'est pas victime du processus de désorganisation sociale dont parlent Thomas et Znaniecki. Il est, en d'autres termes,[...]
https://journals.openedition.org/recher … ation/2014
Résumé
La professionnalisation est une délégation d’autorité reposant sur un mandat qu’attribue une institution à un groupe professionnel, généralement parce que les objectifs poursuivis et les valeurs défendues par l’institution et par le groupe professionnel se recouvrent à travers, par exemple, la promotion de l’intérêt général. Or il peut arriver que le groupe professionnel finisse par développer un corps de doctrines, de pratiques et de références éthiques qui s’éloigne de celui de la puissance instituante. Ou, à l’inverse, que la puissance instituante modifie son référentiel normatif et éthique. En ce cas, profession et institution entrent en tension, soit que la profession l’emporte sur l’institution et on parlera de désinstitutionnalisation, soit que l’institution s’impose à la profession et on parlera de déprofessionnalisation. À quelques exceptions près, la logique dominante actuelle, pour les groupes professionnels les plus emblématiques et établis, semble bien être à la déprofessionnalisation. Mais dans le même temps, ces institutions se montrent de moins en moins capables de définir un projet ou un programme susceptibles de mobiliser subjectivement les acteurs, c’est-à-dire de faire sens. Elles se réduisent de plus en plus à de simples organisations, au mieux rationnelles-légales, au pire autoritaires. C’est en ce sens que l’on parle parfois du déclin de l’institution. De ce fait, les professionnels se trouvent à la fois sans l’appui de leur groupe professionnel et de l’institution, incapable de proposer un réel projet éthico-politique ou civilisateur, dans une situation que nous qualifions d’anomie professionnelle. D’où malaise et épuisement.
On peut donc suggerer qu'une partie des symptomes du PAWS pourrait être due à ce changement brutal de normes et de valeurs entrainé par le sevrage (même s'il est volontaire). Dans la description du PAWS beaucoup décrivent une sensation de se sentir "étranger", de ne plus jouir de la vie etc..
Ce qui suggère aussi un abord moins traumatisant.
Décrire le sevrage non comme l'arret et l'oubli des erreurs passées mais comme la poursuite de la même vie par des moyens différents. Donc un apprentissage et non un abandon.
Amicalement
Dernière modification par prescripteur (06 avril 2023 à 17:46)
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Dernière modification par prescripteur (07 avril 2023 à 12:08)
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