Les grandes villes suisses font le constat clair que la répression ne marche pas dans le cadre du cannabis. Elles veulent donc expérimenter d’autres modèles de consommation régulée soumis à l’analyse de médecins, scientifiques et responsables de la sécurité.
Partant du constat que la répression ne marche pas, certaines grandes villes de Suisse se sont engagées sur une légalisation partielle du cannabis. Les projets-pilote pourraient démarrer d’ici quelques semaines, mais Genève ne deviendra pas Amsterdam...Une “space fondue” avec le président de la Confédération Helvétique, qui vous répète sur son célèbre ton busterkeatonien «Rire, c’est bon pour la santé» ? Depuis sa vidéo du printemps dernier qui a fait bidonner le web francophone, plus d’un fumeur de
cannabis en a rêvé... La Suisse ne le fera pas ! Et pas seulement parce que Johan Schneider-Amman en aura fini avec sa présidence aussi tournante que le
joint dans certains cercles au moment où les premières volutes légales pourraient s’élever dans le ciel bernois.
C’est surtout que Gstaad ne se transformera pas en Goa hippie-chic décadent. Le
cannabis pourrait certes être légalisé d’ici quelques semaines en Suisse, mais de façon partielle et dans un cadre précis. Celui des projets pilote développés par quelques grandes villes, Genève, Bâle, Berne et Zurich, rejointes par Lausanne en septembre. Aucune appétence cannabique particulière chez elles, mais le constat simple fait par François Longchamp, président de centre-droit du gouvernement genevois, dans sa réponse à l’interpellation d’un député.
«La prévention n’a pas permis de réaliser l’objectif recherché»
«La prévention de la consommation du
cannabis par la répression n’a pas permis de réaliser l’objectif recherché. Tous les milieux concernés s’accordent à dire que la consommation de produits psychoactifs n’a jamais été aussi répandue dans le monde qu’actuellement». Alors comme sur d’autres sujets de société, de la prostitution à l’euthanasie, la Suisse cherche à élaborer un modèle plus efficace. Dans une tradition plus nordique que latine, et très loin de nos rigidités idéologiques sur ces sujets-là ...
A Genève, la Commission Consultative en Matière d’Addiction instituée en juin 2014, a donc monté un projet de consommation régulée. «Il vise 300 ou 400 jeunes qui ont des problèmes de consommation signalés par les parents ou la police. Le
cannabis n’est pas une drogue dangereuse, mais peut l’être quand les jeunes sont en rupture» affirme Sandro Cattacin, professeur de sociologie à l’Université de Genève et membre de cette CCMA qui réunit à la fois des spécialistes de la question et des politiques, jusqu’aux plus prestigieux. C’est en effet la socialiste Ruth Dreifuss, première femme présidente de la Confédération en 99, qui la préside...
Tester plusieurs usages du
cannabisL’intérêt de l’initiative helvète est donc d’expérimenter plusieurs types d’usage du
cannabis, le tout suivi par des médecins et des responsables de la sécurité, qui évalueront les différents modèles au regard de leurs conséquences sociales. «Bâle est très intéressée par le volet médical, Zurich par la consommation non problématique, Berne par le côté récréatif» souligne Sandro Cattacin. Mais toujours dans une optique locale, ce n’est pas demain la veille que l’exil
psychotrope remplacera l’exil fiscal. Ainsi, la capitale réfléchit à donner accès à une quantité limitée d’herbe dans des pharmacies agréées, mais aux seuls consommateurs cantonaux.
Bref, des labos de nouvelles pratiques assez prudents. On est loin des scènes ouvertes des années 80... Ou de la
dépénalisation totale, soumise en votation en 2008 et refusée par la population à 63%. «C’était une votation proposée par les fumeurs eux-mêmes» tempère Sandro Cattacin. S’il y a toujours des résistances, notamment du parti populiste de l’UDC, qui ne veut pas que les jeunes bloquent sur leur Rolex, la méthode devrait cette fois fonctionner. Il faut dire qu’elle a un ADN typiquement suisse: décentralisée, pragmatique et déconnectée des postures de façade puisque gauche et droite travaillent ensemble sur ces différents projets.
Certains Suisses, peu engagés sur ces questions a priori, ont d’ailleurs déjà saisi la balle au bond. En avril dernier, une douzaine d’agriculteurs ont exprimé leur intérêt au Département des questions sociales bernois pour cultiver du chanvre. Mais avant que les jeunes remplacent leur barette “d’afghan” par “du suisse”, il y a un peu de temps. Les paysans helvètes ont été recalés, faute de suffisamment d’expérience en la matière.
On imagine le drame en cas d’erreur d’aiguillage des productions : de l’herbe dans les fourrages et voilà les vaches qui prendraient les trains CFF pour Katmandou au lieu de les regarder passer, et c’est toute la filière du Gruyère qui serait décimée...
Par Sébastien COLSON
Source :
ledauphine.com