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Bonjour à tous.
Je vous invite aujourd'hui à faire un petit voyage. Il ne va pas vous amener dans les sillons les plus inconnus de votre encéphale, pour de tels voyages explorez donc d'autres sections de ce forum. Nous allons aller ensemble en hôpital psychiatrique, mais rassurez-vous pas pour longtemps ! Ironiquement c'est la psilocybine, compagne de voyage de nombre d'entre nous ici, que nous allons retrouver.
La psilocybine est la principale molécule actives connue chez les champignons hallucinogènes.
Pour ses travaux de thèse René robert effectua un travail de recherche avec l'hôpital psychiatrique Saint-Anne. A l'époque était abordée, à certains égards de manière plus décomplexée qu'aujourd'hui, la question de l'utilisation de "drogues" (au sens francophone du terme) dans un usage thérapeutique, particulièrement pour traiter les maladies mentales.
René Robert invite quelques artistes volontaires à expérimenter la création artistique sous l'effet (ou après l'effet) de l'ingestion de psilocybine.
Jusqu'au 29 novembre 2015 l'hôpital Saint-Anne expose certaines de ces oeuvres et de nombreux autres documents.
La montée
Nus partîmes un matin avec mon ami Adrien, qui fut mon compagnon de voyage fongique à deux reprises. le matin voir cette expo. Nous étions donc tout deux, moi plus que lui, au fait des effets des psilocybes sur l'esprit et la chair.
Il faisait beau. Nous sortîmes des transport en commun à Denfert-Rochereau (pour les connaisseurs du métro parisien) pour finir la route à pied. Un quartier fort sympathique.
L'hôpital Saint-Anne est ceinturé de hauts murs de pierre, sobre, de couleur claire, jusque ce qu'il faut pour ne pas paraître trop impérieux, trop écrasant. Mais leur fonction, la rétention de personnes dans l'enceinte, paraissait bien claire.
Deux des rues qui le bordent sont la rue de la Santé, nom bien approprié, et la rue Cabanis, que je ne pouvait m'empêcher de lire Cannabis ce qui nous parût amusant.
Nous entrâmes aux environs de 11h du matin. L'endroit, ouvert au public, est très calme. A l'accueil une employée vint jeter un oeil discret aux venues et à nous deux. Entre Adrien qui a un look et une tête de tueur psychopathe récidiviste et moi-même habillé d'un poncho et portant une pléthore de colliers, on devait avoir une sacré dégaine ici.
Un hôpital bien équipé, de nombreux services, de nombreux centres, de nombreux patients. Il y a une place pour les toxicomanes. En passant près de la "Maison des usagers" je me sentais bizarre, venu ici faire une visite pour moi en tant qu'usager et pour ce forum
Sans nous attarder cette paisible atmosphère et après nous être repérés sur un plan nous nous dirigeâmes vers l'expo.Les rues de l'hôpital portent des noms d'artistes que la postérité a retenu comme fous. Je commençait à me demander quel bon goût transcendait les architectes et urbanistes locaux.
Ce "Centre d'Etude de l'expression" qui hébergeait l'expo n'avait pas un aspect des plus rêveurs. Pour aller à l'expo il faut descendre un escalier dont les parois sont si blanches quand l'affiche de l'expo au loin semble pareille à un feu misérable d'où nous fixent deux yeux noirs. En fait l'endroit m'a semblé un peu glauque, me faisait plus penser aux endroits où l'on trouve un certain type d'amateurs de came que d'amateurs de psilo.
Arrivé devant la porte une fenêtre donnant sur un petit espace fermé et sombre nous fit comprendre que l'expo n'était pas ouverte. Elle n'ouvrait qu'à 14h. On avait oublié de regarder avant ...
On a donc décidé d'aller acheter un peu de pain pour manger les aubergines à l'huile que je transportais dans mon sac pour se poser dans un coin sympathique de l'hôpital.
J'aime bien cet endroit, j'aimerais bien y retourner bouquiner ou flâner
Aubergines à l'huile, pain frais et thé chaud
La quiétude environnante guère troublée par la venue d'une femme et de quelques enfants venus
jouer
On a mangé, discuté, bu, profité du soleil et de l'endroit. Dans le début de l'après-midi nous sommes finalement allés chercher ailleurs plus loin dans la ville une amie d'Adrien, que nous appellerons ici Cat, venue voir l'expo avec nous.
L'expo prend place dans quelques pièces souterraines à murs et voûtes de pierre. Une dame nous indique de manière un peu brusque et mécanique "Pour la Psilocybine c'est par là !"
La salle en question est relativement petite, y sont exposées moins de trente oeuvres sur les murs latéraux. Six vitrines au centre de la pièce renferment divers documents.
Par les tous les dieux païens, le visage de ces gens ...
Mais non rassure-toi Rhéus, toi non plus tu n'as plus de visage
Les oeuvres d'un même artiste sont placées à côté pour mieux s'y retrouver. Je n'ai pas pu m'empêcher d'essayer de deviner quel genre de personne pouvaient être les autres visiteurs. Il y avait essentiellement des jeunes (étudiants ?) et des vieux (retraités ?). Que venait faire tout ce monde ici ? Etaient-ils comme Adrien et moi amateur d'hallucinogènes ? Etaient-ce des étudiants en art qui avait entendu parler d'une expo originale ? Et ces personnes âgées ? De vieux usagers ayant tout connu ou de simples retraités désoeuvrés ?
Peut-être des membres du forum étaient là ce jour-là , auquel cas je vous salue !
Je prenais des notes sur quelques fiches et mon ami Adrien a pris rigoureusement en photo toutes les oeuvres avec son portable, bien que les photos soient interdites dans cette expo.
Le plateau
Jean-Jacques Lebel :
Jean-Jacques Lebel est un artiste aux compétences variées. Six de ses oeuvres sont exposées sur un mur. Elles furent réalisées après consommation de psilocybine.
En voici deux vues de plus près.
Fleur, démon païen, une guivre, un cauchemar aztèque ... Voilà ce que m'évoquait cette oeuvre qui est l'une de mes préférées ici
Un chaos de démons, de sourires malsain cortège de folie.
Dans leur impression générale, ces tableaux de Lebel sont parmi les plus beaux, certains contiennent quelques traits de bleu klein, une couleur qui me parle particulièrement, d'autres des nuances plus pastel.
Sam Mandel :
Six oeuvres sont présentes. De tracé relativement chaotique leur dénominateur commun semble être le thème du chat. Chose intéressante la première a été réalisée avant prise de psilo, trois l'ont été pendant et deux après. Quelques exemples :
Je trouvais ça vraiment chouette de pouvoir avoir un tel "suivi" de la créativité et de l'inspiration.
à suivre ...
(après une nuit de sommeil !)
Hors ligne
Très clairement, la plus grande force de cette expo. 12 oeuvres numérotées par ordre chronologique réalisées en une heure vingt avant, pendant et après la prise.
Là ça me paraissait un peu bizarre, je me demandais quelle quanité de psilo consommait ces artistes pour pouvoir qualifier du moment situé 1h20 seulement d'après la prise, dans la mesure où les trips fongiques durent en général plutôt dans les 4h. Je me suis dis qu'ils ont dû en prendre relativement peu pour que les effets s’estompassent si vite.
Deux oeuvres à gauche, quatre à droite, sont toutes les six d'aspect plutôt "impressionniste" et somme toute relativement habituelles. Quelques-unes vues de près :
Elles plaisaient bien à Cat ces oeuvres-là . Moi perso si j'appréciais l'atmosphère "soir d'été" d'"Alto 27" mon regard ne pouvait guère se concentrer que sur les six oeuvres centrales.
Alto 4,9 18, 19, 20 et 21
Alto 4,9 et 18
Alto 19,20 et 21
Parmi elles l'on reconnait l'oeuvre présentée par les affiches de l'expo.
Deux yeux qui m'évoquaient des empreintes de spores, chères aux plus cultivateurs d'entre nous, nous fixant. Une hallu saisissante, pas exactement angoissante mais plutôt poignante à l'extrême.
A sa gauche et notre droite, une vision parlant très bien au biologiste que je suis. Je pensais à un coeur brûlé, nécrosé, cancéreux trouvant encore du sang à pleurer. C'est mon oeuvre préférée de l'exposition. Elle me conférait une espèce de malaise que les photos ne parviendront pas à retranscrire. C'est là toute la difficulté à retranscrire une expo. Autant un TR c'est "relativement" simple et honnête puisque tes visions sont les tiennes, ta subjectivité étant déjà assumée. Ici j'essaye de ne pas trop m'avancer sur les commentaires de ces tableaux qui eux sont des objets physiques extérieurs à moi. Certes leur effet sur moi est spécifique et personnel, mais je préfère ne point trop mettre mon ressenti en avant pour laisser danser votre conscience à la place.
Que vous inspire Alto 20 d'ailleurs ? Sur mon bloc-note j'avais noté "Chaos d'encre et de sang". J'y voyais une lande ravagée, comme si l'on pouvait meurtrir la terre aussi bien que l'on dévaste la chair. Cat elle y voyait plus qu'en Alto 19 un coeur mort.
Anonyme
Ok. Pour ces deux-là je pense que mon esprit s'est protégé en limitant mon imagination car ces deux tableaux, relativement discret au sein d'une exposition flamboyante de couleurs d'hallucination, sont à mon sens une bonne représentation de ce qu'est un voyage négatif.
Je n'ai pas de meilleure cliché de ces deux œuvres qui, à l'image des visions et pensées les plus hallucinées, se sont révélées insaisissable dans toute leur force. Adrien et moi y apercevions une terre noire, comme un marais de monstres, un lieu maudit et hostile.
Anonyme. En transposant ce que je connais des voyages fongiques les plus sombres, je peux comprendre ce désir de discrétion du peintre. Un voyage sombre peut parfois être bien plus intime et intérieur, et difficile à partager, que les délires les plus psychédéliques. On comprend là le terme de psychodisleptique employé par la psychiatrie.
Vita Parme
Deux tableaux l'un à côté de l'autre. Des lignes et courbes noires sur du papier froissé.
"Pendant l'expérience"
"Après l'expérience"
Curieusement c'est le tableau réalisé après l'expérience, un tourbillon d'encre et de rosaces, qui est le plus délirant. A l'opposé celui réalisé pendant est épuré, calme, comme apaisé.
Que faut-il comprendre ? La prise de psilo a-t-elle momentanément apaisé l'artiste ou a-t-elle laissé après l'expérience quelques graines de folie. De la deuxième de ces deux oeuvres émane une impression de colère, de folie noire.
Les vitrines :
Six vitrines aux centre de la salle. Je ne m'y suis attardé qu'après avoir contemplé toutes les oeuvres. Elles recèlent quelques merveilles.
Quelques articles scientifiques
etc ..
Au bout d'une demi-heure nous en avions fini avec cette salle. A ma propre surprise je ne me suis pas autant reconnu dans ces peintures sous psilocybine que je ne le pensais. Excepté peut-être pour certains Alto et les deux tableaux noirs anonymes. Les expériences psychédéliques sont vraiment intimes et personnelles.
La descente
En face de la première une autre salle. Il y a quelques artistes en commun mais aucune n'a été réalisée sous psilocybine. Photographier fut bien plus périlleux, en effet il y avait la femme de l'entrée qui était assise derrière un comptoir pour vendre livres, affiches, etc. Elle nous a grillé à un moment, ce qui ne nous a pas empêché de persévérer tout en redoublant de prudence.
Ces oeuvres permettait aussi bien d'étendre ses visions que de se représenter le travail et le style des artistes indépendamment de l'effet des champignons hallucinogènes.
Jean-Jacques Lebel, La Sorcière, huile sur toile, 1955
Henri Michaux, 1982. Un petit écriteau dit ceci du peintre "Même si Henri Michaux fut amené à prendre de la psilocybine en 1959, il ne participa pas à l'expérimentation de René Robert en 1960. Les oeuvres présentées ici sont postérieures."
Bernard Saby. Un petit écriteau dit du peintre "Il n'a pas participé à l'expérimentation avec la psilocybine mais il a exploré les effets provoqués par les substances hallucinogènes sur les arts visuels"
Bernard Saby, Composition haschischine parfois nommée Composition Haschischienne, 1956. Oeuvre préférée d'Adrien.
Bernard Saby, sans titre, pastel sur papier, 1963. Mon oeuvre préférée dans cette salle. J'y entrevoyais un rêve de sable, quelque chose d'aérien, de désertique. Une vie, une cité dans le désert où l'on fait couler de l'eau. Un eden d'Arabie.
Bernard Saby, sans titre, non daté pastel sur papier. La préférée de Cat qui aimait ses inspirations plus profondes, plus océaniques. Je partageai avec elle l'impression d'y voir les cités décrites par Lovecraft. Comme R'lyeh, une cité construite ni pour ni par les hommes au fond de l'océan.
Il y avait dans cette salle bien d'autres choses encore. Notamment quelques peintures de Frederic Pardo assez ... cheloues. Psychées dans l'esprit mais pas dans la réalisation, avec des relents de je ne sais quel pop-art.
La visite s'achevait. Cat et moi nous arrangeâmes pour qu'Adrien puisse prendre ses derniers clichés sans être vu puis nous sortîmes du souterrain, partîmes du Centre de l'Etude de l'Expression et quittâmes l'Hôpital psychiatrique de Saint-Anne.
Je ne pouvais pas m'empêcher de penser à la facilité pour moi de quitter l'endroit, comparativement la rétention médicale probable qui peut être pratiquée dans certains hp.
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Voilà pour ce compte-rendu de l'exposition. J'ai essayé de ne pas livrer tout ce qui y présent et de ne pas trop m'étendre sur mes ressentis pour vous laisser l'envie d'aller voir tout cela par vous-mêmes. Rien que l'hôpital vaut le détour tant il est paisible. L'expo elle-même est bigrement intéressante, j'ai reconnu mes expériences sous champignons hallucinogènes à plusieurs reprises
Un regret concerne le concept même des oeuvres, je pensais avoir affaire à des créations de patients et non d'artistes professionnels. Mais en vérité ça n'enlève rien du charme de leurs peintures. Et il y en a pour tous les goûts, beaucoup de styles différents.
Alors pour ceux qui peuvent passer du côté de Paris je vous la recommande fortement :)
Dernière modification par Rhéus (06 octobre 2015 à 12:24)
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