Les spores comme le
mycelium sont sensibles aux contas.
Rajouter des spores sur un
mycelium "stable" est faire prendre le risque d'une nouvelle conta du substrat.
Les contaminants des spores sont probablement présents en bonne quantité sans affecter le
mycelium, sans qu'ils puissent créer un déséquilibre en nombre et prendre le dessus.
Avec l'arrivée des sopres, ils peuvent désormais se goinfrer et envahir la box.
Ensuite, la nouvelle mise en réseau, en l'absence de conta peut différer l'arrivée des prochains
flushs.
Plus le temps passe, plus les risques de conta sont élevés.
Ce sont mes théories fumeuses du jour, je n'ai aucune source pour étayer ce qui sort brut de décoffrage de mon imagination.
Blague à part, des contaminants sont toujours présents, les mesures d'hygiène contribuent à diminuer drastiquement leur nombre en espérant qu'ils n'aient pas l'occasion de coloniser. Ils sont toujours là, tapis dans l'ombre, prêts à se multiplier de manière exponentielle pour prendre le pouwar.
En même temps, si mon expérience personnelle me montre que cela ne fonctionne pas comme cela, que pourrais-je bien faire d'une étude scientifique ou des expériences d'autrui ? Donner ma croyance à l'extérieur plutôt que faire confiance à mon expérience ?
Plus tu multiplies les expériences dans des conditions identiques ou des contre expériences dans des contidions différentes, plus tu auras de chance de comprendre et de dépasser ta seule expérience.
T'en remette à ta propre et unique expérience au contraire incite à aller dans le sens de "croyances".
La démarche scientifique programme justement ce qui échappe à la vision d'un seul homme, d'une seule mesure, d'une seule hypothèse, d'une seule expérience et exige des procédés de validation y compris devant l'évidence.
Après, tu peux utiliser la science comme un dogme politique, mais c'est un autre débat de ce qu'il est possible de faire par exemple avec un marteau.
Le danger également en sortant de la démarche scientifique est de créer des dérives comme l'Histoire l'a démontré avec le lyssenkisme.
https://www.contretemps.eu/affaire-lyss … e-pouvoir/
Spoiler
LES FAITS : LE LYSSENKISME EN ACTION
La génétique, science « réactionnaire » ?
L’affaire Lyssenko commence réellement en France avec la parution le 26 août 1948, dans le journal communiste Les Lettres françaises, d’un reportage du correspondant permanent à Moscou, Jean Champenois, qui se fait l’écho de la session d’août de l’Académie Lénine des sciences agronomiques. Son titre : « Un grand événement scientifique : l’hérédité n’est pas commandée par de mystérieux facteurs »… Quel est donc ce grand événement scientifique ? Une découverte soviétique majeure et récente aurait-elle réduit la part de mystère des mécanismes de l’hérédité ?
En fait, il n’en est rien, et le seul fait avéré est alors le suivant : la session qui a débuté le 31 juillet 1948 a vu la prise de pouvoir au sein de cet organisme par l’agronome Trofim Denissovitch Lyssenko, qui proclame la déchéance de la génétique et l’avènement de ses propres conceptions en matière d’hérédité. Son rapport, approuvé au préalable par le Comité Central du PCUS – ce qui tue dans l’œuf tout débat et oblige de fait les généticiens à se soumettre ou se démettre – vise à « bannir le hasard de la biologie » et se situe lui-même dans la perspective suivante : « Dans la période post-darwinienne, la plus grande partie des biologistes du monde, au lieu de continuer à développer la doctrine de Darwin, firent tout pour avilir le darwinisme, pour en étouffer la base scientifique. L’incarnation la plus éclatante de cette dégradation est donnée par Weismann, Mendel, Morgan, fondateurs de la génétique réactionnaire contemporaine »9. Et Jean Champenois de résumer ainsi les enjeux politiques de cette discussion sur la génétique : « En gros, en très gros, [les débats de Moscou] ont vu la défaite des idées qui, en matière d’hérédité, de transmission des caractères acquis, d’évolution, de transformation des espèces et de direction de ces transformations par l’homme, constituent, avant et après Hitler, le fondement de tout racisme »10.
La génétique, qui est ici qualifiée de « réactionnaire », est alors une science jeune11 mais en plein essor, qui en quelques dizaines d’années a progressivement mis à jour les mécanismes de l’hérédité, en s’appuyant sur l’idée de transmission des caractères par le biais des gènes, qui en seraient le support matériel exclusif. Et ceux qui sont accusés ici de dégrader le darwinisme sont les principaux savants ayant contribué à la percée de la génétique et à sa fusion postérieure avec le darwinisme dans le cadre de la « théorie synthétique de l’évolution » :
le moine autrichien Johann Gregor Mendel est considéré comme le père de la génétique pour avoir publié en 1865 ses travaux, passés inaperçus à l’époque, sur les lois de l’origine et de la formation des hybrides, à partir de ses expériences avec des variétés de pois. Il constate en étudiant les descendances d’hybrides l’existence de lois statistiques régissant la distribution des caractères concernés par le croisement.
August Weismann est un biologiste et médecin allemand de la fin du XIXe siècle, qui a réfuté l’hypothèse très répandue à l’époque de la transmission héréditaire des caractères acquis, par exemple en coupant la queue à des générations de souris… et en constatant que les souris continuaient à naître avec une queue longue ! Il a également émis l’hypothèse d’un « plasma germinatif » qui contiendrait l’information héréditaire.
Quant au généticien états-unien Thomas Hunt Morgan, il a pour sa part reçu le prix Nobel de médecine en 1933 pour avoir montré que les chromosomes étaient les supports physiques de l’information héréditaire. Ses expériences sur les fameuses mouches « drosophiles » du vinaigre ont confirmé la réalité de l’application des lois de Mendel chez les animaux, en étudiant les descendances de mouches aux yeux blancs ou rouges croisées entre elles.
Dans les années quarante, à la veille de l’ « affaire », la génétique a croisé le chemin de la biochimie et participe ainsi à la naissance d’une nouvelle discipline, la biologie moléculaire, qui cherche alors notamment « à déterminer la nature chimique du support moléculaire de l’hérédité au sein des chromosomes »12.
Ce sont toutes ces avancées que le lyssenkisme s’efforce de balayer. Et, dans le contexte du début de la guerre froide, alors que Jdanov a lancé la bataille idéologique sur le terrain culturel, le lyssenkisme est alors présenté par ses partisans comme l’exemple réalisé d’une « science prolétarienne » unifiant la théorie et la pratique, et permettant par là-même de dépasser les horizons d’une « science bourgeoise » qui serait elle l’expression forcément limitative de l’idéologie d’une classe sociale aux abois… Au-delà de ces querelles purement idéologiques, Lyssenko annonce que sa compréhension nouvelle des mécanismes de l’hérédité va permettre de véritables révolutions agronomiques susceptibles de faire fortement progresser les rendements de l’agriculture soviétique collectivisée.
Car c’est bien dans le domaine de l’agronomie et non celui de la génétique que le lyssenkisme a commencé sa singulière aventure…
L‘ascension de Lyssenko
Lyssenko l’agronome se fait connaître en 1926-1927 par des expériences sur des cultures hivernales de plantes comme le pois. Il acquiert une certaine réputation avec sa technique de la « vernalisation » : il « découvre »13 que les variétés hivernales semées au printemps plutôt qu’en automne peuvent produire à condition d’avoir été préalablement exposées au froid. La vernalisation consistait alors à humidifier sous abri, pendant plusieurs jours, les semences de blé ou d’autres céréales, en les remuant sans cesse et en les maintenant dans des conditions déterminées. Les graines étaient semées alors qu’elles avaient déjà commencé à gonfler. Les fortes pertes de grains en Ukraine lors de l’hiver 1927-1928 provoquent un intérêt croissant pour la vernalisation, et Lyssenko reçoit le soutien du commissaire à l’agriculture Yakovlev, mais sa communication au congrès d’agronomie de 1929 ne convainc pas les scientifiques réunis à cette occasion.14
Lyssenko se présente alors comme le continuateur des expérimentations du botaniste Ivan Vladimirovitch Mitchourine, qui a développé une pratique de croisements de variétés fondés notamment sur des greffes, et prétend avoir ainsi créé par « hybridation végétative » des centaines de nouvelles variétés. Mitchourine est parvenu dans les années 1920 à obtenir un certain soutien de la part du gouvernement soviétique, qui était initialement très sceptique, mais il est resté jusqu’à sa mort en 1935 largement déconnecté de la communauté scientifique soviétique, ce qui ne l’a pas empêché de devenir une sorte de héros populaire de la botanique. A la fin de sa vie, Mitchourine est une figure quasi-légendaire en URSS, que le régime stalinien présente comme le prototype du nouveau scientifique intéressé par la pratique plus que la théorie, et que Lyssenko récupère à son profit en dénommant sa propre pratique « mitchourinisme » ou « agrobiologie mitchourinienne ».
Lyssenko et Mitchourine ne sont alors que des pratiquants d’une agronomie plus ou moins fantaisiste prospérant en marge de l’agronomie scientifique privilégiée par le régime soviétique. Celle-ci peut être incarnée par la figure du généticien et botaniste Nikolai Ivanovitch Vavilov, qui était devenu entre 1929 et 1931 président de l’Académie Lénine des Sciences agronomiques ainsi que de l’Institut de Recherche Scientifique de l’URSS pour la culture des plantes. Il était par ailleurs membre du Comité Central du PCUS. Vavilov avait entamé un programme unique au monde de collecte systématique et d’importation de variétés de plantes venues d’autres parties de la planète, et il avait initié l’étude systématique de ces variétés dans le but d’améliorer les espèces.
Les attaques de Lyssenko contre Vavilov commencent ponctuellement à partir de 1931. Lyssenko estime que les progrès des rendements éventuellement permis par les méthodes d’amélioration variétale de l’école de Vavilov sont beaucoup trop lents à venir, et il affirme aux autorités soviétiques que l’application de ses propres méthodes à grande échelle permettrait d’atteindre les objectifs fixés pour le court terme, et ce d’une manière plus adaptée à la nouvelle agriculture socialisée. Les lyssenkistes remettent alors en cause les principes mêmes de la recherche scientifique incarnée par Vavilov, qu’ils estiment coupée de la pratique quotidienne des paysans. Ils expliquent qu’il est absurde d’expérimenter dans des stations agronomiques spécifiques avant de généraliser l’usage des variétés obtenues, et que chaque paysan doit lui-même devenir un expérimentateur, la pratique primant sur les canons de la recherche15. Ainsi, progressivement au cours des années 1930, Lyssenko et ses disciples s’immiscent dans des questions d’ordre scientifique et en viennent à attaquer de front la génétique, dont les fondamentaux infirment leur propre approche de l’amélioration variétale, et notamment de l’hérédité de caractères acquis par les plantes au moyen de greffes.
En 1936 et 1939, deux conférences de débat sur l’agronomie et la génétique sont convoquées et mettent aux prises les deux écoles. La majorité des scientifiques se taisent ou essaient d’apaiser Lyssenko par peur des représailles à l’encontre des « spécialistes bourgeois », et personne ne l’attaque vraiment, si ce n’est très marginalement, sur les résultats concrets qu’il proclame. La discussion engagée sur le terrain de la primauté du critère de la pratique en reste ainsi au pur niveau de la théorie, sans référence précise à des données expérimentales16. Le compromis réalisé est en réalité à dominante lyssenkiste, et la répression commence dès 1936 contre certains généticiens, dans un contexte de terreur généralisée à l’encontre de tous ceux qui sont accusés d’être des ennemis de l’intérieur. Le VIIe congrès International de génétique, qui aurait dû avoir lieu à Moscou en 1937, ne peut s’y tenir et se déroule finalement en 1939 en Ecosse. Le généticien étatsunien Hermann J. Muller, futur prix Nobel et sympathisant communiste installé au pays des Soviets, quitte l’URSS en 1937, alors que Lyssenko poursuit son ascension dans les institutions soviétiques. Vavilov est arrêté et emprisonné en 1940, et meurt dans son cachot en 1943.
Après son triomphe de 1948, Lyssenko est à la tête de l’agronomie et de la biologie soviétique, qu’il gère de manière dictatoriale en l’expurgeant de ses adversaires. Il est ponctuellement remis en cause dans les années 1950 après la mort de Staline, et il est définitivement limogé en 1965 après la chute de son dernier protecteur, Nikita Khrouchtchev. La génétique classique a alors triomphé et l’URSS est réintégrée dans ce secteur de la recherche scientifique à l’échelle internationale.
L’écho international de l’affaire
Il semble que la révélation internationale à l’automne 1948 de la prise de contrôle de la biologie soviétique par Lyssenko ait été une sorte de coup de tonnerre dans un ciel serein. En effet, la situation extrêmement précaire de la génétique en URSS après 1939 était mal connue dans le reste du monde, comme le montre la perception du cas Vavilov. Les biologistes ayant des sympathies communistes, comme par exemple l’anglais J.B.S. Haldane, tendent alors à considérer les rares informations ayant filtré pendant la guerre à propos de la mort de Vavilov comme étant de la propagande antisoviétique, et ils continuent à croire à la liberté de discussion scientifique en URSS17. Le biologiste français Pierre Paul Grassé, catholique convaincu que l’on ne peut suspecter de philosoviétisme, raconte comment, lors d’un voyage en URSS en juin 1945, les participants cherchent à rencontrer Vavilov et s’étonnent des réponses évasives et embarrassées de leurs interlocuteurs, jusqu’à ce qu’ils finissent par découvrir la vérité18.
La France est probablement le pays où l’écho de l’affaire a été le plus profond dans le débat intellectuel, en partie du fait du poids du Parti Communiste dans l’immédiat après-guerre. La polémique enfle immédiatement après la parution de l’article des Lettres Françaises. Elle est relancée en octobre 1948 lorsque le poète stalinien Louis Aragon s’improvise spécialiste en biologie en consacrant un numéro de sa revue Europe à la promotion des thèses lyssenkistes19. L’historien des sciences Stéphane Tirard, auquel les analyses qui suivent sont empruntées, a dressé la liste des différentes contributions parues à ce sujet entre septembre et décembre 1948, et constate que le débat a agité avant tout la presse de gauche (Combat, Action, Les Lettres française…). Il examine ensuite en détail les réactions d’un certain nombre de biologistes, les prises de position de trois d’entre eux étant très significatives20 :
Jean Rostand21 fait d’abord part de ses doutes sur la réalité des annonces faites par Lyssenko et prévient : « Ne tombons pas dans le ridicule de politiser les chromosomes ». Il tente de maintenir la discussion sur le strict plan scientifique, et met en quelque sorte les lyssenkistes au défi de produire les preuves de ce qu’ils avancent, laissant entendre qu’il pourrait alors être convaincu. Il esquisse néanmoins un parallèle avec un lamarckisme alors en déclin, suggérant ainsi que le lyssenkisme allait probablement connaître le même sort22.
Jacques Monod, qui est alors chercheur à l’Institut Pasteur et proche du Parti Communiste, réagit lui de manière plus radicale. Il ne fait aucun doute pour lui que les arguments de Lyssenko sont mensongers, et s’interroge plutôt pour savoir comment celui-ci a pu l’emporter en URSS. Il place le débat sur le terrain de la liberté d’expression en URSS et affirme ainsi sa rupture avec le PCF : « En définitive ce qui ressort le plus clairement de cette grotesque et lamentable affaire, c’est la mortelle déchéance dans laquelle est tombée en URSS la pensée socialiste »23.
Marcel Prenant est lui dans une position extrêmement délicate. Personnalité prestigieuse – ancien dirigeant des FTP et député à la Libération -, il est en effet membre du Comité Central du Parti Communiste, parti dont il est le biologiste le plus connu. Le titre que la rédaction de Combat24 donne à sa contribution traduit l’embarras qui est le sien : « Selon le Pr Marcel Prenant Lyssenko respecte les bases de la génétique classique mais estime avoir obtenu la fixation héréditaire de caractères acquis ». Dans un entretien accordé à l’historienne Jeanine Verdès-Leroux bien des années plus tard, Marcel Prenant revient sur l’impossible tentative de synthèse entre génétique et lyssenkisme à laquelle il s’essayait alors : J’ai écrit des bêtises, je le sais très bien, j’essayais de trouver une troisième voie. Je me disais, c’est pas possible que des gens qui ont la qualité d’esprit, de réflexion et de matérialisme qu’ont les soviétiques… car même du point de vue matérialiste et dialectique, l’histoire de Lyssenko est une folie (…). Il n’y avait aucune découverte, il n’y avait rien, rien. Pendant quelques temps, j’ai cherché une voie… Je me disais où est la faille ? J’ai essayé de faire avaler ça de toutes les façons. »25.
L’URSS jouit alors d’un grand prestige. Nous sommes 5 ans après la bataille de Stalingrad, et, dans les rangs communistes, il semble impossible d’imaginer qu’il s’agit là d’une fraude. Jeanine Verdès-Leroux cite des commentaires éloquents d’intellectuels alors membres du Parti Communiste : « Moi, j’ai personnellement cru à Lyssenko, pour des raisons politiques, fidélité à l’URSS, impossible de croire qu’elle soutenait un charlatan » ; « le fait que Lyssenko soit un savant soviétique le rendait pour nous crédibles a priori » ; « trop confiant en l’Union Soviétique pour douter des savants qu’elle célébrait », etc.26 . Marcel Prenant, de plus en plus conscient de l’ampleur de la fraude, notamment après sa rencontre avec Lyssenko en novembre 1949, refuse de prendre la tête de la croisade lyssenkiste que veut mener en France le PCF, et il s’abstient de calmer les esprits parmi les biologistes membres du parti. Il est donc exclu du Comité Central en 1950, après une intervention dénonciatrice effectuée par Annie Kriegel.
Si l’adhésion au lyssenkisme reste ainsi marginale parmi les biologistes, fussent-ils par ailleurs communistes, celui-ci n’est souvent pas immédiatement dénoncé de front, comme d’autres fraudes scientifiques ont pu l’être27 du fait de leur incompatibilité avec des théories existantes et déjà solidement éprouvées, comme cela commençait à être le cas pour la génétique. Il vaut la peine ici de se pencher un instant sur l’attitude adoptée à l’époque par les organisations rationalistes qui se fixaient pour tâcher de défendre et de promouvoir l’esprit et la culture scientifiques. Or, si l’on se penche sur les prises de position publiques28, on constate que c’est surtout un silence gêné qui prévaut. L’Union Rationaliste, par exemple, n’évoque jamais l’affaire dans sa publication principale, Les cahiers rationalistes. Et il faut même attendre le numéro 183 de décembre 1959 pour que soit évoquée la question de la génétique, avec un article intitulé « Problèmes de l’hérédité », qui est consacré en fait aux aptitudes intellectuelles et pas du tout aux questions posées par le lyssenkisme. Cette stratégie d’évitement s’explique aisément par la proximité de l’association d’avec le Parti Communiste. Son président est alors Frédéric Joliot-Curie (qui succède en 1950 à Paul Langevin, qui vient de décéder), et des personnalités comme Marcel Prenant ou son collègue et camarade Georges Teissier font partie du comité d’animation. Même si l’on s‘éloigne de la galaxie communiste et que l’on va regarder du côté de la collection de La Raison Militante, organe de la « Fédération Nationale des Libres Penseurs de France et de l’Union Française », pour la période 1947-1960, on trouve très peu de choses. La première mention de l’affaire Lyssenko se produit seulement dans le numéro 17 bis de février 1949, à travers un bref compte rendu du numéro spécial de la revue Europe, qui est qualifié d’ « extrêmement intéressant » (rappelons qu’il s’agit du volume dans lequel Aragon organise la promotion intransigeante du lyssenkisme.). Le numéro suivant annonce prudemment une « chronique scientifique » à venir consacrée à ce qui est appelé « la nouvelle génétique soviétique de Mitchourine et Lyssenko ». Cette chronique paraît dans le numéro 19 d’avril 1949, sous le titre « Le coup de tonnerre de Lyssenko ». Là aussi, le ton est très prudent, bien loin des prises de position tranchées de Rostand ou Monod : « Il est trop tôt pour se prononcer en faveur de Mendel ou de Lyssenko. Il convient d’attendre les vérifications pour savoir si l’expérience du savant soviétique a été correctement conduite. Quelles que soient nos convictions philosophiques, nous n’avons pas le droit en la matière de prendre parti contre Mendel parce qu’il était moine ni contre Lyssenko parce qu’il est communiste. Devant un si grave problème scientifique, l’homme doit imposer silence à ses passions. ». L’article, qui est pour moitié consacré à rappeler l’abandon des théories de Lamarck, se termine par une évocation de l’invalidation des expériences d’hybridation de végétaux par la greffe menées par le français Daniel à la fin du XIXe siècle, expériences qui semblaient déjà à l’époque confirmer l’héritabilité des caractères acquis. On peut y voir une prise de distance d’avec le lyssenkisme, mais cet article reste isolé, et le problème n’est plus soulevé de toute la décennie suivante, même lorsque le PCF promeut activement la théorie des « deux sciences ». Là aussi, la raison de ce silence est d’ordre politique, les Libres Penseurs prônant alors l’unité de la famille républicaine face au danger incarné par l’Eglise et le MRP, et refusant donc de s’associer à tout ce qu’ils considèrent comme des campagnes anticommunistes29.
Le prestige du lyssenkisme est toutefois de courte durée. En 1950, Staline lui-même condamne la distinction science bourgeoise/science prolétarienne » (dans un opuscule sur la linguistique), ce qui coupe court à la campagne du PCF sur le sujet. La première synthèse d’ampleur dénonçant la fraude lyssenkiste semble être en 1958 le chapitre consacré au sujet par Jean Rostand dans son Science fausse et fausse science, qui débouche sur une conclusion sans appel : « De tout cela, qui fut l’occasion d’une telle débauche doctrinale, que reste-t-il présentement ? Exactement rien. Le mitchourinisme et le lyssenkisme se sont piteusement effondrés, et leurs deux héros, Lyssenko et Olga Lepechinskaïa30, sont reniés tels de vulgaires dictateurs »31. L’affaire commence à être bien mieux connue au début des années 1970, avec les parutions des ouvrages du biologiste soviétique Jaurès Medvedev32 et du socio-historien étatsunien David Joravsky33. L’ouvrage de Joravsky, de grande qualité, n’a malheureusement jamais été traduit en français34, mais, dans l’Hexagone, la traduction de celui de Medvedev en 1971 a été complétée par la sortie en 1976 de celui du philosophe des sciences Dominique Lecourt35. L’affaire est alors bien connue, et le lyssenkisme défunt un objet d’histoire soumis à l’interprétation rétrospective.
L’ANALYSE : LE LYSSENKISME INTERPRETE
Les faits qui viennent d’être rappelés sont établis et font consensus36, reste à discuter le sens de tout cela : qu’est ce que le lyssenkisme ? Comment comprendre cette étrange aventure ?
Plusieurs interprétations, pas forcement contradictoires entre elles, ont pu être proposées par différents auteurs, et viennent éclairer le problème. Nous les examinerons en distinguant quatre niveaux d’analyse :
Lyssenkisme et lamarckisme
La première démarche consiste à replacer le lyssenkisme dans le cadre de l’histoire des idées en biologie, autour notamment de la question de la fameuse « hérédité des caractères acquis ». En effet, si le lyssenkisme n’est pas au départ un discours sur la biologie, il en est devenu un. Cette idée selon laquelle un caractère développé par un organisme au cours de son existence pourrait se transmettre par hérédité à la génération suivante, idée souvent résumée par l’image de la girafe qui aurait un long coup parce que les générations précédentes de girafes l’ont chacune allongé pour atteindre les hautes branches, était encore présente chez Darwin, mais elle a été rejetée par ses successeurs néo-darwiniens (notamment Weismann). Elle est par contre devenue une marque de fabrique des néo-lamarckiens, qui se revendiquaient de l’héritage de Lamarck37. Cette approche du lyssenkisme est fondamentale dans la démarche d’une première école d’interprétation, qui est celle de Denis Buican38 et de son élève et continuateur Cédric Grimoult39. Dans leurs écrits, ils mettent en avant des textes d’Engels relevant plus de la logique lamarckienne que darwinienne40, et y voient une source intellectuelle du lyssenkisme, dont l’ascension aurait été favorisée en Union Soviétique par le fait que, sous des dehors d’adhésion proclamée au darwinisme, le marxisme serait en fait un lamarckisme. Du coup, le succès particulier du lyssenkisme en France serait largement dû à la persistance anachronique des thèses néolamarckiennes au-delà même de l’après-guerre, persistance « patriotique » qui a ralenti dans l’Hexagone l’implantation de la néodarwinienne « théorie synthétique de l’évolution », ainsi que de la génétique41. Cédric Grimoult assimile ainsi toute tentative des néolamarckiens français pour prouver l’hérédité des caractères acquis à du lyssenkisme (même si ceux-ci ne se revendiquent nullement de Lyssenko, et même si cette question de l’hérédité de l’acquis n’est qu’un aspect – non originel, voire tardif – du lyssenkisme). Selon lui, « L’impact du lyssenkisme en France a donc été favorisé par l’adhésion a priori de nombreux biologistes français en faveur du paradigme néolamarckiste. Les liens puissants qui unissent pendant l’après-guerre certains néodarwinistes (dont Teissier) avec le parti communiste expliquent aussi l’extrême division de la communauté scientifique à l’égard de l’affaire Lyssenko. »42.
Cette mise en relation causale du néolamarcksime et du lyssenkisme, également avancée par les Kotek dans leur ouvrage43, repose sur des fondements certains. Par exemple, Pierre Paul Grassé raconte un voyage en URSS en 1955 au cours duquel il a rencontré Lyssenko. L’organisateur de l’entretien avait placé celui-ci sous le signe de amitié franco-soviétique « et en souvenir de Lamarck, dont Lyssenko faisait le plus grand cas ». Lyssenko affirme alors : « Cuvier et Darwin sont bien nés en leur temps. Lamarck, lui, est né trop tôt. On ne l’a pas compris, et son temps n’est même pas encore arrivé. »44. L’historien Régis Ladous rappelle qu’au temps de sa jeunesse, un théoricien – alors très marginal – du socialisme, surnommé « Koba » et qui allait se faire appeler « Staline », rédigeait en 1906 une brochure intitulée Anarchisme et socialisme, dans laquelle il n’hésitait pas à parler de « la théorie néo-lamarckienne, devant laquelle s’efface le néo-darwinisme »45. Ou encore que dans les années 1920, Lounatcharsky46 invita le naturaliste autrichien Paul Kammerer à faire des tournées en URSS pour y présenter ses travaux qui tentaient d’établir le caractère modelant du milieu et l’hérédité des caractères acquis47. Certes…. Mais le même Ladous explique aussi, en réponse à Denis Buican qui qualifie le lyssenkisme de « néo-lamarckisme dogmatique », que cela ne repose que sur une analogie verbale autour de l’expression « hérédité des caractères acquis », qui a chez Lyssenko un sens différent de celui de Lamarck ou des néo-lamarckiens : « Le néo-lamarckisme met lui aussi l’accent sur l’hérédité de l’acquis ; mais l’acquis ne devient héréditaire que s’il répond, pendant de nombreuses générations, aux défis intenses et persistants de l’environnement ; il se transmet alors à la génération suivante quel que soit le milieu où celle-ci se développe. Chez Lyssenko, au contraire, l’action modelante du milieu est étonnamment rapide, si bien qu’un caractère nouveau ne se transmet aux descendants que s’ils demeurent dans l’environnement qui a provoqué l’apparition de ce caractère. »48 . Plus fondamentalement, David Joravsky insiste à juste titre sur le fait que le lamarckisme ne peut pas être considéré comme la matrice intellectuelle du lyssenkisme, parce que celui-ci ne relève en rien d’une théorie scientifique achevée, fut-elle dépassée :
« Le fait est que la "génétique" de Lyssenko est née complètement en dehors des processus intellectuels à l’œuvre dans la communauté des biologistes. Ses idées à propos de l’hérédité ne dérivaient pas du lamarckisme ou de quelque tendance scientifique que ce soit, qu’elle soit spéculative ou expérimentale, moribonde ou en développement. Entre 1933 et 1935, il a créé ses propres concepts en génétique, par une succession d’à-coups intuitifs, en ne poursuivant que le seul but pratique de produire et d’améliorer des variétés de blé en deux ou trois ans, et de repousser les objections formulées par les critiques savants. Toute ressemblance avec une pensée authentiquement scientifique était purement accidentelle. Il faut insister et rendre justice aux lamarckistes du fait que nombre d’entre eux étaient des biologistes compétents. Ils n’avaient rien à voir avec la naissance du lyssenkisme, et la plupart d’entre eux ont gardé leurs distances avec lui lorsqu’il s’est imposé en force dominante, ne serait-ce que parce qu’ils étaient en train d’abandonner le lamarckisme, parce que les généticiens leur montraient qu’ils résolvaient les problèmes auxquels il était confronté. ».49
Il serait intéressant d’étudier en détail les réactions des biologistes au lyssenkisme en fonction de leur degré d’adhésion au néodarwinisme ou au néolamarckisme50. Peut être y-a-t-il là une partie de l’explication des réactions de certains biologistes communistes : rejet du côté des darwiniens Prenant et Teissier ; adhésion – temporaire – du côté du biochimiste Ernest Kahane, plus marqué par le néolamarckisme, et qui signait la préface de la traduction française des Œuvres choisies de Mitchourine et soutenait l’AFAM (Association Française des Amis de Mitchourine, animatrice du lyssenkisme expérimental en France). Mais Ernest Kahane, tout comme son camarade le néolamarckien belge Paul Brien, lui aussi d’abord séduit car sensible à la mise en valeur de l’influence du milieu, se détourne du lyssenkisme dès qu’il est mis face à des résultats expérimentaux non concluants51.
Dernière modification par Mister No (29 novembre 2018 à 11:33)