Bonjour
Merci avant tout pour votre site, qui permet l'expression de tant de parcours de vie, et une meilleure compréhension des sensibilités, des personnes qui viennent s'exprimer ici sur leurs difficultés ou celles des gens qu'elles côtoient.
Je m'excuse par avance du récit de certains détails qui pourraient choquer. Je cherche à travers cette démarche à donner un maximum d'éléments de compréhension qui pourraient permettre à chacun d'exprimer une opinion, des conseils, basée sur une connaissance disons un minimum détaillée du parcours de cette femme que j'aime profondément, et qui souffre beaucoup.
Je me suis mis en couple avec une jeune femme de 30 ans il y a 1 an et demi. Je l'ai rencontré dans l'école où elle travaille en tant qu'animatrice sur Paris, dans le 14ème. Elle m'a très vite dit à l'époque les troubles et les traumatismes dont elle souffrait depuis un moment.
Elle s'était mise à sniffer de l'
héroïne vers l'âge de 15 ans. Elle était restée en couple avec un jeune homme pendant 4 ans sans travailler, ayant des contacts réduits avec ses parents, passant son quotidien à se défoncer, à aller en Hollande avec son copain pour se ravitailler, à aller en rave-party de temps à autre. Ce jeune homme a fini par aller en prison, se faisant pincer pour ses activités de deal.
A la suite de cela , elle a mis fin à leur relation, tout en restant en contact plus ou moins régulier. Faisant part de sa situation à ses parents, leur racontant ses problèmes de drogue. Son père l'a fait partir de Lorraine, la faisant emménager dans un appartement qu'il a acheté au dessus de chez lui en région parisienne. Elle a tenté deux formations, sans grande motivation. Elle est suivie depuis par le centre Cassini d'un hôpital, qui lui a prescris un traitement à la
méthadone. Elle a rechuté, organisant des activités de deal pour se faire sa consommation. Jusqu'à ce qu'elle subisse un viol, à l'âge de 26 ans, dans son appartement. Elle s'est faite frappée à la tête avec une grande violence. Elle a cru qu'elle allait crever. Selon elle, ce viol était une sorte d'expédition punitive, liée à ses activité de deal.
Cela l'a fait cessé ses activités. Elle est restée prostrée chez elle pendant 6 mois. Quand elle a dit à son père qu'elle s'était faite violée, son père lui aurait dit, entre autre, "qu'elle l'avait cherché". Sa mère, 5 ans après les faits, ne sait rien de ce drame.Les parents sont séparés depuis une grosse dizaine d'années, entretenant des rapports distants mais courtois. Aucun suivi psychologique particulier n'a été effectué par rapport à son viol. Pas de dépôt de plainte. Par la suite, elle a continué à sniffer occasionnellement, diminuant progressivement sa consommation de
méthadone. Elle s'est enfoncée dans la dépression, se mettant néanmoins à travailler en tant qu'animatrice. La qualité de relation avec sa psy à l'hôpital était selon elle foireuse, l'amenant à cette conclusion : "les psys çà ne sert à rien".
Elle dit aujourd'hui ne plus ressentir d'émotions, elle se sent vide. Son travail l'emmerde. Elle n'arrive plus à réfléchir correctement selon elle, elle a peur des gens, une estime d'elle-même en dessous de tout. C'est difficile d'avoir une conversation avec elle lors de laquelle on peut la sentir "investie", quelque soit le sujet, que cela concerne ses problèmes ou pas. Elle s'ennuie souvent, ressent une grande anxiété quand elle est seule. Son père est ingénieur, sa mère kiné, elle ressent une forme de honte à dire qu'elle ne "réussit pas aussi bien qu'eux".
Quand nous nous sommes mis en couple, j'étais très amoureux, plein de compassion pour cette personne que je trouvais douce et pleine d'autres qualités. J'étais plein d'attention, voulant lui montrer comme elle pouvait compter sur moi, et qu'un avenir meilleur et heureux était possible. Au bout de deux mois de relation, elle devait dépanner un pote, le voir et lui donner une adresser pour se procurer de la
coke. J'ai passé du temps avec elle à lui expliquer que je trouvais que c'était une connerie, qu'elle se mettait en danger, etc. Elle m'avait dit qu'elle ne déraperait pas.
Mais quand je l'ai retrouvé le soir, les yeux rouges, elle m'a dit qu'elle avait tapé un trait de
coke, et de l'
héroïne. Je suis parti de chez elle rapidement, avant que cela ne dégénère. J'en ai beaucoup pleuré ce soir là , la confiance en notre relation fortement ébranlée. Nous nous sommes revus le lendemain, elle m'a sortie un discours assez neutre, elle était désolé, mais elle avait envie que cela continue entre nous, et moi aussi. J'ai cru que j'avais pardonné. Mais cela a alimenté une rancune chez moi, qui m'a fait péter les plombs plus d'une fois avec elle.
Je l'ai orienté vers un thérapeute, qu'elle a vu quelques séances sans plus. Par la suite, elle continuait à recevoir des SMS de dealers lui proposant des produits, sans y répondre toutefois à ce que je sache. Cela me mettait hors de moi. Je lui ai demandé de changer de numéro de téléphone pour se protéger et protéger notre couple. Après n'avoir rien fait pendant des mois, après que je lui ai écris mon mal-être, mon sentiment de désamour, il a fallu que je demande à ce qu'on fasse une pause afin qu'elle fasse ensuite rapidement effectuer ce changement de numéro. Au bout de 6 mois de relation.
Un an après. Elle m'a plaqué il y a 1 mois, suite à de trop nombreux éclats de colère de ma part. Il m'est arrivé à deux reprises de la plaquer sur le lit en l'insultant, à l'issue de soirées trop alcoolisées pour nous deux, à bout de ne pouvoir résoudre des tensions via le dialogue. A bout depuis longtemps de la voir rester en contact avec des ex, dont certains consommant toujours des prods, de l'
héro. A bout de ne pas la sentir prendre à bras le corps ses problèmes, de la voir se reposer sur moi pour beaucoup de choses, blessé de ne pas ressentir vraiment une grande reconnaissance de sa part, une véritable empathie pour moi. Déçu,triste de ne pas la sentir aussi investie que j'aurais voulu pour tendre vers un mieux-être, et pour que ce mieux-être se ressente dans notre couple. A ma façon, je l'ai brutalisé, et je m'en veux énormément. Je l'ai dévalorisé, lui disant parfois "qu'elle se comportait comme une merde", "qu'elle était cinglée", etc. Ce genre de saloperie. Je vois actuellement une thérapeuthe, car je ne veux plus accepter ce genre de réaction chez moi, de pouvoir faire autant de mal à une personne que j'aime, quelques soient les raisons de mes frustrations.
Elle ne fume plus ses 2 pétards quotidiens. Elle a arrêté les antidépresseurs. Je l'ai orienté vers la reprise du sport, pour lequel elle est excessivement douée de façon général. Je l'ai incité à reprendre la peinture, qu'elle a arrêté depuis plus de 10 ans alors qu'elle a bien des qualités. Chose qu'elle reprend doucement, ayant du mal à se motiver. Elle est actuellement à 1 mg de
méthadone. Je m'interroge sur les effets secondaires de la consommation de
méthadone, notamment sur la sensibilité, auriez-vous des avis sur cette question ?
Pour moi, elle tend vers un mieux depuis que je la connais. Mais il n'empêche qu'elle se sent souvent très mal. Elle ne réussit pas à mettre du sens dans sa vie. Je l'ai incité à lire régulièrement entre autre afin de mieux comprendre les problèmes l'affectant, également pour solliciter son imaginaire de façon positive. Afin de retrouver une certaine foi en la vie. Cela ne l'a pas vraiment motivée. Je fais de la musique depuis longtemps, elle n'a jamais été motivée non plus pour chanter alors qu'elle a une belle voix, ou pour apprendre un instrument. Dommage, car je crois fort à l'art-thérapie, afin d'exhuter des sentiments qui ne demandent qu'à s'exprimer.
Elle m'avait demandé de ne parler de ses problèmes à personne, et j'accorde une grande importance à l'idée de loyauté, de confiance. Je lui ai fait ma promesse, et je m'y suis donc tenu, bien que des choses me pesaient énormément. Ca a été une charge émotionnelle très dure à gérer. Cela ne représente pas une excuse, et j'ai fini par me comporter avec elle comme un connard, alors que je mettais à côté de cela une énergie et un investissement constant pour lui apporter mon soutien et ma présence , qu'elle sente qu'elle n'était pas seule pour affronter le quotidien.
Nous restons en contact, et je lui ai demandé depuis si elle n'avait pas voulu garder ce numéro de téléphone à l'époque pour garder contact avec des dealers, ce qu'elle m'a confirmé. Depuis que nous ne sommes plus ensemble, elle dit être complétement perturbée, elle a repris de l'
héroïne et de la
MDMA, passe pas mal de temps dans les bars, elle dit "faire n'importe quoi". Elle ne supporte pas de se sentir seule. Je l'ai incité à parler avec son père, afin qu'il prenne la mesure de son mal-être, qu'il y ait un suivi adapté. Je comprends que la démarche est très difficile à effectuer.
Elle m'a dit avoir parlé avec son père, comme quoi elle avait envie de reprendre de la
came. Elle dit cela sans lui dire qu'elle en a consommé tout récemment encore. Sans lui faire part non plus de l'ampleur de son mal-être. Je comprends qu'il y a de la crainte, de la honte derrière cela. Mais je me demande dans quelle mesure ce manque de sincérité, ce rapport à l'autre ne l'enlise pas dans son mal-être.
Aujourd'hui, quand je la vois, je vois une personne très froide vis-à -vis de moi. Cela me parait logique à plusieurs égards. Elle dit que par rapport à son 1er dérapage alors que nous étions ensemble, j'ai été "crédule". Ce genre de propos, sans afficher clairement un quelconque remord vis à vis du mal qu'elle m'avait fait et du tort qu'elle avait fait à notre relation, me questionne énormément, plus encore qu'avant, sur sa façon de percevoir le rapport à l'autre.
Il semblerait qu'elle soit dans bien des cas dénuée d'empathie.
Récemment, quand je lui demande si elle n'éprouve pas de scrupule sur le moment quand son père lui souhaite bon week-end et lui dit de faire attention, sans savoir qu'elle a déjà racheté de la
came et qu'elle compte se défoncer tout le week-end, elle me répond :" Non. J'étais défoncée d'ailleurs à ce moment là ". En en rigolant. Il lui arrive de dire, bien qu'elle considère que la
came lui a gâché la vie jusqu'alors, "qu'elle aime trop çà ".
Cela ne semble pas la tarauder plus que çà de mentir à celui qui a tant fait pour être présent à ses côtés et qui continue de l'aider dans de nombreuses démarches. Sa mère vient régulièrement la voir pendant 2/3 jours, la materne totalement, et s'inquiète de son état moral, en cherchant à positiver de façon presque excessive à mon sens. Sa fille ne lui dit pas qu'elle consomme de l'
héroïne à l'occasion, car "cela la rendrait folle d'inquiétude". Le compagnon de sa mère n'est pas au courant, car il y aurait de son côte de mauvais préjugés par rapport aux toxicos. Il y a donc une certaine culture du secret dans l'environnement familial.
Je pense comprendre un petit peu à quel point elle est désenchantée, à quel point ce rapport à la dissimulation semble banalisé chez elle puisque cela la "protège des réactions de ses proches" et les protège également. Je pense comprendre à quel point des douleurs ont été intériorisées, sans espoir véritable de les voir ne plus la faire souffrir. L'armure qui semble l'habiter la protège en un sens, mais semble l'isoler encore plus d'une relation à son environnement et aux autres qui serait douée d'un sens suffisamment fort pour ne plus ressentir le besoin de chercher des sensations apaisantes dans la
came, l'
alcool. Elle dit elle-même être dans la fuite, mais en faire le constat ne semble pas produire un déclic suffisant pour lui transmettre une volonté farouche de changer certains schémas comportementaux. Sa grande difficulté à se concentrer et à réfléchir la limite probablement aussi dans sa capacité au changement.
Aujourd'hui, elle en a marre de la vie. Elle me disait avoir trouvé dans notre couple une certaine stabilité, et qu'elle ne savait plus du tout où elle en était. Elle n'envisage pas du tout que l'on se remette ensemble, pour elle c'est fini. Elle dit qu'elle est fatiguée d'essayer de faire en sorte que çà aille mieux, il y a un grand désespoir, une énorme lassitude. J'en ai mal pour elle. C'est dur de se sentir impuissant pour les gens qu'on aime.
Au-delà du fait que je souffre énormément de notre rupture, j'aimerais connaître votre point de vue sur la façon dont je pourrais l'accompagner au mieux, tout en respectant la distance qu'elle me demande de respecter, en tant qu'ex. Je me suis beaucoup renseigné, lui recommandant des thérapeutes avec une spécialité en victimologie proches de son lieu d'habitation.
J'aimerais savoir si certains d'entre vous ont pu redonner un sens considéré auparavant comme faible ou absent à la vie. J'aimerais savoir comment certains ont pu récupérer un élan vital perdu longtemps, nécessitant de compenser les contraintes de l'existence avec la
came. Comment retrouver une confiance en soi et en les autres quand cette confiance est détériorée à ce point ? Quand les blessures de l'existence sont aussi importantes et aussi présentes en soi ? Quand les traumatismes sont aussi lourds ?
J'aimerais savoir quel pourrait être un suivi adapté, et si autant d'années de
came ne représente pas en elle quelque part un "paradis perdu" qu'elle ne peut désormais concevoir trouver ailleurs, alimentant ainsi sa dépression. Je sais que mes actions ont leurs limites, mais j'aimerais agir au mieux, éclairés par vos points de vue.
Je vous remercie tous par avance de vos conseils, retours d'expériences de vie, et de faire part de votre sensibilité sur ce sujet. Merci aussi à tous ceux qui auront eu le courage de lire ce pavé ^^