Aux Etats-Unis, l’ecstasy bientôt en pharmacie ?
Par Stéphanie Le Bars
Tony Macie avait tout essayé, au point de devenir dépendant aux médicaments que lui prescrivait son médecin pour se défaire du syndrome de stress post-traumatique (PTSD) rapporté de ses missions en Irak. Jusqu’au jour où ce vétéran américain découvrit l’ecstasy. Cette drogue plus répandue dans les soirées débridées que dans les cabinets médicaux a changé sa vie. Comme celle de la centaine de patients, qui, comme lui, ont participé à un programme expérimental utilisant la
MDMA (méthylènedioxyméthamphétamine), son nom scientifique.
Couplé à des séances de psychothérapie, le traitement mis en place par la Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies, une organisation à but non lucratif qui promeut l’utilisation médicale des drogues comme le
LSD ou la
marijuana, a visiblement convaincu les autorités sanitaires américaines. La puissante Food and drug administration (FDA) vient d’autoriser l’association à lancer une nouvelle phase d’expérimentation. Destinée cette fois à plusieurs centaines de patients, elle démarrera en 2017. Ce feu vert constitue la dernière étape avant la mise sur le marché de l’ecstasy pour le traitement des PTSD et d’autres types de dépressions. Cette
amphétamine, qui agit comme un stimulant sur le système nerveux, pourrait alors rejoindre dès 2021 les rayons des pharmacies. Aux États-Unis, elle a été déclarée illégale au milieu des années 1980, alors qu’elle commençait sa percée dans les boîtes de nuit.
« Si ces résultats se confirment, ce sera une avancée. Car nos meilleures thérapies ne sont d’aucun secours pour 30 à 40 % des patients. » Charles R. Marmar, psychiatre
Selon les résultats de l’étude qui a convaincu la FDA, après douze semaines de psychothérapie et trois prises d’ecstasy sous contrôle médical, plus de deux tiers des patients ne présentaient plus aucun signe de PTSD, y compris sur le long terme. Dans les entretiens donnés aux médecins, les patients – des vétérans mais aussi d’anciens pompiers, policiers et victimes d’abus sexuels – expliquent que non seulement la drogue les a aidés à surmonter des souvenirs douloureux, mais qu’elle a contribué à soigner leur addiction à l’alcool ou à d’autres médicaments. Le traitement devrait être développé pour traiter les cas d’autisme ou la dépression liée aux maladies incurables.
« Si ces résultats se confirment, ce sera une avancée, a reconnu, dans le New York Times, Charles R. Marmar, un psychiatre spécialiste des malades souffrant de stress post-traumatique, étranger à l’expérimentation. Car nos meilleures thérapies aujourd’hui ne sont d’aucun secours pour 30 à 40 % des patients. » La santé mentale des anciens soldats rentrés d’Irak ou d’Afghanistan avec des troubles psychiques préoccupe depuis des années les pouvoirs publics américains. Au-delà des traitements classiques à
base d’antidépresseurs et de psychothérapie, le recours à la
marijuana médicale s’est développé dans la vingtaine d’États qui en autorisent l’usage thérapeutique. L’arrivée de l’ecstasy constituerait une nouvelle étape, mais elle ne fait pas l’unanimité.
Certains scientifiques mettent en garde contre les phénomènes d’addiction liée à cette drogue « feel good », dont un usage prolongé peut provoquer des dommages sur le cerveau. Que ces substances soient administrées sous contrôle médical ne prémunit en rien des effets désastreux sur les patients. Ainsi, les États-Unis font face à un grave problème de santé publique, lié à l’addiction de milliers de personnes aux antidouleurs. Une étude du Centers for desease control and prevention, parue le 8 décembre, a une nouvelle fois alerté sur le nombre de morts dues aux overdoses d’antidouleurs, en augmentation de 4 % : en 2015, 17 536 Américains y ont succombé.
Par Stéphanie Le Bars