Communiqué de presse de Psychoactif du 10 février 2025
Culpabiliser les consommateurs de drogues pour pérenniser un système qui a du sang sur les mainsLe 6 février, M. Retailleau, Ministre de l’Intérieur, présente un clip payé par l’État pour « responsabiliser et culpabiliser les consommateurs de drogues ». Ce clip qui finit par « Des personnes paient le prix des drogues que vous achetez » est dans la continuité des déclarations de ministre à Marseille sur « ceux qui fument un joint ou sniffent une trace de coke ont du sang sur les mains ».Comme à chaque fois que la demande sécuritaire augmente et que l’État est sommé de justifier qu’il a perdu la guerre à la drogue (face au trafic et à l’augmentation exponentielle des consommateurs), il s‘en prend au maillon faible, les Personnes Utilisatrices de Drogues. Cette déclaration du Ministère de l’Intérieur sur la « culpabilisation des consommateurs » convoque en effet injustement des modèles de responsabilité individuelle sur des circonstances qui sont de toute évidence le produit de la prohibition dans un monde globalisé.
C’est comme si le gouvernement culpabilisait les conducteurs de véhicule thermique d’être les seuls responsables et coupables du réchauffement climatique, sans leur donner les moyens d’acheter des véhicules électriques, et en passant sous silence la responsabilité des fabricants de voitures, et celle des États dans la fabrication des normes. Si les Personnes Utilisatrices de Drogues étaient interrogées sur les risques générés pour elles et pour la société par l’achat de drogues, elles répondraient préférer sûrement acheter un produit légal, bio, issu du commerce équitable, dont elles connaîtraient la provenance et la pureté.
De plus cette fixation sur la personne utilisatrice de drogues laisse peu de place pour comprendre comment la concurrence entre trafiquants, les lois sur les drogues et leur application policière façonnent la violence sur le marché des drogues. Cela permet surtout de ne pas s’interroger sur un système qui dysfonctionne.
C’est une diversion politique qui permet au Ministère de l’Intérieur de faire les gros bras dans un contexte sécuritaire et de ne pas montrer que la guerre à la drogue est inefficace et perdue.
Au niveau international, cette guerre à la drogue est pourtant dénoncée. Il est maintenant admis que la prohibition des drogues génère une économie parallèle dirigée par des réseaux criminels, qu’elle entraîne de la violence et l’insécurité dans les communautés affectées par le transit et la vente de drogues, qu’elle a contribué à la propagation du VIH et de l'hépatite virale par l'injection de drogues avec du matériel contaminé, qu’elle a surpeuplé les prisons pour des infractions mineures liées aux drogues, et qu’elle a eu des impacts discriminatoires touchant de manière disproportionnée les minorités raciales et ethniques, ainsi que les femmes, tout en échouant à réduire de manière significative l'usage et le trafic de drogues.
En décembre 2024, le rapport de la commission mondiale sur les drogue
s « Beyond Punishment: From Criminal Justice Responses to Drug Policy Reform » appelle à un recadrage immédiat, et fondé sur des données probantes, des politiques des drogues : « pour réduire les dommages causés par la consommation de drogues illicites et la dépendance, nous devons mettre les stratégies de
réduction des risques au centre de nos réponses. » Les pratiques de
réduction des risques reconnaissent pragmatiquement qu’il n’y a pas de société sans drogues, et elles essaient de réduire les dommages sanitaires et sociaux de leur utilisation. Ce sont par exemple les traitements de
substitution aux
opiacés, les salles de consommation à moindres risques (dit HSA), les programmes d’analyse de drogues, ou encore les groupes d’auto-support de personnes utilisatrices de drogues.
En janvier 2025, le journal scientifique Lancet, de renommée internationale, propose des solutions dans un édito et affirme que « si nous souhaitons réduire la consommation et la dépendance aux drogues ainsi que les profonds méfaits sociaux et économiques des politiques punitives en matière de drogues,
la décriminalisation de l’usage de drogue, de la possession, de la culture personnelle est essentielle »
Le débat sur cette nouvelle politique des drogues semble à l’arrêt en France. Cela laisse toute la place à M. Retailleau pour faire la guerre à une partie de ses propres citoyens, pour continuer
dans cette politique de répression qui a du sang sur les mains !Contacts presse : Pierre Chappard
Bibliographie
- Csete, J. a. (2016). Public health and international drug policy. The Lancet Commissions, 1427-1480.
- The Lancet Global. « Harm Reduction Must Replace Punitive Drug Policies ». The Lancet Global Health, Editorial, 2025.
https://www.thelancet.com/journals/lang … 4/fulltext- Beyond punishment: From criminal justice responses to drug policy reform (2024) The Global Commission on Drug Policy
https://www.globalcommissionondrugs.org … icy-reform
Dernière modification par pierre (12 février 2025 à 00:03)