Un jour, il y a longtemps.
Je traînais dans une petite baraque en bord de forêt, mi-cabane, mi-repère, un de ces endroits qui sentent encore le bois humide et les années sans montre. C’était une de ces périodes floues où t’as plus vraiment de boussole, où tu regardes les jours passer comme on regarde les nuages : sans attendre grand-chose.
Un matin, un vieux fauteuil de lecture trouvé en brocante, que j’avais rafistolé avec une couverture en laine trouée, m’a appelé. Littéralement. J’y ai foutu mon corps, fatigué de tout, et j’ai ouvert un bouquin laissé là par un pote — *L’alchimiste*. C’était presque par accident. Pas pour chercher des réponses, même pas pour comprendre. Juste pour m’occuper les mains et les yeux.
Et là, sans prévenir, ça a commencé. Page après page, mot après mot, ça m’a rattrapé. Pas tant ce livre-là, mais le fait de lire dans ce
coin lecture. Le silence entre deux phrases. Le calme que ça posait dans ma tête. À partir de ce moment, j’ai recommencé à lire. Tout et n’importe quoi. Romans, poésie, récits de voyage, bouquins tordus, classiques jamais ouverts.
J’ai compris que lire, c’était voyager sans attendre que le monde vienne à moi. C’était parler avec des gens que je ne rencontrerai jamais. C’était me reconstruire, lentement, comme on taille du bois à la main.
Depuis, j’ai changé de lieu, changé de vie, mais j’ai gardé ce vieux fauteuil et je continue de lire, chaque jour ou presque. Pas pour fuir. Pour habiter un peu mieux ma propre cabane intérieure.
Et si quelqu’un passe un jour, je lui tends un bouquin, comme d’autres tendent un verre. À la vôtre.
Dernière modification par Adeline (26 mars 2025 à 10:00)