Les méthodes de fabrication de hasch Marocain ne cessent d’évoluer. Ici, un “fresh frozen” de Garlic, un hasch extrait à froid obtenu à partir de fleurs non séchées. La découverte du hashishène a bouleversé le monde du
cannabis et de la botanique. Ce terpénoïde, présent dans le hasch traditionnel marocain, offre une odeur distincte qui la différencie de tout autre produit issu du
cannabis. De manière générale, la plupart des composés volatils issus du genre Cannabaceae se retrouvent également dans d'autres plantes. Cependant, ce nouvel hydrocarbure se distingue par sa rareté et son origine unique, ajoutant une nouvelle couche de mystère à l’héritage centenaire, et déjà très riche, du hasch marocain.
Par Hortizan
Nous sommes à Nice, en 2014, et une équipe de chercheurs de l'Université de Sophia Antipolis mène une étude en collaboration étroite avec les autorités françaises. En quête d'une méthode pour affiner les compétences olfactives des chiens détecteurs, ils entreprennent différents tests sur divers échantillons. Au cours d’analyses chromatographiques, les scientifiques Niçois détectent un pic mystérieux. Un signal indique la présence d'un composé jusqu'alors non identifié. Une nouvelle série de tests et d'expérimentations s'ensuit, et les chercheurs identifient un composé connu sous le nom de dimethyl-vinylbicyclo hexane. Ce composé, extrêmement rare, n’avait jusqu’alors été détecté qu’en quantités infimes (<0.1-0.2%) dans de l’huile essentielle de Menthe douce Mentha cardiaca L., et dans de l’encens indien provenant du Boswellia serrata. Pourtant, il se manifeste en quantités impressionnantes dans ce
haschich. « Nous avons pu démontrer que les échantillons de
haschich contenaient des quantités remarquables d'un monoterpène rare et inhabituel (...). Nous avons fourni des preuves de la formation de ce composé à partir du (...) β-myrcène lors de la fabrication du
haschich. Compte tenu de son abondance élevée parmi les constituants volatils de la résine de
cannabis et de sa rare occurrence dans d'autres extraits volatils naturels, nous proposons de renommer ce monoterpène spécifique hashishène » (M.Marchini, C.Charvoz, L.Dujourdy, N.Baldovini, J-J.Filippi, Multidimensional analysis of
cannabis volatile constituents, 2014). De par sa rareté et son lien unique avec le
haschich, il était logique que les chercheurs attribuent à ce nouveau
terpène le nom très représentatif de "hashishène".
La singularité du hashishène réside dans son origine : comme expliqué précédemment, il est le produit d'une transformation chimique spécifique du β-myrcène. Cependant, le myrcène est un composant terpénique produit par bien d'autres végétaux : Il se retrouve notamment chez la mangue, le houblon, le laurier, le thym, la cardamome, ... Mais comment ce
terpène, plutôt courant dans la nature, peut-il se convertir en une substance aussi rare ? Et pourquoi ce
haschich contient-il du hashishène alors que les fleurs n’en ont pas ? Le secret réside dans le processus de fabrication. Il est en lien avec certaines techniques propres au terroir Marocain, qui constituent une phase essentielle dans la transformation du hashishène. Lors du
séchage, du stockage et de leur transformation, les fleurs et la résine sont soumises à des conditions d'exposition spécifiques à la lumière et à l'oxygène. Sous l'influence de ces divers éléments, le myrcène subit une photo-oxydation, un processus semblable à la décarboxylation (réaction chimique qui transforment les cannabinoïdes de leur forme acide en leur forme active). Les atomes du β-myrcène se reconfigurent, et se transforment alors en hashishène.
Grâce à ces courbes, nous pouvons constater la présence et l’absence de β-myrcène et de hashishène dans le hasch et les fleurs de cannabis. Ce qui est fascinant, c'est que cette transformation ne semble pas se produire, ou du moins pas dans les mêmes proportions, avec d'autres méthodes de production de
hash ailleurs sur le globe. Aux USA ou en Europe, le
hash produit localement ne semble pas contenir de tels taux de hashishène. Les taux accrus de hashishène au Maroc ne sont pas simplement dû au climat ou aux génétiques qui y sont exploitées, ils sont également dûs aux méthodes employées dans ce terroir.
Au Maroc, il est fréquent qu’une fois les plantes de
cannabis récoltées, le soleil sèche ces plantes sur les toits des cabanes qui seront par la suite utilisées pour la transformation. Après ce
séchage initial, le
hashish lui-même peut être séché au soleil entre plusieurs étapes de tamisage, … Sous le soleil et l’action des rayons UV, le myrcène se transforme alors progressivement en hashishène, ce qui lui procure son odeur distinctive. Le
hash riche en hashishène peut donc paraître complexe à produire pour un marché légal et encadré comme aux USA, car elle expose la résine à toutes sortes de matières qui entraîneraient des tests non conformes. Une étude de 2019 sur les contaminants dans certains
hash marocains a révélé des quantités alarmantes de contamination par certaines bactéries et autres adultérants graves, probablement en raison des méthodes de production et de transformation utilisées (M. Pérez-Moreno, P. Pérez-Lloret, J. González-Soriano, I. Santos-Álvarez,
Cannabis resin in the region of Madrid: Adulteration and contamination, 2019)
Le hashishène, substance unique en son genre, remet en question notre compréhension du
cannabis de bien des manières. Bien que ses origines et son processus de création sont fascinants, son potentiel médical reste encore à explorer et pourrait encore présenter quelques surprises. L'avenir promet des recherches plus approfondies, qui pourraient nous éclairer sur de nouveaux secrets gustatifs ou thérapeutiques de cette molécule.
Source : Soft Secret