Par-delà l'ère glaciaire.
Qui pourrait dire la
came ?
Ses fiançailles de merveilles.
Et ses suaves promesses
Et l'effrayant bonheur qui éteint les yeux des adolescents.
C'est de la bombe , tu goûtes , tu meurs.
Et l'incrédulité des premiers frissons.
Prête-moi vingt mille, je crois que j'ai la grippe , faut que j'aille au docteur ...
Et l'aigreur des sueurs qui moitent les draps du rance de la peur.
Encore trois heures , trois heures et je verrai mon dealer.
Qui pourrait dire les terreurs ...
C'est mon dernier et l'aiguille est bouchée.
C'était mon dernier , il est parti à côté.
Qui pourra dire l'obligation quotidienne du serment rituel.
Clap de fin , demain je prends rien , la galère c'est finie ...
Et la course au fric , le matin ...
Et la pauvreté des réunions chez le dealer , trois camés qui dodelinent leur malheur.
Et la télé.
C'est assez.
La
came est bonne cet an-ci.
Qui comprendrait la honte que l'on éprouve dans le regard des autres ...
Qu'est-ce que tu deviens ?
Toujours pas décro ...
Et sa fierté anesthésiée.
Et la vengeance des phamarciens ...
Dix francs la seringue ou le paquet de cinquante ...
Et y reste juste les trois balles pour une pompe neuve.
Comment dire au proc :
Mais , monsieur , je suis obligé d'acheter ma vie tous les matins , j'ai plus rien et ma liberté , vous la voulez en plus.
C'est pas juste.
Et la picole , pourquoi j'ai pas choisi la picole ?
Et l'ignominie des cellules du dépôt , avant d'y aller , on pensait pas que ça existait.
Tu sais , il y a des jours j'en peux tellement plus d'aller voler que je me coucherais par terre en attendant que ça se termine.
Et le temps qui fait serrer les fesses ...
D'il y a dix ans on n'est plus des masses à être encore sur pied.
Et le mépris d'anciens amis ...
J'ai pas encore le téléphone mais je t'appellerai , t'en fais pas.
Et tu sais qu'ils le feront pas.
Et tu leur en veux même pas ...
C'est comme ça.
Et l'impression bizarre de se sentir comme une machine morte qui tourne à vide.
Un trou noir de douleur froide qu'il faut remplir.
Pour éviter les images.
Qui peut dire la lassitude de la répétition , le jour , la nuit , sans répit.
Tous les tributs qu'on paie au cauchemar.
T'as combien de thunes.
Ce matin y va me donner , ça fait trois jours que j'l'ai pas tapé.
Putain , tu crains , si tu paies pas y va plus venir , on l'aura dans le cul.
Le v'la , le v'la , le v'la , shoot , shoot , ta mort est derrière toi.
Et le sadisme des dealers qu'on supporte plus .
J'aime encore mieux prendre plus de risques que de venir sans thunes.
J'vais leur sucer la bite pour un paquet , et puis quoi encore , t'es fou.
Et les larmes aux yeux le lendemain.
J'te jure que j'te paie , merde , donne-moi , putain , j'suis ton meilleur client ...
Et la stupeur devant la méchanceté du sort , il a plus de dope.
Et les spasmes de dégoût dans les hostos , les patronages pour junks , l'âme comme une éponge de rage ...
Et la tristesse au printemps , il y a encore des amoureux , comment font-ils ?
Et ce désir qui fait courir ...
Sur une chimère.
Sur un souvenir ...
C'était si bon la première fois.
[Un pur moment de rock'n'roll - Vincent Ravalec]