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« On parle d'une plante qui a un siècle de retard en termes de techniques de sélection et de développement scientifique, explique Ernest Small, botaniste au ministère canadien de l’Agriculture (Agriculture et Agroalimentaire Canada) à Ottawa, qui a étudié le cannabis à plusieurs reprises depuis 1971.
Presque tous les plants sont des femelles non pollinisées, appelées « sinsemilla » (signifiant « sans graine »), qui produisent les bourgeons floraux riches en THC et autres cannabinoïdes. Les mâles, avec leurs sacs remplis de pollen, sont non seulement superflus – les plantes femelles sont toutes reproduites par bouturage – mais aussi éliminés pour ne pas risquer de brasser les génomes de façon incontrôlée.
Pourtant, TerrAscend dispose d'un petit espace à l'arrière du bâtiment réservé aux mâles. En juin dernier, l'entreprise a lancé un volet de recherche et développement en collaboration avec des scientifiques de deux universités ontariennes, qui utiliseront ces plantes séquestrées pour des expériences courantes en agronomie, mais qui ont rarement été faites avec le cannabis. Les scientifiques accoupleront les plantes, les inciteront à produire des graines et exposeront ensuite celles-ci à des composés chimiques mutagènes dans l'espoir de faire apparaître de nouvelles caractéristiques souhaitables – résistance aux insectes ravageurs ou tolérance accrue aux stress environnementaux comme la sécheresse, par exemple.
Les scientifiques qui participent au projet de TerrAscend, notamment les phytogénéticiens Peter McCourt et Shelley Lumba, de l'Université de Toronto, prévoient faire muter six variétés de cannabis dans le but d'obtenir des versions améliorées de certaines des variétés produites par l’entreprise. « Notre objectif principal, dit Lumba, est de faire du cannabis une véritable culture horticole ».
Une autre pratique vieille de plusieurs décennies pour améliorer les plantes cultivées consiste à doubler ou tripler intentionnellement leurs génomes, ce qui tend à donner des cellules plus grosses, des caractéristiques structurelles plus développées et un meilleur rendement en composés utiles. Les espèces de blé domestiquées, par exemple, possèdent 4 à 6 copies de leur génome ; la canne à sucre peut en avoir jusqu'à 16. Et bien que l'ADN de la plupart des plantes cultivées modernes se soit simplement multiplié au cours des milliers d'années de sélection, il existe des moyens d'accélérer le processus. Toutes les variétés de cannabis caractérisées jusqu'à présent ne possèdent que deux copies du génome. Toutes, à l'exception d'une poignée de variétés qui poussent à Canopy Growth Corporation, à Smiths Falls.
Dans cette entreprise, Shelley Hepworth, spécialiste de génétique moléculaire des plantes à l'Université Carleton, à Ottawa, et son ancienne étudiante ont utilisé un herbicide perturbateur du cycle cellulaire pour déclencher le doublement du nombre de chromosomes chez cinq variétés de cannabis. À première vue, dit Shelley Hepworth, « les plantes sont nettement plus grosses ». Mais les scientifiques doivent encore terminer leurs analyses pour déterminer si les lignées de cannabis « tétraploïdes » présentent des niveaux élevés de THC, CBD ou autres cannabinoïdes.
Une technique plus moderne de sélection – qui remonte aux années 1980 – est connue sous le nom de sélection assistée par marqueurs. Il s'agit de trouver des signatures génétiques associées à un caractère désirable – une teneur élevée en huile essentielle, par exemple, ou une floraison dans n'importe quelle condition d’éclairage. Les scientifiques peuvent alors utiliser les analyses ADN pour repérer rapidement les jeunes plants qui devraient avoir des propriétés optimales au lieu de devoir attendre des mois que les plantes arrivent à maturité.
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Dernière modification par Mister No (06 novembre 2018 à 11:41)
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