Salut Patrice,
Je suis étudiant. Tout comme toi, je suis quelqu'un de démesurément stressé dans la vie de tous les jours. Mal être, angoisse, paranoia, anxiété, peur de tout, questionnement perpetuel de mes actes et de mes pensées hantent mon esprit nuit et jour et m'empêchent de vivre comme je l'aimerais...
J'ai aussi fait une TS quand j'étais au lycée y'a quatre ans et une avant aussi, quand j'étais au collège. Je suis dans l'impossibilité de nouer de véritables relations sociales (amis, copine...) depuis toujours. Suite à ces évènements et au passage par la case psy, j'ai eu quelques consulations psys inutiles, avec des médocs tout aussi vains et des psys/médecins/parents qui ne m'ont jamais compris et n'ont pas non plus pris mon cas au sérieux manifestement.
Alors j'ai eu sensiblement la même démarche que toi : je suis allé voir du côté des
opiacés afin d'exploiter leur mystérieux potentiel antidépressif...
Ca a marché pendant quelques mois, je ne te le cache pas. Puis au bout de quelque temps, j'ai commencé à m'offrir quelques hors d'oeuvre de type :
héroine,
opium "rachacha", ou, à de plus rares occasions,
skenan,
subutex,
méthadone... Je m'étais découvert une passion pour les
opiacés et ma motivation n'avait au cours de ma vie jamais été aussi forte. Bref, au top!
En parallèle j'ai aussi, bien évidemment, augmenté la quantité et la régularité des prises de
codéine. Je te la fais vite, mais l'addiction est devenue tellement prononcée que ma vie s'est progressivement transformée... en vie de codéinomane. Plus de sorties, connaissances délaissées, famille négligée, travail baclé...
Ma vie tournait et tourne encore exclusivement autour de la
codéine et de l'
héroine.
C'est vrai, ça peut sembler extrèmement cliché dit comme ça. Pourtant c'est vértiablement ce qui peut arriver. Le prod est au début un excellent animal de compagnie, le meilleur ami du dépressif - ou de l'anxieux, anxio-dépressif... - j'ai envie de dire. Mais ce vicelard ne rêve en réalité que d'une seule et unique chose : prendre la place du maître et en faire son esclave. Et il y parviendra, ça tu peux en être certain.
Le
codéine te tient donc mentalement en laisse, tel un clébard. Et le pire dans tout ça, c'est que tu ne t'en rends pas véritablement compte - du moins au début. Cette transition, je dirais, où tes actes et pensées qui jusqu'alors répondaient à une certaine motivation, à une certaine envie, à une certaine opinion, à une certaine réflexion, à une certaine culpabilité ou que sais-je encore se transforment en esclaves purs et durs du produit, est extrèmement difficile à cerner. C'est l'aliénation
opioide dans toute sa viciosité.
Pour prendre un exemple concret, parlons de l'anxiété puisque c'est ce qui nous intérèsse. Mes angoisses sont aujourd'hui totalement... différentes et sans précédent. J'ai, en quelque sorte, intériorisé ces angoisses. C'est à dire que je ne sais même plus pour quelle raison j'angoisse ; je ne sais même plus pourquoi je refuse d'aller voir des gens, de faire telle ou telle chose, d'aller dans tel ou tel lieu... Tout, n'importe qui, n'importe quoi m'angoisse. Les crises d'angoisse surviennent maintenant pour des raisons incroyablement floues. Comment j'en suis arrivé là ? J'en ai aucune idée!
Voilà ce qui peut advenir. La logique disparait. Tout ce qui est dans l'esprit perd son sens. Eh oui, même les angoisses ; c'est pour dire... Elles vont et viennent au gré des circonstances sans trop que l'on sache pourquoi ni comment. Mais attention ; si nous, nous ne savons rien, notre cerveau, lui de son côté, il sait! Et à n'en pas douter, messieurs les
opioides ne sont pas tout blancs dans cette affaire.
Je ne sais pas grand-chose. En tout cas, ce que je sais c'est qu'il m'est absolument impossible de ne pas reconsommer maximum seize heures après la dernière prise sous peine de ressentir le manque physique qui maintenant supplante en tout point le manque psychique et ses angoisses associées sur l'échelle de la souffrance.
Il faut aussi savoir qu'au bout de quelques mois, si tu consommes tous les jours, ton corps sera largement habitué à cet effet de détente, et il ne suffira plus à éliminer (toutes) tes angoisses. Tu risques de te mettre à angoisser même sous
codéine. En partie à cause de la tolérance qui augmente - mais pas seulement -l'antidépresseur-maison s'épuise au fil du temps. Et malheureusement, on ne peut pas augmenter les doses indéfiniment - biodisponibilité toussa toussa. Une fois le pallier atteint, tu voudras passer à mieux et/ou tu voudras potentialiser le prod. Ensuite il arrive qu'on en vienne à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour retrouver cet effet antidépresseur d'antan que l'on chérissait tant, quitte à se foutre la vie en l'air s'il le faut.
Environ quatre ans après ma première prise, je suis toujours dans cette quête de l'effet antidépresseur, une quête que je qualifierais d'éternelle. J'en suis donc à un point où la ligne de mon existence m'est entièrement dictée par les substances que je consomme.
Par conséquent je te déconseille de te réfugier dans la
codéine trop longtemps ; ça peut faire très mal aux personnes fragiles comme nous pouvons l'être. C'est comme si l'amour de ta vie te mettait, sans explication, la plus colossale claque du monde dans la tronche, sauf que ça ne dure pas que quelques infimes secondes. Mieux vaudrait discuter, méditer - comme il a été judicieusement suggéré plus haut par Prescripteur -, apprendre à vivre tant qu'il en est encore temps.
En espérant que tu t'en sortes,
Ygrek.
Dernière modification par Ygrek (27 janvier 2017 à 23:43)