C'est con , je suis dans le Sud Ouest, garée dans un coin de verdure, joliment éclairé par un soleil qui ne se décide pas entre l'automne et l'hiver, et voilà le pire, je nage en plein spleen. Spleen qui m'amène à penser que peut être je me suis sur-estimée.
J'ai arrêté mon traitement de Métha le 22 avril, oscillant entre 70 et 80. Je n'avais prévenu personne pour ne pas inquiéter, ne pas m'imprégner de pensées démotivantes, ou me laisser influencer par la résignation que tentent de partager certains conçernant le servrage plus pour légitimer sa propre résignation, se rassurer, que dans un réel soucis d'aide, de conseil. Et surtout, c'est ma merde et je ne veux éclabousser personne avec. Dignité ? Orgueil? Toujours est il qu'il m'était insupportable d'inquiéter, et tout autant que l'on puisse me voir dans les états de manque que l'on connaît.
Les deux premiers mois ont été difficiles. Garée près d'un lac, accumulant insomnies, maux divers et variés, j'ai bien failli envoyer mon camion au fond du lac. Ce fut long de me remettre de cette première étape, surtout que j'étais convaincue avoir passer le plus dur.
Ce sentiment de néant, que j'avais déjà rencontré et dépassé avec mon premier
sevrage à la dure de
came, je ne pensai pas le revivre sur presque 1 mois et demi. Sûrement dû aux traumas que mon comportement addictif me permettait d'enterrer. Et les changements sur mon corps qu'a provoqué l'arrêt de la métha, rétention d'eau, prise de poids, perte de muscle, de mobilité a amplifié mon mal, moi qui, comme beaucoup, a commencé par des TCA avant de me jeter dans la drogue.
Ma petite étincelle qui m'avait aidée à survivre, à me battre, à apprendre à rebondir, cette petite étincelle que je préservais cotonneusement, bercée dans les fins fonds de mes entrailles par toutes les lumières et voies qu'elle m'attirait, n'était plus. Semée, cultivée, entretenue avant et pendant le métha, l'arrêt ne l'a pas éteint mais rendu de braises.
Cela fait bien 8 mois que je ne prends plus de traitement. J'ai repris peu à peu ma vie, mais je manque d'enthousiasme et d'initiatives. Mes passions sont devenues tocades, celles que je redécouvre n'arrivent plus à regermer. C'est d'autant plus difficile que je fréquente un homme qui n'a pas conscience de la durée que peut causer les bouleversements liés à l'arrêt. Et que c'est la première fois que je laisse une personne me voir comme je suis et peut être, vulnérable. J'aurai préféré le rencontrer bien après tout ca. Ca rajoute de ne pas accepter de plomber parfois ses jours, de varier les humeurs et multiplier les angoisses pour ensuite craindre de décevoir ou qu'il finisse par croire que je ne suis finalement pas ce qu'il imaginait.
Presque à me faire regretter d'avoir arrêté, même si je reste fière et contente de m'en être débarrassée.
A moi de prendre mon courage à deux mains pour lui expliquer que la valse du néant et du goût à ma vie va continuer encore, ne pouvant qu'attendre que les rythmes des pas s'éloignent peu à peu. Jusqu'à ce qu'enfin ait lieu leur dernier salut.
Je suis fatiguée d'enchaîner ces périodes. Même si je raisonne mieux, ai repris les rênes de ma vie, et suis en phase, et non plus décalée avec le monde qui m'entoure, il m'est difficile de digérer ces moments de faiblesses qui troublent ma résilience. J'ai tout à reconstruire : mon égo, mon assurance, ma confiance, et il me faut me redécouvrir, redécouvrir celle qui, dissimulée par mes tentatives d'évasions perpétuelles pour mieux supporter les autres, l'absurdité du système, et taire ma lassitude , ravivera mes braises.
Et il m'est inconfortable de me montrer aussi vide, déprimée, fatiguée, et en perte d'assurance avec lui, avec autrui. Mes capacités d'intégrations et d'adaptations, ma constance, dans mes relations, mes objectifs et mes impératifs sont abimées. Encore heureux que je suis bien trop obstinée pour lâcher prise.
Je n'arrive peut être pas à être claire, car je ne parle pas beaucoup de mon arrêt de
méthadone. J'ai bien failli faire un transfert, en recommençant à me shooter d'la
coke, chose que je ne faisais plus depuis 5 ans. Au bout de 5 prises, m'est venu en tête ma propre mise en abîme qui réveilla ma raison et atténua le pathos coupable. Je continue à me droguer festivement, sans soucis d'addiction. Mais lorsque, après une belle petite période où , oui , j'y crois putain, je tiens le bon bout, voilà qu'arrive des insomnies préparant un réveil castrateur de toute motivation. Touchée en plein élan, il est difficile de se relever à chaque fois. Ca te pousse à te demander si t'es pas un peu trop fragile, si tu te laisses pas aller pour te donner des raisons d'abdiquer, que tu te cherches pas des excuses et que t'as toujours peut être été comme ca, la personne que tu étais avant la chute étant devenue un mirage soufflé par l'autre dynamique et pleine de vie que la
came a dessiné durant tant de temps ... ou si t'es juste pas celle que tu aimerais être.
Besoin d'en parler pour lâcher la vermine, et avec votre aide, prendre du recul, m'aider à me rappeler que ce n'est qu'un temps à passer. Que mon erreur fut d'avoir cru dépasser la montagne alors qu'il ne s'agissait que d'une colline la dissimulant.
On en voit pas le bout, mais je répète qu'on se sent un peu plus chez soi dans sa tête malgré ces tourments. Viendront un jour les connaissances, expérimentations qui nous manquent aujourd'hui pour le dépasser avec plus d'hardiesse, qui seront comme une longue vue nous permettant de voir ce nouveau continent qui nous motive à grimper, grimper, grimper.
Je n'attends pas de solutions miracles, mais je sais qu'ici se nichent la compréhension, l'indulgence que je m'interdis à moi même, et la niac qu'on partage.
Les derniers mètres , plus que quelques pas !