voila le
doc sur les gabapentinoides :
Les gabapentinoïdes : une revue de la littérature
Résumé:
L’objectif de cette revue de la littérature est de réaliser une synthèse de l’état des
connaissances concernant l’épidémiologie, la pharmacologie, la toxicologie clinique et
analytique des gabapentinoïdes. La classe pharmacologique des gabapentinoïdes est
principalement représentée par la
gabapentine et la
prégabaline, qui ont été commercialisées
autour des années 2000. Rapidement après leur commercialisation, des cas de mésusage ont
été documentés dans des contextes d’abus et de dépendance. Ce sont des médicaments bien
tolérés et les intoxications aiguës sont le plus souvent bénignes, sauf en cas de polyintoxication
en particulier avec des
opiacés. La
prégabaline augmente le risque de décès par
overdose aux
opiacés. En l’absence d’antidote spécifique, la prise en charge repose sur un
traitement symptomatique. De nombreuses méthodes analytiques permettant la détection et le
dosage de la
prégabaline et de la
gabapentine dans le sang, les urines et les cheveux ont été
publiées, aujourd’hui les analyses sont le plus souvent effectuées en chromatographie liquide
couplée à la spectrométrie de masse en tandem. La recherche des gabapentinoïdes devrait être
effectuée systématiquement dans les cas de décès liés à l’usage de substances.
Mots clefs: gabapentinoïdes,
prégabaline,
gabapentine, toxicologie
1. Présentation des gabapentinoïdes et épidémiologie
Les gabapentinoïdes forment une classe pharmacologique récente dont les principaux
représentants sont la
prégabaline et la
gabapentine. Bien qu’initialement restreintes à leur
activité antiépileptique, leurs indications se sont par la suite élargies, notamment à la prise en
charge des douleurs neuropathiques [8]. La
gabapentine a été approuvée en France en 1994
dans le cadre du traitement des épilepsies partielles chez l’enfant et l’adulte, et en 2002 dans
le cadre des douleurs neuropathiques périphériques, notamment diabétiques et postzostériennes
chez l’adulte. Sa place dans la prise en charge de l’éthylisme chronique avec
syndrome de
sevrage est en cours d’évaluation [9]. La
prégabaline a été autorisée en France à
partir de 2006 dans le cadre des épilepsies partielles, des douleurs neuropathiques centrales et
périphériques, ainsi que de la prise en charge des troubles anxieux généralisés chez l’adulte
[10].
Bien que la
prégabaline et la
gabapentine soient les principales représentantes de la classe des
gabapentinoïdes, d’autres substances peuvent être retrouvées de façon plus marginale. Il s’agit
du phénibut et de la mirogabaline, qui ne seront que rapidement évoqués dans cette revue. Le
phénibut est une molécule commercialisée en Russie et dans certains pays de l’Europe de
l’Est comme anxiolytique et hypnotique. Cette substance est néanmoins largement disponible
de façon non régulée dans de nombreux pays, notamment via Internet [11]. Tout comme pour
la
prégabaline et la
gabapentine, un potentiel d’abus a été mis en évidence pour le phénibut
[11,12]. La mirogabaline est une substance découverte récemment et approuvée en 2019 au
Japon uniquement, pour la prise en charge des douleurs neuropathiques périphériques [13,14].
L’usage de gabapentinoïdes est en croissance constante depuis leur commercialisation [15–
17] : à titre d’exemple, aux Etats-Unis, leur prescription a augmenté d’un facteur supérieur à
trois entre 2002 et 2015, passant d’environ 1 adulte pour 10 000 à presque 4 pour 10 000.
Certains auteurs estiment que le rythme de cette augmentation ne peut être entièrement
expliqué par une augmentation de la prévalence des pathologies pour lesquelles les
gabapentinoïdes sont indiqués et reflète une utilisation croissante de ces composés en dehors
de leurs indications approuvées par les autorités sanitaires [4,18]. Plusieurs études récentes
leur font écho et objectivent une proportion importante, jusqu’à plus de 80%, d’utilisations
hors indication des gabapentinoïdes [4,15]. Ces travaux mettent notamment en évidence une
large prescription des gabapentinoïdes dans la prise en charge des douleurs non
neuropathiques et des douleurs neuropathiques hors diabétiques et post-zostériennes, bien que
le niveau de preuve de leur efficacité pour ces indications soit faible [18–21].
Face à cette augmentation de la consommation de gabapentinoïdes se pose la question de leur
potentiel d’abus et de mésusage. Bien qu’initialement sous-estimé [22,23], le risque
addictogène de ces substances a été mis en évidence [1,17,24,25]. Il semble plus marqué pour
la
prégabaline, notamment à cause de ses effets euphorisants, et chez les sujets présentant des
antécédents de troubles liés à l’usage de substances, en particulier les
opioïdes [26] et la
cocaïne [27]. Or, la
prégabaline et la
gabapentine sont fréquemment prescrites en association
avec des
opioïdes et/ou des
benzodiazépines afin de potentialiser l’effet antalgique et
anxiolytique de ces derniers [26,28]. Ainsi, de nombreux indicateurs sont en faveur d’un
potentiel d’abus de ces substances [7,29–31]. La prévalence du mésusage dans la population
générale a été évaluée pour la première fois en 2014 à 1,1% sur un échantillon de 1500
individus au Royaume-Uni [32]. Une revue systématique de la littérature a relevé une
prévalence dans la population générale de 1,6% [33] qui, selon les auteurs, augmente pour
atteindre entre 22% et 68% chez des individus en situation d’abus aux
opioïdes [34,35].
En France, l’évolution de la consommation de gabapentinoïdes est suivie par l’ANSM à
travers les programmes du réseau français d’addictovigilance, ainsi que le dispositif TREND
de l’OFDT (observatoire français des drogues et des toxicomanies). Il est ainsi noté une forte
augmentation des notifications concernant la
prégabaline depuis 2017, en particulier
concernant les ordonnances falsifiées et la consommation dans un contexte de mésusage et/ou
de dépendance, ainsi que l’utilisation par des sujets sous médicaments de
substitution opioïdeou avec des antécédents d’abus.[36–38]. Cette dernière semble bien plus sujette au mésusage
que la
gabapentine [39,40]. Ainsi, plus de 12% des usagers de
prégabaline identifiés sont
concernés contre environ 6% pour la
gabapentine [39]. Les conséquences de ce mésusage ne
sont pas négligeables, car il est estimé qu’environ 11% des consommateurs de
gabapentinoïdes en situation de mésusage développeront une addiction à ces substances dans
les deux ans [39]. Enfin, deux cas de décès impliquant la
prégabaline ont été notifiés depuis
2013 sur le territoire national. Dans les deux cas, une association avec la
méthadone a été
relevée [36].
2. Pharmacologie
a. Pharmacocinétique
i.
GabapentineLa
gabapentine est un antiépileptique de deuxième génération indiqué dans les épilepsies
partielles simples ou complexes, seule ou en association, et disponible sous forme de
comprimés, de gélules et de solutions buvables [41]. Elle est également efficace dans le
traitement des douleurs neuropathiques périphériques permanentes ou fulgurantes. La
gabapentine est absorbée lentement et selon un processus d’absorption non linéaire [41]. Le
pic d’absorption est fonction de la dose administrée : le Tmax est d’environ 1,7 h pour de
faibles doses (100 mg) et de 3 à 4 heures après prise unique d’une dose élevée. La
gabapentine, hydrophile, est absorbée activement au niveau de l’intestin grêle via les
transporteurs d'acides aminés de type-L (LAT) et en particulier le transporteur LAT1. Une
saturation de ces transporteurs est possible. La biodisponibilité n’est pas influencée par les
prises alimentaires, et l’administration concomitante avec les autres antiépileptiques n’affecte
pas sa concentration plasmatique. Toutefois, l’association d’un antiacide peut réduire jusqu’à
25% la biodisponibilité de la
gabapentine. Il a été établi chez une cohorte de patients coréens
qu’un polymorphisme dans le gène ABCB1 avait une influence sur l’absorption de la
gabapentine [42].
La biodisponibilité orale absolue diminue considérablement avec l'accroissement de la dose:
elle est d’environ 80% pour une dose de 100 mg / 8 h et tombe à 27% pour une dose de 1600
mg / 8h [41]. La
gabapentine possède un volume de distribution de 0,8 L/kg et diffuse
notamment dans le lait maternel et dans le liquide cérébro-spinal. La
gabapentine ne se lie pas
aux protéines plasmatiques et pénètre dans les globules rouges. Les concentrations de
gabapentine sont donc identiques dans le sang total et le plasma [41].
La
gabapentine est très peu métabolisée (< 1% de la dose) et présente une demi-vie
d’élimination de 5 à 7 h. Cette molécule n’est pas un modulateur des cytochromes P450 [43].
Elle est éliminée sous forme inchangée dans les urines. La pharmacocinétique de la
gabapentine est fortement influencée par la fonction rénale [44]. La durée d’élimination du
médicament est augmentée chez les patients (notamment âgés) avec une faible clairance de la
créatinine ou chez les patients hémodialysés, nécessitant de ce fait un ajustement de la
posologie [45].
Il existe une forme
gabapentine-enacarbil, un promédicament sous forme
d’acyloxyalkylcarbamate de
gabapentine. Ce précurseur est également transporté activement
et permet une délivrance prolongée de
gabapentine [46]. D’autres formulations de la
gabapentine ont été développées, notamment des formes à libération prolongée qui ont pour
effet d’augmenter l'exposition tout en diminuant les fluctuations hors de la zone d’efficacité
du médicament [47].
Peu de données sont disponibles concernant l’utilisation de la
gabapentine lors de la grossesse
et de l’allaitement. Toutefois, Kristensen et al. ont rapporté que 2,34% de la dose maternelle
(ajustée au poids corporel en mg/kg) était administrée à l’enfant via l’allaitement [48], une
estimation comparable aux données du Centre de Référence des Agents Tératogène [49]. On
note un passage transplacentaire en cours de grossesse [50].
ii.
PrégabalineLa
prégabaline est un antiépileptique de dernière génération qui est indiqué dans les épilepsies
partielles avec ou sans généralisation secondaire, en association, chez l'adulte, ainsi que dans
le traitement des douleurs neuropathiques et des troubles anxieux généralisés. Elle se présente
sous forme de gélules ou de solutions buvables [51].
La
prégabaline possède une pharmacocinétique linéaire, contrairement à la
gabapentine.
L’absorption, tout au long du tube digestif, est rapide, avec un Tmax de moins d’une heure
pour le sang et de 8 h pour le liquide céphalorachidien. Tout comme la
gabapentine, la
prégabaline est une molécule hydrophile dont le passage à travers les membranes cellulaires
se fait par un transport actif via les transporteurs LAT. La
prégabaline ne semble pas avoir
d’influence sur la pharmacocinétique d’autres antiépileptiques classiquement utilisés [41].
La biodisponibilité est supérieure à 90% sans phénomène de saturation observé à forte
posologie (de 75 à 900 mg par jour) [51]. La
prégabaline présente un volume de distribution
de 0,5 L/kg. Comme pour la
gabapentine, on observe une absence de liaison aux protéines
plasmatiques et des concentrations identiques dans le sang total et le plasma [51].
La
prégabaline est également très faiblement métabolisée (< 2%) et 98% de la dose est
éliminée sous forme inchangée dans les urines [43]. La demi-vie moyenne d’élimination de la
prégabaline est de 6,3 h [43], mais cet intervalle augmente pour des patients présentant une
clairance de la créatinine inférieure à 60 mL/min [52].
La
prégabaline passe dans le lait maternel, 7% de la dose administrée à la mère (en mg/kg) est
retrouvée dans le lait [53]. On observe également un passage transplacentaire [54]. Son
utilisation n’est pas recommandée chez les enfants et adolescents [55].
iii. Microgabaline
La mirogabaline-bésylate (sous le nom de spécialité Tarlige®) est un gabapentinoïde
administré par voie orale dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques. Cette
molécule possède une AMM au Japon et est en phase d’évaluation en Asie.
La description de sa pharmacocinétique est encore incomplète. Cependant, des résultats
d’études de phase 1 montrent que la mirogabaline est rapidement absorbée avec un Tmax
d’environ 1 h [56]. La mirogabaline semble avoir une pharmacocinétique linéaire aux doses
étudiées. L’élimination est essentiellement urinaire sous forme inchangée (environ 70%). La
demi-vie d’élimination est courte, d’environ 3 à 5 h [56]. Il n’y a pas de données disponibles
pour l’utilisation chez la femme enceinte ou allaitante, et pas d’évaluation en traitement
pédiatrique.
iv.
PhenibutLe
phenibut ou acide 4-amino-3-phényl-butyrique est un analogue de l'acide gammaaminobutyrique
(GABA), autorisé en Russie dans le traitement de l'anxiété, du
sevragealcoolique, du bégaiement, de l’énurésie et de l'insomnie [57]. Il a été identifié en tant que
nouvelle substance psychoactive (NPS) en Suède en 2011 et notifié au système d'alerte rapide
de l'Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT) en 2012.
Le
phenibut est administré par voie orale, sous forme de comprimé de 250 mg [58], avec des
schémas posologiques de 250 à 750 mg par prise avec 3 prises par jour. De rares cas de
mésusage avec administration intranasale et intrarectale ont été décrits [57].
L'absorption est élevée, la molécule diffuse largement, notamment à travers la barrière
hématoencéphalique (environ 0,1% de la dose administrée du médicament pénètre dans le
tissu cérébral, et la perméabilité est augmentée chez les jeunes et les personnes âgées).
La distribution est importante dans le foie et les reins. Le
phenibut est métabolisé au niveau
hépatique (80-95%), et ses métabolites sont pharmacologiquement inactifs. Il n’y a pas
d’accumulation à fortes concentrations. Une potentialisation des somnifères, des analgésiques
narcotiques, des antiépileptiques, des antipsychotiques et des antiparkinsoniens est rapportée
[58].
La demi-vie d'élimination est de 5,3 h [12], avec une cinétique bicompartimentale présentant
un réservoir dans les tissus cérébraux. Environ 5% du médicament sont excrétés par les reins
sous forme inchangée, la majorité étant éliminée par voie biliaire [58].
Le
phenibut est administré en pédiatrie à partir de 3 ans à posologie réduite de moitié. Il doit
être utilisé avec prudence pendant la grossesse et durant l’allaitement [58].
b. Pharmacodynamie
Les gabapentinoïdes sont des analogues du GABA, principal neurotransmetteur
inhibiteur du système nerveux central (Figure 1). Les gabapentinoïdes, malgré leur nom, n’ont
pas d’activité gabaergique [51] ni d'activité sur les récepteurs GABA-A, GABA-B et sur les
récepteurs des
benzodiazépines à l’exception du phénibut [59]. Ces molécules agissent par
inhibition prédominante de la transmission glutamatergique, par inhibition sélective des
canaux calciques voltages-dépendants à sous-unités α2δ-1 et α2δ-2 (canaux Cav2.1 et 2.2),
s’opposant à la libération de glutamate et de la substance P (d’où leurs effets analgésiques
annexes) par exocytose [3,43] dans la fente synaptique [60]. La mirogabaline se lie et module
quant à elle la sous-unité α2δ-1 des canaux calciques voltage-dépendants. Elle présente un
profil de liaison unique et une longue durée d'action [61]. Quant au
phenibut, bien que
disponible sous forme racémique, il doit son activité à l’énantiomère R. Se liant au récepteur
GABA-B, comme le
baclofène, le R-phenibut présente cependant une affinité 10 à 15 fois
plus faible. Il possède également une activité au niveau des récepteurs GABA-A et de la
dopamine [57].
Le principal mécanisme d'action anti-nociceptive/anti-hyperalgésique des
gabapentinoïdes dans les modèles de douleur inflammatoire semble être le blocage des canaux
calciques voltage-dépendants Cav2.1 et 2.2 des neurones sensoriels primaires, conduisant à
une libération réduite de neurotransmetteurs au sein de la zone rachidienne et médullaire [51].
L’inhibition des récepteurs au glutamate via une liaison co-agoniste principalement au niveau
de la moelle épinière, l'activation de divers types de canaux potassiques au niveau de la
moelle épinière et en périphérie, ainsi que l'activation des voies de modulation de la douleur
descendante noradrénergique et sérotoninergique peuvent également contribuer aux effets
observés [62].
La
gabapentine, la
prégabaline et la mirogabaline ont des affinités plus importantes pour les
sous unités α2δ-1 (Kd de 59, 62,5 et 13,5 nM, respectivement) que pour les sous-unités α2δ-2
(Kd de 153, 125, 22,7 nM, respectivement) [63,64]. Aucune étude d’affinité n’a été publiée
pour le
phenibut à notre connaissance.
Les sujets sans antécédent d’addiction semblent peu à risque de développer une addiction aux
gabapentinoïdes, contrairement aux patients souffrants d’addiction aux
opiacés [1]. Le
potentiel addictogène de la
prégabaline est supérieur à celui de la
gabapentine en raison de
son absorption rapide, d’un court délai d’action, et de son action proportionnelle à la dose [1].
A forte dose, la
gabapentine présente toutefois un potentiel addictogène qui rejoint celui de la
prégabaline [33]. Le profil addictif du phénibut semble être similaire aux autres
gabapentinoïdes [57].
3. Toxicologie clinique
a. Intoxication aiguë
i.
GabapentineLes essais chez l’animal démontrent une faible toxicité : ataxie et sédation chez le rat et la
souris pour des doses supérieures à 400 mg/kg per os, ataxie et troubles respiratoires à 2 000
mg/kg en intraveineux et 8 000 mg/kg per os. Chez le volontaire sain, des doses de 3 600 mg/j
sont bien tolérées [65]. Il existe peu de données sur les intoxications aiguës, néanmoins les
données de la littérature décrivent des intoxications bénignes pour des doses allant jusqu’à
96 000 mg de
gabapentine [33].
Lors d’une prise au-delà des doses thérapeutiques habituelles, les effets cliniques se
manifestent généralement dans les 5 h, avec une médiane de présentation à 2 h, et persistent
moins de 24 h [66]. Les effets indésirables associés aux doses thérapeutiques peuvent se
manifester sous forme d’ataxie, de vertiges, de diplopie, de céphalées, de nystagmus, de
somnolence et de tremblements [67]. A de fortes doses ou lors d’intoxications, des
symptômes plus bruyants peuvent apparaître: troubles de l’élocution, nausées, vomissements,
diarrhée, perte de connaissance, hypotension artérielle voire choc, tachycardie, trouble de la
conduction cardiaque, confusion, trouble de la conscience voire coma [66,68,69]. La survenue
de ces évènements présente une relation dose effet [70]. A dose toxique, cette relation est
soumise à
une forte variabilité interindividuelle [68]. Les personnes âgées, les consommateurs
d’opioïdes forts, les insuffisants rénaux et les patients dialysés sont plus à risque de présenter
des complications graves [68]. L’association de la
gabapentine à l’héroïne, la
méthadone, la
morphine ou d’autres
opioïdes majore le risque de décès par overdose aux
opiacés par
dépression respiratoire [34,80–82]. Le nombre de décès suite à la consommation de
gabapentine en association avec de l’héroïne est en augmentation et semble être sous-estimé
[81]. En effet, la recherche de
gabapentine chez les sujets décédés suite à l’usage d’opiacés
n’est pas systématique [83]. Les cas d’intoxication aiguë sont rares. Une synthèse des
concentrations sanguines, des doses supposées ingérées, de la symptomatologie et de la prise
en charge thérapeutique est présentée dans le tableau 1.
ii.
PrégabalineLes effets indésirables associés aux doses thérapeutiques se manifestent par l’apparition
notamment d’ataxie, troubles cognitifs, diplopie, asthénie, céphalées, somnolence,
tremblements et vertiges [67]. En dessous de 3 000 mg, il n’est rapporté que des effets
indésirables peu sévères chez des patients sans comorbidité [84]. A forte dose ou lors
d’intoxications, des symptômes plus bruyants peuvent apparaître: somnolence, céphalées,
tremblements, convulsions, tachycardie, hypotension et coma [84–86]. Une étude effectuée
chez l’animal a mis en évidence une levée de la tolérance aux effets dépresseurs respiratoires
des
opioïdes, initialement tolérants à la
morphine, auxquels il a été administré une faible dose
de
prégabaline [81]. Chez l’homme, l’association de la
prégabaline à l’héroïne, la
méthadone,
la
morphine ou d’autres
opioïdes augmente le risque de décès par dépression respiratoire
[80,82,87]. Néanmoins les données de la littérature décrivent des intoxications bénignes pour
des doses allant jusqu’à 9 000 mg de
prégabaline [33]. Les cas d’intoxication aiguë sont rares,
une synthèse des concentrations sanguines, des doses supposées ingérées, de la
symptomatologie et de la prise en charge thérapeutique est présentée dans le tableau 2.
b. Intoxication subaiguë et chronique
i.
Gabapentine1. Généralités
Les premiers symptômes d’intoxication par
gabapentine peuvent apparaître à partir de 1 000
mg/jr, cependant la dose thérapeutique maximum est de 3 600 mg/jr [33,70]. Au-delà de cette
dose, la sévérité du tableau clinique ne présente pas de corrélation avec la dose ingérée [68].
Lors d’un mésusage, il est rapporté des doses allant de 1 500 à 12 000 mg/jr [33].
2. Symptômes neurologiques
La
gabapentine, par son action sur le système nerveux et notamment cérébello-vestibulaire,
peut induire de nombreux symptômes. L’action sur le système nerveux central peut induire
des céphalées, des troubles de la mémoires, une somnolence, une asthénie, des dystonies, des
tremblements d’intention ou aggraver une épilepsie existante [9,70,85,92–95]. Sur le plan
cérébello-vestibulaire sont fréquemment décrits des vertiges, des troubles de la statique
[70,85,92,96]. Des troubles visuels en lien avec une atteinte nerveuse sont rapportés,
[70,95,96]. Sur le plan neuropériphérique ont été décrits fréquemment des dystonies, des
myoclonies et des tremblements [94,96–104].
3. Symptômes neuro-psychiatriques
Des troubles psychiques sont fréquemment rapportés, notamment une forte anxiolyse mais
également de façon paradoxale anxiété, agitation, épisodes de confusion, nervosité, troubles
mémoriels et de la concentration, insomnies, cauchemars et dépression [9,85,92,96,97].
4. Symptômes de la sphère abdominale
Les symptômes digestifs sont les deuxièmes plus fréquents lors de la prise de
gabapentine.
Des cas de nausées, de vomissements, de constipation ou des diarrhées sont fréquents, des cas
d’hépatite ont également été décrits [85].
5. Symptômes autres
Sur le plan endocrinien, des troubles de la fonction sexuelle sont rapportés. Sur le plan
biologique, des troubles hématopoïétiques prédominant sur la lignée blanche [105] [85] et les
plaquettes [96,106] [85] sont retrouvés sans atteinte de la lignée rouge.
6. Grossesse
Des études effectuées chez l'animal ont mis en évidence une toxicité sur la reproduction [45].
Chez l’homme, la
gabapentine favorise les fausses couches spontanées, notamment au
premier semestre, les prématurités et les petits poids pour l’âge gestationnel, avec de rares
communications interventriculaires [96,107]. La
gabapentine ne doit pas être utilisée chez la
femme enceinte sauf si le bénéfice potentiel pour la mère l'emporte clairement sur le risque
potentiel pour le foetus.
7. Symptômes de
sevrageEn cas d’arrêt brutal du traitement, un syndrome de
sevrage peut apparaître. Les principaux
symptômes sont des troubles neuropsychiatriques de type confusion, agitation, anxiété, délire,
désorientation, catatonie, insomnie, asthénie associée à des céphalées, des tremblements, une
photophobie, une akathisie et des dystonies [30,65,108–115]. Sur le plan cardiaque sont
rapportés des épisodes de douleur thoracique, palpitation, de tachycardie et d’hypertension
[30,65,109–111,114]. Des troubles gastro-intestinaux de type douleur abdominale, diarrhées
et nausées sont également présents [30,109]. Des symptômes tels que des fébricules, des
diaphorèses ou une sècheresse buccale peuvent aussi être observés [109–111].
ii.
Prégabaline1. Généralités
La
prégabaline semble présenter une relation dose effet dès l’administration d’une dose de
150 mg/jr [116], la dose thérapeutique maximum étant de 600 mg/jr [33]. La présentation
clinique est polymorphe [68].
2. Symptômes neurologiques
L’action sur le système nerveux central peut induire un effet antalgique mais également
somnolence, asthénie, céphalées, troubles mnésiques et paresthésies [85,88,93,116–124]. Sur
le plan cérébello-vestibulaire des vertiges sont fréquemment décrits, des tremblements, des
troubles de la coordination, de la marche et de la statique [85,88,116–122]. Des troubles
visuels en lien avec une atteinte nerveuse sont rapportés [116–118,120,122]. Sur le plan
neuropériphérique ont été décrits des crampes musculaires, des myalgies, des arthralgies, des
fasciculations et des tremblements [118,122].
3. Symptômes neuro-psychiatriques
Des troubles psychiques sont fréquemment rapportés, notamment des effets aphrodisiaques ou
une forte anxiolyse mais également de façon paradoxale anxiété, euphorie, discours
incohérents, insomnie, dépression, des comportements à risque [85,116,117,122,125–128] et
rarement des idées suicidaires, une auto-agressivité, des troubles de l’attention ou une apathie
[116,117,127,129,130].
4. Symptômes cardiaques
Des cas de mort subite font la gravité de l’atteinte cardiaque [85], ils pourraient être en lien
avec des troubles de la conduction atrio-ventriculaire de haut degré [123]. Palpitation,
malaise, angor, dyspnée et oedème ont été rapportés [118,120,122,129]. La prise de
prégabaline peut favoriser une décompensation cardiaque globale chez les insuffisants
cardiaques [131,132]. Sa prise chronique peut entrainer une cardiomégalie avec un
épanchement péricardique et une insuffisance cardiaque gauche [133] ou une
cardiomyopathie avec hypertrophie ventriculaire gauche et dysfonction bi-ventriculaire
pouvant être partiellement résolutives à l’arrêt du traitement [134].
5. Symptômes de la sphère abdominale
Les symptômes digestifs sont fréquents lors de prise de
prégabaline. Les symptômes rapportés
sont douleurs abdominales, nausées, vomissements, constipations ou diarrhées
[88,118,120,122].
6. Symptômes autres
Sur le plan endocrinien et métabolique ont été rapportés un syndrome de sécrétion
inappropriée d'hormone antidiurétique, une hyponatrémie, une hyperprolactinémie, une
gynécomastie [88,118,120–122,135]. Des troubles sexuels ont été rapportés [118,136].
Tout comme avec la
gabapentine ont été décrits une atteinte de l’hématopoïèse avec une
atteinte mixte de la lignée blanche [85,120,137,138] et de la lignée plaquettaire [85,120].
7. Grossesse
Les études effectuées chez l’animal ont mis en évidence une toxicité sur la reproduction [55].
Chez l’homme, elle induit une augmentation des fausses couches spontanées, des naissances
prématurées et peut entrainer des malformations majeures [107,139–141]. Il a été mis en
évidence une diminution du poids de naissance ainsi que de la taille et du périmètre crânien
[107,139–141].
8. Symptômes de
sevrageEn cas d’arrêt brutal du traitement un syndrome de
sevrage peut apparaître, associé
notamment à des troubles neuropsychiatriques au premier plan qui peuvent se présenter sous
forme d’épisode d’agitation, d’hallucinations, de dépression, d’ataxie, d’insomnie, de
somnolence et de céphalées [30,125,142–145]. Sur le plan cardiaque, des épisodes de
palpitations et hypertension [30,125,143,144] sont rapportés, ainsi que des troubles gastrointestinaux
de type nausées et diarrhées [30,143–145]. Y sont parfois associés des symptômes
tels que des tremblements et des diaphorèses [30,125,144]. Des convulsions incluant des états
de mal épileptiques et les états de grand mal peuvent apparaître pendant ou peu après l’arrêt
du traitement par la
prégabaline [55].
c. Prise en charge médicale
i. Prise en charge de l’intoxication aiguë
En cas de symptomatologie grave ou de défaillance d’organe (trouble de la conscience, du
rythme cardiaque, hypotension voire choc, insuffisance rénale aigüe), il doit être discuté de
l’intubation pour la mise sous ventilation artificielle et la mise en place d’une hémodialyse
[66,68,69,72,75,146,147]. En cas de co-ingestion d’opioïdes, il faut considérer l’intoxication
comme à risque de gravité. Dans ce cas précis, il faut mettre en place un traitement par
naloxone en intraveineux pour le traitement de l’intoxication aux
opioïdes [148,149]. Devant
l’absence d’antidote spécifique, le reste du traitement associe une décontamination gastrointestinale
par charbon activé dans la première heure suivant l’ingestion, en respectant ses
contre-indications, et un traitement symptomatique [65,150]. En cas de symptômes
neurologiques, cardiaques, hépatiques ou rénaux en l’absence de détresse vitale, une
surveillance hospitalière jusqu’à la régression ou la disparition de ces symptômes est
préconisée.
Le flumazénil a montré une efficacité chez un patient intoxiqué par
gabapentine [75].
Cependant, étant données les cibles pharmacologiques de la
gabapentine et celle des
benzodiazépines (récepteur GABA-A), il n’existe pas de rationnel permettant d’appuyer cette
observation unique [51]. En l’absence de co-ingestion de
benzodiazépines, l’administration de
flumazénil n’est par recommandée dans les intoxications aux gabapentinoïdes.
ii.
SevrageLa
gabapentine et la
prégabaline présentent une forte dépendance physique mais une faible
dépendance psychologique [1,24]. La décroissance des doses de
prégabaline doit se faire
progressivement. Une décroissance sur une semaine est suffisante pour des doses allant
jusqu’à 600 mg/jr [144,145,151,152]. Cependant, chez certains patients la diminution des
doses doit être plus progressive et se réalise sur plusieurs mois [129]. Une décroissance
longue de 12 à 24 semaines avec une diminution de 25% à 30% de la dose de
prégabalinesans dépasser 50 à 100 mg permet d’éviter la survenue de syndrome de
sevrage [145].
Lamouche a écrit
cependant a écrit
Ça fait longtemps que t'en prends ?
2 ans. oui j'arrive à m'en procurer sans trop de probléme.