[ Médecin ]

Une nouvelle relation médecin personne

Je viens de recevoir le Prescrire (la Revue médicale) de juillet 2023. L'editorial parle des horaires de prise des médicaments et revient sur les recommandations, souvent  strictes, mais parfois mal documentées sur le plan scientifique.

"Mais souvent , l'influence des modalités de prise d'un médicament sur son efficacité ou la survenue d'effets indésirables n'est pas suffisamment connue pour etablir des règles valables pour tous les patients.... laisser une grande place au ressenti et aux preferences de chaque patient est une option pragmatique".

Cela montre une évolution heureuse  vers une médecine qui donne plus d'importance au patient, à ses ressentis et à ses projets de vie. C'est une médecine adaptée à chacun et non "conforme à une règle générale".

Dans le rôle traditionnel le médecin est le maitre des prescriptions, "au nom de la science" et son rôle est toujours de "guérir" le patient, au besoin en combattant les projets de vie du patient, s'ils sont contraire aux règles de la Médecine. Rappelons le Serment d'Hippocrate, notamment

Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.

Dans un rôle nouveau, centré sur l'Alliance "thérapeutique", le médecin aidera chacun à élaborer le projet de vie qui lui convient, en lui apportant ses connaissances scientifiques et ses qualités relationnelles.
Ce projet de vie pourra comporter des pratiques à risque (sports extrêmes), une pauvreté volontaire, des risques pour la santé (refus de certains soins, alimentation, sédentarité, prise de médicaments et psychotropes) etc..
Le rôle du médecin sera alors d'accompagner chaque personne dans ses projets de vie, ce qui n'exclut pas de l'aider de ses connaissances lors de ces élaborations, mais sans imposer sa propre vision, "simplement" en répondant aux demandes de la personne.

C'est évidemment d'autant plus important en addictologie, où les champs croises de la "guerre à la drogue", de la "morale" et de la "Lutte contre les classes dangereuses" tentent d'imposer aux médecins un rôle disciplinaire qui ne devraient pas être le leur. Chaque personne a le droit d'élaborer ses projets de vie, même s'ils incluent la consommation  ou la pratique de substances et comportements illégaux (mais sans atteinte à autrui et hors abolition du discernement). La Police et la Justice sont autorisées à s'y opposer mais pas les médecins. Rappelons une partie de la suite du Serment d'Hippocrate.

Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.
J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.
Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.
Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les moeurs.

D'ailleurs sur le plan de la recherche de la Santé l'argument traditionnel de la "guerre à la drogue" pour proteger la santé est manifestement fallacieux car la quasi totalité des "drogues" n'a pas plus d'effets secondaires que l'alcool, le tabac, le sucre, la malbouffe etc.. soutenus par des lobbys puissants, plus intéressés par le porte monnaie de leurs financeurs que par la notion de Santé Publique.
(Pas beaucoup plus d'effet secondaire par personne pour les produits légaux mais infiniment  plus, en volume,  pour la communauté.)
Par contre l'effet néfaste de la répression sur les trajectoires de vie des personnes et sur leur santé est, lui, bien reel.

J'aimerais donc proposer aux soignants une lecture du Serment un peu modifiée

Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé et le bien être de la personne, tels qu'elle les définit pour elle même, dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.

Et, surtout, dans la pratique quotidienne des soins de s'attacher aux soins à la personne, dans son individualité fondamentale,  ce qui implique écoute et surtout respect (de la personne et de ses projets de vie) et non stigmatisation.

Rappelons l'admirable devise de B Vian

Je ne cherche pas le bonheur de tous mais celui de chacun.

Et j'invite les soignants respectueux de la personne à ne pas craindre de le montrer. Non, ils ne trahissent pas "la médecine", comme le disent certains de leurs confrères,  mais ils en respectent les valeurs fondamentales.
Amicalement

Dernière modification par prescripteur (06 juillet 2023 à  12:38)