Bonjour à toustes,
Je vais rapidement introduire mon parcours addictif à la
ketamine, avant de vous parler d’un
sevrage que j’ai vécu, et de ses effets, dont j’ai fait les frais, qui sont encore très mal connus des usager.es et des milieux médico-sociaux.
Pour celleux que l’historique n’intéresserait pas, je mettrai un marqueur au paragraphe qui traite du
sevrage en question. :)
Si l’un.e de vous a vécu des expériences similaires à la mienne, ou est ou a été dans une addiction active à la
ketamine, vos témoignages, expériences et autres sont les bienvenus, car j’avoue me sentir assez seul.e dans cette addiction, le potentiel addictif de cette drogue étant encore très partiellement connu.
Historique J’ai testé cette drogue pour la première fois il y a six ans, en 2019, encore adolescent.e. Je l’ai directement adorée ; c’est devenu ma drogue préférée dans une période où je testais pour la première fois beaucoup de produits. J’en prenais régulièrement en milieu festif (free party/soirée), avec des potes, ou seul.e. Je n’avais pas besoin de partager l’expérience de cette drogue avec quiconque pour l’apprécier pleinement.
On fait un saut dans le temps en 2022, majeur.e cette fois-ci, où je prends beaucoup de drogues en soirée, jusqu’à plusieurs fois par semaine, mais commence à consommer de la
ketamine seul.e. Surtout dans les moments où ça ne va pas, où je suis en détresse psychologique, je me rends compte du potentiel
dissociatif des émotions du produit, et de sa capacité à me calmer et m’apaiser instantanément. J’en ai toujours sur moi, je commence à en consommer tous les jours, quand je rentre de soirée tard le soir (ou tôt le matin) et que je dois marcher, je trouve des toilettes publiques pour me faire une trace sur le chemin ou à défaut me faire une clé dans le renfoncement d’une porte d’immeuble, bref, l’addiction s’installe, et avec elle, ce dont je ne savais pas encore l’origine, des douleurs abdominales à n’en plus pouvoir marcher ni même penser qui surviennent de plus en plus souvent.
Je mets ça sur le compte d’un trouble hormonal ou digestif, j’ai plusieurs examens prescrits par un médecin à ce moment-là, mais qui ne montrent rien d’anormal à ces deux niveaux.
Un jour, alors que mon nez saigne abondamment suite à une trace, ce qui avec le K ne m’arrivait pas souvent comparé à d’autres drogues sniffées, je fais une recherche sur psychoactif à ce sujet. Je ne trouve pas grand chose que je ne savais pas déjà, mais je tombe sur un sujet, avec moult témoignages, sur les fameuses K-pain. Là, tout s’éclaire. Je trouve enfin la cause à ces douleurs abdominales terribles qui sont comme rien que j’ai pu ressentir auparavant, je vois que je ne suis pas seul.e à en faire l’expérience, et décide quelques semaines plus tard d’arrêter cette substance pour cette raison. Les k-pain disparaissent avec l’arrêt, je suis libéré.e de ces douleurs.
Je rechute 7/8 mois plus tard, en 2023. Je consomme majoritairement seul.e, chez moi. J’évite d’être defoncé.e « en public ». Je n’aime pas ça. Les k-pain dont je connais maintenant l’origine accompagnent cette reprise. Cependant la rechute est courte, 2 mois peut-être, j’arrête suite à un
K-hole non voulu en milieu festif (free party). Disons que cette conso excessive m’a calé.e/calmé.e pour un bon moment.
Rechute présente Rechute suivante en avril 2024. Nous sommes en décembre, cette rechute est toujours actuelle.
Je consomme dès le premier jour de ma rechute quotidiennement. J’ai + de contacts, j’en trouve (bien) moins chère que les années précédentes. Étant d’un naturel à faire quand même gaffe à ce que j’aie au moins des pâtes dans mon placard, je me sens bien plus libre économiquement d’augmenter ma consommation du fait de l’accoutumance. Avril, mai, juin, juillet passent, et question thunes ça commence à être chaud, la K ne me fait plus rien, je dois prendre des poutraces énormes pour ressentir quelque chose mais mon nez est de moins en moins coopératif (ça bloque quoi), j’ai l’impression de jeter mon argent par les fenêtres.
En août, je me rends à une pharmacie, et m’entends demander un sterikit. Aussitôt pris, aussitôt arrivé.e chez moi, je fais ma première injection et là, c’est le bonheur : je ressens enfin à nouveau quelque chose.
Évidemment, ce bonheur est de courte durée même si c’est toujours mon mode de consommation aujourd’hui (80/90% intramusculaire, 10/20 % intraveineuse en terme de ratio).
Je me fais suivre dans un
CSAPA quelques semaines après cette première injection. Je consomme environ 1 gramme par jour à cette période.
Sevrage(s) et risque encouruMa conso est entrecoupée de courtes pauses, surtout malgré moi (K de mon dealer out of stock, hospitalisations en psychiatrie). Mais en novembre, je décide de me rendre chez ma grand-mère pour faire une pause de mon plein gré. Mon but n’est pas de me sevrer définitivement, mais au moins de laisser mon cerveau et mon corps tranquilles quelques jours.
Je fais ce
sevrage sans aucun
benzodiazépine car je n’en ai plus (ce qui n’était pas le cas des
sevrages précédents).
Je consomme alors du
cannabis tous les jours, ça m’aide à dormir, ça me calme. La présence de ma grand-mère m’aide, la solitude étant un facteur motivant à la consommation.
Au septième jour de
sevrage, je suis à table avec ma grand-mère, quand tout d’un coup, je perds connaissance, tombe de ma chaise, et me mets à convulser au sol pendant 2/3min. J’ai l’arcade sourcilière ouverte, ma grand-mère appelle les secours, je reprends conscience 5 bonnes minutes après. Je suis emmené.e aux urgences de l’hôpital le plus proche, où je n’omet rien de mes consommations. Pour les médecins, la cause est claire : cette crise convulsive, très proche d’une crise épileptique, est due au
sevrage de
ketamine. Je suis hospitalisé.e en service post-urgence pendant 2 jours afin d’être gardé.e en observation. On me prescrit un traitement anti-convulsif pendant une semaine et on me laisse finalement rentrer avec un IRM et un électroencéphalogramme à réaliser (qui n’ont rien montré d’une activité cérébrale anormale/épileptique).
Aujourd’huiJe suis toujours suivi.e au
CSAPA de ma ville, où je me fournis aussi en matériel. Je suis bien informé.e sur la
réduction des risques (notamment de l’injection) depuis plusieurs années. J’ai un accompagnement psychologique depuis plusieurs mois et psychiatrique depuis plusieurs années.
Je consomme environ 1,5g de
ketamine par jour, consommation que j’essaye d’entrecouper de pauses autant que je le peux. Mais cette fois, je suis bien averti.e sur les risques et effets que peut avoir le
sevrage. Quoique, peut-être pas encore tous. Je n’entamerai pas de pause si je n’ai pas au moins des
benzodiazepines et anti-convulsifs sous la main, et au mieux de faire cette démarche entouré.e, pas seul.e chez moi.
J’espère que ce témoignage trouvera son utilité et sa résonance chez quelque personne. Je tenais à le poster car les informations à propos de l’addiction et du
sevrage de
ketamine sont encore très infimes, en espérant que celui-ci soit une petite pierre de plus à l’édifice de la
RDR.
Portez vous bien, prenez soin de vous et consommez
safe.
Peace
Sysyphus_
Dernière modification par Sysyphus_ (28 décembre 2024 à 17:32)