Les Cannabis Social Clubs, un pétard mouillé ?Le Point.fr - Publié le 20/06/2013 à 10:43
Un jardinier militant a tenté un coup de force en déclarant son association d'autoproduction d'herbe en préfecture. Sera-t-elle dissoute ?"Je suis un usager sans en être dépendant. Et je ne consomme que cela." Mardi 9 avril, à la barre du tribunal correctionnel de Tours, la belle tribune de Dominique Broc et le "shit in" qui suit l'audience ne suffiront pas à défendre le chantre de la
légalisation du
cannabis. Une semaine plus tard, il est condamné à 8 mois de prison avec sursis et 2 500 euros d'amende. Motif ? Détention et usage de drogue et refus de prélèvement d'ADN. Soit, comme l'indique le procès-verbal, la saisie, à son domicile, de "126 plants de
cannabis et 26 grammes d'herbe".
Dominique Broc, 44 ans, jardinier à Esvres-sur-Indre, à côté de Tours, est le père français des
Cannabis Social Clubs, ces groupements d'adultes - chefs d'entreprise, professions libérales, universitaires... - qui prônent la
légalisation et l'autoculture dans l'objectif d'encadrer et de réguler la consommation de
cannabis. Le fonctionnement est simple : les membres - qui doivent être cooptés par un autre membre pour faire partie du club - mettent leur production en commun en réservant 10 % pour d'autres clubs qui en manqueraient et 10 autres pour financer "l'expérimentation thérapeutique".
"L'économie souterraine s'en met plein les poches"
Pour Dominique Broc, c'est une façon de connaître la consommation réelle du
cannabis en France, mais aussi de lutter contre le marché noir. "Toutes les prisons sont pleines de délinquants qui le sont devenus en étant confrontés au marché noir dès le plus jeune âge, confiait le jardinier aux Inrocks en mars dernier. Au lieu de remplir les prisons, il faudrait peut-être stopper l'hémorragie." Et d'ajouter : "Ça fait 40 ans qu'on mise sur le tout répressif, et c'est mauvais, sauf pour l'économie souterraine qui s'en met plein les poches. Je pensais qu'en France on luttait contre le trafic et non contre la drogue. Pourquoi lutter contre la drogue puisqu'on sait qu'un monde sans drogue n'existera jamais ?"
Si l'initiative de ces clubs a déjà fait ses preuves en Belgique, en Espagne ou au Portugal, où la consommation de stupéfiants est dépénalisée, en France, elle reste interdite. C'est d'ailleurs pour légaliser le projet que Dominique Broc tente un coup de force le 25 mars dernier en déposant en préfecture une petite dizaine de
Cannabis Social Clubs en association loi 1901. C'est cet "acte de désobéissance civile" qui doit être jugé ce jeudi au tribunal de Tours. "On n'attend pas que l'on nous donne une autorisation. On veut imposer notre activité", répète inlassablement le leader, qui a su, au cours de ces derniers mois, créer autour de lui un petit buzz médiatique et relancer le débat.
"La France est le pays d'une seule drogue : l'
alcool"
On compte en France près de 2 500 consommateurs de chanvre, regroupés dans 150
Cannabis Social Clubs. Or, l'article 222-35 du Code pénal dispose que la production ou la fabrication illicite soient punies de 20 ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende. Lorsque les faits sont commis en bande organisée, la peine peut grimper à 30 ans de prison et 7,5 millions d'amende. "Le problème, confiait l'un des membres tourangeaux à la presse en janvier dernier, c'est que la France est le pays d'une seule drogue : l'
alcool. Si tu bois un verre, tu es un bon père de famille qui se détend après une dure journée, mais si tu fumes, tu es un dégénéré."
Sur les 150 clubs revendiqués, seuls six se sont déclarés en préfecture. Les fumeurs se seraient-ils dégonflés ? Pour un membre de l'association, qui a bien voulu nous répondre, "beaucoup ont été refroidis par l'interpellation et la perquisition de Dominique". En 1976, à l'initiative de l'écrivain Jean-Pierre Galland, les "cannabinophiles" lançaient l'appel du "18
joints". Entre autres signatures parues à l'époque dans Libération, on pouvait trouver Gilles Deleuze, Bernard Kouchner, Bernadette Lafont, Edgar Morin ou encore Philippe Sollers. Pas sûr que, 37 ans plus tard, les intellectuels soient aussi nombreux à soutenir l'action de Dominique Broc. Le jugement sur la dissolution du
Cannabis Social Club français est attendu jeudi après-midi à Tours.
Source : LePoint :http://www.lepoint.fr/societe/les-cannabis-social-clubs-un-petard-mouille-20-06-2013-1683919_23.php