L'ambivalence de l'expérience des drogues

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Le_toxicophile homme
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champi vert0champijaune0cxhampi rouge0
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Bonjour à toutes et à tous,

Cela fait très longtemps que je consulte ce forum d’une richesse inégalée, sans jamais avoir pris le temps de poster de témoignage. Je ne sais pas si poste vraiment dans le bon forum, mais je souhaiterais rompre cette relation asymétrique pour faire part de ma situation à la communauté bienveillante qui l’entoure. Ce témoignage est évidemment purement personnel et ne reflète que mon expérience face aux différents produits que j’ai pu consommer.

J’ai 45 ans, une situation familiale et professionnelle riche et équilibrée, et j’ai passé un peu plus d’une année (13 mois exactement) à consommer régulièrement différentes drogues (je vais préciser ce point). Aujourd’hui, je souhaite arrêter cette consommation et faire le bilan de ce que ces substances m’ont apporté en positif comme en négatif.

Pour expliquer d’où je parle, je fume du cannabis de manière irrégulière depuis 20 ans et j’ai découvert, il y a 6 ans, le monde des stimulants (C, MDMA) en prise occasionnelle. J’ai goûté beaucoup de molécules différentes (speed, C, Cathinones, Meth, 2C-X, MD, K principalement). Pendant cette année de consommation régulière, c’est surtout la 3 et la 4-MMC, ainsi que la 3-FPM qui ont été au coeur de mon attention, notamment de par l’aspect « clean » qu’elles peuvent apporter (c’est plus discutable pour la 4, que je réservais aux soirées) et la possibilité de modifier mon « mind set » sans se faire griller par les autres. En effet, ma consommation était solitaire, à l’insu de toute connaissance de mon entourage. Je vivais ainsi « avec » les autres, mais « seul » dans mon monde de drogues, tel un empire dans un empire.
Ma fréquence de consommation pouvait aller de 2 à 5 fois par semaine avec certaines périodes de binge quand l’occasion s’en présentait.

Sans chercher à ne faire aucun bilan moral quant à cette expérience, je souhaiterais lister tout ce que la drogue a produit sur moi durant cette période. Ce que je voudrai souligner à travers cette simple liste, c’est la dimension ambivalente de cette expérience. Voici, ce que la drogue m’a apporté :
1. Une intensification de mon rapport à l’autre, et notamment une désinhibition et une fluidité dans les rapports sociaux avec des inconnu·es.
2. Une plus grande synchronicité avec moi-même : une manière d’être la meilleure version de moi-même. Cela se traduisait notamment par une légèreté d’existence marquée notamment par un abandon immédiat et facilité de toute difficulté quotidienne.
3. Une perte de confiance en moi drastique ainsi qu’une grande fatigue physique (dû clairement au manque de sommeil). J’ai ainsi constaté une perte de mon assise psychique et l’émergence d’une fragilité psychologique insoupçonnée (notamment par l’apparition d’attaques paniques inopinées).
4. Une expérience intense de jouissance (psychique comme physique).
5. Une manière de pratiquer un mode d’être transgressif qui m’a toujours fasciné.
6. Une capacité de travail phénoménale en termes de créativité et de performance.
7. Une impossibilité d’envisager l’avenir autrement que dans la promesse de nouvelles jouissances apportées par une dose prochaine.
8. L’apprentissage d’une culture passionnante que ce soit en termes pharmacologiques ou du fait de connaissances annexes (mais nécessaires) à cette pratique (je pense notamment à l’usage du DW).
9. Une vie entièrement vécue au présent, sans se situer dans un mode projectif, c’est-à-dire sans envisager la vie du point de vue de l’avenir (cela pouvait se traduire par une impossibilité d’anticipation ou d’organisation du futur, ce qui peut présenter un aspect confortable parfois, et chaotique par d’autres moments).
10. Un abandon de toutes mes autres activités de loisirs, c’est-à-dire un sentiment de fidélité exclusive à la consommation de produits (négation de toutes mes autres envies).
11. Un éloignement à l’égard de mes proches qui ne sont pas dans mon environnement présent direct (famille, ami·es).
12. Une grande émotivité et une sensibilité exacerbée, voire incontrôlable.

Cette grande ambivalence dans l’expérience de ces produits m’amène aujourd’hui à vouloir prendre mes distances avec ceux-ci, surtout pour parvenir à réarticuler en moi le désir de l’avenir, et tenter de parvenir à cultiver cette grandeur d’âme que certains produits peuvent nous faire ressentir dans un monde « sans produits », c’est-à-dire dans un monde où la possibilité d’appréhender le futur peut à nouveau exister. Je ne sais pas si ce monde existe, mais cette expérience me donne aujourd’hui l’envie d’envisager sa possibilité. 

Si je poste ce message, c’est tout d’abord pour témoigner de cette petite expérience, mais également pour savoir si d’autres que moi ont pu faire une expérience analogue sur une période plus ou moins longue et notamment savoir comment vous gérez cette ambivalence (entre fusion et isolement ; entre jouissance et angoisse ; entre force et faiblesse) qui est au coeur de cette expérience.

Merci pour votre lecture wink

Dernière modification par prescripteur (27 février 2023 à  16:44)

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Beau témoignage (Prescripteur)
 
Merci pour la richesse de ton témoignage. Fil

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Ambrouille femme
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champi vert0champijaune0cxhampi rouge0
Inscrit le 28 Jan 2022
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Très beau témoignage. Ça me fait penser à l'histoire de Bryan Lewis Saunders qui s'est dessiné sous substances. Il a testé plusieurs drogues. Une par jour en moyenne. Cela dépendait, y avait des moments où il prenait la même de nombreux mois pour ressentir davantage. Il a témoigné en disant que la pire expérience fut le pcp et la meilleure le Xanax.

Il continue de façon plus sage et comme toi il a pris ses distances mais ce fut la meilleure des expériences avec ses hauts et ses bas selon lui.

Prend soin de toi ! Merci de ton témoignage

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Her femme
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champi vert0champijaune0cxhampi rouge0
Inscrit le 28 Dec 2019
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Bonjour Le Toxicophile,

Je consulte comme toi depuis plusieurs années ce site et n'ai eu envie (ou eu le courage) de ne poster qu'une ou deux fois.
Ton témoignage m'a tout de suite parlé, je m'y retrouve dans beaucoup de points.
Je n'ai pas la même aisance avec les mots, ou je ne l'ai plus, je n'en sais rien; Le mot ambivalent tourne en boucle dans ma tête.

L'ambivalence est au centre de toute ma vie; Je vais essayer de faire bref:)
J'ai 38 ans, 1 enfant, un mari aimant, un métier que j'aime et que j'ai choisi, des amis, bref en apparence, tout va bien.
J'ai commencé à tester différentes drogues assez tôt, j 'ai toujours été attirée par ce milieu, par cette envie de découvrir un autre soi. Le coté transgressif artiste meurtri, ouais je sais c'est con.

J'ai commencé par le cannabis vers 15ans , puis s'en est suivi les premières expériences avec les extas, les premières teufs, les premiers kiffs.
J'ai essayé aussi les psychos mais moins mon trip, trop de pertes de contrôle.
Quelques années plus tard, j'ai testé la coke, je devais avoir 22ans. Les débuts n'ont pas étés fous, j'ai gardé ça pour les cadres festifs uniquement.
J'ai continué a boire (plus que de raison) et à fumer, je bois en soirée, et je fume seule.

Vers 26 ans je redécouvre la coke, et la petit à petit elle s'introduit en moi, pas de manière vicieuse, non, de manière cool et festive, j'ai trouvé ma meilleure pote.
Celle qui me donne des ailes en soirée et surtout qui me permet de boire beaucoup sans être trop bourrée.

Je continue mon petit chemin, tranquille, je rencontre mon mec et fait 1 enfant
Je ne touche à rien du tout durant les 9 mois de grossesse, même pas un pèt, je suis assez peu dépendante à ce moment là je m'en passe plutôt bien.
J'ai des craving évidemment mais c'est tout a fait gérable, et puis j'ai encore cette petite voix dans ma tête qui me dit, déconne pas.

Quelques années se passent, je reprends rapidement de la coke mais cette fois ci la prise devient  différente.
Je m'éloigne des amis avec qui je consommais et je rentre petit a petit dans une conso toute autre, une conso seule mais en soirée. j'ai 30 ans a ce moment là.
Et c'est la que je rejoins ton Empire dans un Empire. Belle mise en abyme.

Mais pour maitriser l'art de ne pas se faire griller en prenant de la C il faut pas mal ruser, faire la meuf saoule, faire boire les autres pour ne pas qu'ils remarquent votre état, ralentir le rythme des mots, se concentrer pour ne pas couper la parole ni avoir la science infuse, bref du boulot quoi.

On pourrait penser que ca ne sert à rien du coup, mais c'est devenu une gymnastique fascinante.
Apres chaque cession j'ai mon rituel qui me permet de ne pas ressentir de descente et pouvoir dormir , juste un lendemain dégueulasse et apres ça passe.
Je consommais à raison de 1g max par semaine, uniquement du snif, réparti en 2 soirées, j'ai tenu comme ça pendant 6/7 ans.

Il y' a évidemment un revers de la médaille assez pourri, une fatigue chronique, une irritabilité systématique, un manque d'envie pour les choses essentielles mais ayant une famille, un taf et des obligations à tenir j'ai toujours assuré ce qu'il fallait et fait illusion, à tel point que personne n'a jamais rien vu... ou n'a jamais rien voulu voir.

Je précise à ce stade que mon mari n' a jamais rien su de mes consommation sauf 1 ou 2 fois au tout début de notre relation, pour lui c'était occasionnel et c'est du passé.
Que seulement 3/4 amis sont au courant que parfois je tape mais je ne prends jamais avec eux.

Et voila, depuis plus d'un an j'ai découvert les drogues de synthèse, quel merveilleux portail sur le coup!
Moins cher que la C, moins voyant, plus doux , facilement procurable et prise en soirée "seule" avec du monde c'est parfait.
Je sors 2 soirs par semaine, jamais clean évidement et je prend 1 ou 2 autres soirs seule a la maison quand tout le monde dors. Ca revient a peu près a 2,5g/semaine
Je me fais livrer a mon taf, ni vu ni connu.

J'ai petit à petit remplacé la C par de la 3mmc, 3cmc et parfois 3fpm, je me suis beaucoup renseignée dessus, ai acheté ma petite balance et ai mis au point un programme de petit chimiste tout à fait adapté à mon rythme de vie.
Je tape parfois un peu de C quand j'ai envie de changer mais ça reste occasionnel.

Moins crevée le matin, plus de facilité à m'endormir et moins d'alcool en soirée.
N'étant pas stupide, je me suis vite rendue compte que ça allait être difficilement gérable mais le souci c'est que je n'ai jamais envisagé de ne plus jamais rien prendre.
Cela fait 10 ans que je prends des substances seule.

Je consomme actuellement, un soir sur 2, je fais des cessions de 5 à 7h et arrive presque toujours a me coucher avant 3h du mat.
Je ne consomme jamais rien la journée et commence à 18h.
Je prend quelques medocs pour contrebalancer tout ça mais juste pour dormir.
J'arrive à tenir le rythme mais j'ai l'impression que ma vie ne s'articule doucement qu'autours de ça.
J'ai perdu toute envie d'activité autres, je remplie machinalement mes obligations.
Ma dernière cession remonte à mardi soir et j'essaye de me convaincre de ne rien prendre avant demain soir. 2 jours sans rien prendre devient une victoire, la dessus je me fais flipper.

Je savais que ça allait arriver mais je refuse encore d'ouvrir les yeux complètement.
J'aime la personne que je suis quand je prend mes paras, j'aime ressentir cette chaleur au fond du ventre et j'aime surtout m'échapper seule sans mon coin.
Le rapport a l'autre n'est pas pour autant altéré il est juste modifié, je deviens plus égoïste dans le fond mais en surface plus impliquée.

Bref tout ça est peu être un peu brouillon, il est 13h10 je suis tout a fiat sobre et les belles  formules que je voudraient employer ne sortent pas,
Juste un amas de petits mots qui se suivent et qui essayent a tâtons de résumer 15 ans de consos.
Ca me fait tout drôle car c'est la toute première fois que j'en parle, même mon psy n'est pas au courant. Le fait de ne jamais rien avoir dit rendait la situation presque irréelle.
Je ne dirais pas qu'elle est ingérable, juste ambivalente...

Je suis désolée ça ressemble plus à un vidage de sac qu' à une réponse au final, mais ton post m'a permis de me sentir moins seule, merci pour ça.

Je passe ma vie a articuler une vie autour d'une autre vie, je ne sais plus trop qui je suis et pourtant je ne me sens pas malheureuse, juste parfois creuse.

J'ai juste peur de cliquer sur le bouton "envoyer"

Dernière modification par Her (02 mars 2023 à  13:56)

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Bravo d'avoir surmonté ta peur. Marci. Fil

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joel92 homme
Psycho junior
champi vert6champijaune0cxhampi rouge0
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Hello !


Je viens de passer une grosse année aussi à prendre pas mal de stimulants et j'essaie de lever le pied aussi.

J'ai essayé pas mal de drogues assez tôt mais j'aimais pas particulièrement les stimulants. Puis des rencontres ont fait que je me suis remis au speed et que je me suis rendu compte que j'adorais ça..

Et voila avec quelques potes on tourne au speed / 2-fma / 3-fma à gros régime depuis un an. J'en prends aussi beaucoup tout seul.

Je souffres de troubles psys et j'étais particulièrement mal, donc ça a été une bonne béquille mais là je vais réduire la conso..

Les effets positifs des débuts sont de moins en moins présents, les descentes et les effets secondaires de plus en plus violents.

Je le savais mais bon, l'addiction et le fait que j'aimais vraiment les effets m'ont conduit à minimiser les risques.


J'ai passé beaucoup de temps à lire et à écrire sous amphets, de la philo/eco/psycho, mais bon faut faire la part des choses j'ai beaucoup lu mais même trop... Je m'endors à coup de tercian après mes sessions amphets et je dors 4/6 heures.. Pas assez pour laisser assez de repos au cerveau pour qu'il assimile les connaissances.

Je suis d'accord pour accoler le terme d'ambivalence sur ce type de consos. C'est difficile pour certains d'entre nous de mettre les bonnes limites pour ne pas subir des effets secondaires assez violents parfois.

J'ai la chance d'aller pas trop mal en ce moment et d'être capable d'affronter une grosse phase de descente. A mon avis ca va pas passer en une semaine.

Mais c'est nécessaire pour moi à ce stade. Le week-end dernier j'ai tapé un nombre incalculable de traces et je me suis fait des énormes plugs pour très peu d'effets positifs. A ce stade je me fais plus de mal qu'autre chose, faut être honnête.

Aujourd'hui par exemple c'est particulièrement difficile, j'ai du mal à me concentrer, je suis épuisé alors que j'ai très bien dormi, etc.

A terme je ne compte pas m'en passer complètement non plus.. Mais limiter à 1gr/mois et ne pas taper tout seul ce serait bien déjà. J'ai 30 ans, j'ai commencé la défonce a 11 ans, j'ai jamais passé une année sans... J'ai essayé l'abstinence mais les rechutes sont plus problématiques qu'une conso raisonnée..

On va essayer d'avancer !

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meumeuh homme
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HellO !

Je suis un grand amateur de Stims également ( Coke , 3MMC  ) mais contrairement à toi,  je n'ai jamais eu

Le_toxicophile a écrit

un abandon de toutes mes autres activités de loisirs, c’est-à-dire un sentiment de fidélité exclusive à la consommation de produits (négation de toutes mes autres envies).

Ni d'isolement voulu etc etc ...

je ne te juge pas !
loin de moi cette idée mais cette ambivalence, ne vient pas forcement uniquement des prods ...

Her a écrit

J'ai petit à petit remplacé la C par de la 3mmc

Je vois que je ne suis pas le seul ! même si depuis quelques mois je n'ai pas pu trop en acheter car j'ai du déménager et donc m’équiper en électroménager etc

Du coup, je reprend un plus de coke,que ces 4 dernières années mais plus comme il y a une quinzaine d'années ou je pouvais acheter ma coke à coup de 100g ! 

Amicalement,

MM

Dernière modification par meumeuh (05 mars 2023 à  18:15)

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Le_toxicophile homme
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Bonjour Her,

Tes mots ne sont pas du tout brouillons et je suis troublé de la résonance de nos expériences.
Je remarque dans ton récit que tu as une longue expérience de ces produits, mais que tu sembles posséder également une longue expérience du "contrôle" de cette consommation. Je comprends que tu puisses avoir peur du débordement que crée cette pratique en toi et vis-à-vis d’un monde extérieur que tu aimes, mais tu sembles avoir également développé des garde-fous assez puissants (notamment la limitation dans le temps en termes de durées et d’horaires). J’imagine que ton environnement solide t’aide à forger une telle circonscription de ta pratique. Quelle serait alors ton envie profonde ? Prendre une véritable distance avec ces produits ? Ou plutôt continuer en cherchant à limiter au maximum les effets négatifs ?
De mon côté, j’ai souhaité arrêter pour tester quelque chose de nouveau. Je remarque, en tant que toxicophile, que ce que j’aime le plus dans cette consommation, c’est l’intensification de mon existence et de mon rapport au monde et aux autres. Je ne sais pas si tu connais ces paroles de Sherlock Holmes, le personnage de Conan Doyle :
« Mon esprit refuse la stagnation ; donnez-moi des problèmes, du travail ! Donnez-moi le cryptogramme le plus abstrait ou l'analyse la plus complexe, et me voilà dans l'atmosphère qui me convient. Alors je puis me passer de stimulants artificiels. Mais je déteste trop la morne routine et l'existence ! Il me faut une exaltation mentale : c'est d'ailleurs pourquoi j'ai choisi cette singulière profession ; ou plutôt, pourquoi je l'ai créée, puisque je suis le seul au monde de mon espèce. »
À passer des mois à expérimenter la défonce comme mode de conscience « normal » et « quotidien » m’incline à me questionner sur ce qu’est un état de conscience « normal » : plus exactement, je pense que cet « état » n’existe pas. Du coup, plutôt que de prendre le sevrage comme un retour à l’aride normalité de l’existence, j’essaie de le prendre comme une expérience nouvelle. Si je peux passer une période de ma vie sous prods, pourquoi ne pas essayer une nouvelle période sans prods, en vivant ce moment comme une étrangeté, comme une expérience singulière et non comme un simple retour à la norme, un simple retour à l’ordre. Il ne s’agit pas de se faire de grandes promesses candides d’abstinence, mais d’expérimenter quelque chose de nouveau. Et si ça foire, rien de grave, l’échec a de tout temps fait partie de l’expérimentation ; ce ne serait d’ailleurs pas un échec, mais un simple ratage.
D’ailleurs, je n’entends pas observer une abstinence pure, mais changer mon mode opératoire : j’ai construit ma prise de substance sur un mode solitaire, du coup je m’autorise encore les consommations collectives (qui, de fait, seront rares, n’étant pas entourés de personnes « praticantes »).
Je n’écris pas tout ça pour te convaincre de quoi que ce soit, mais simplement pour faire apparaître comment la perspective d’un arrêt peut se vivre aussi avec un état d’esprit similaire à ce que je cherchais dans les prods et non comme une négation de ce sentiment. 

Ensuite, je trouve que tu exprimes quelque chose qui résonne beaucoup avec mon expérience quand tu dis que la 3 rend, d’une certaine manière, les choses plus compliquées à gérer parce qu’elle se présente comme plus « douce » que d’autres stimulants. C’est comme si la dimension « clean » de ce type de substance rendait paradoxalement son usage plus difficile. Par exemple, j’aime beaucoup la MD, mais je trouve que c’est une molécule tellement engageante physiquement et psychologiquement, que je ne l’use que de manière parcimonieuse. Par contre, la 3 donne un tel sentiment de facilité dans la gestion des descentes et dans l’engagement temporel qu’implique une dose, que l’abandon dans ses bras est facilité, devenant presque naturel. De mon point de vue, j’ai l’impression que plus une substance semble « douce » et sans grand engagement et plus celle-ci m’apparait comme compliqué à gérer. J’ai notamment connu cela avec la 3-FPM, qui est une molécule très clean et très subtile (certain.es diront qu’elle ne fait quasiment pas d’effet) et qui m’a fait connaître des journées de binge à prendre des doses astronomiques sans avoir aucune prise sur cette consommation.

Pour finir, je me reconnais beaucoup quand tu dis « J'aime la personne que je suis quand je prends mes paras » et je pense qu’il ne faut pas nier ce sentiment qui exprime quelque de juste sur soi. En articulant une vie autour d’une autre vie, toute la difficulté et l’enjeu qui se présente à nous, c’est de parvenir à trouver un moyen d’articuler ces différentes vies ensemble sans forcément les fondre en une seule. C’est un véritable défi, qui a malgré tout quelque chose d’exaltant. C’est du moins la réflexion que je me fais wink

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Le_toxicophile homme
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champi vert0champijaune0cxhampi rouge0
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Hello meumeuh,

je suis tout à fait d’accord avec toi pour dire que l’ambivalence ne vient pas uniquement des prods. Il n’y a aucune vérité objective là-dedans. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai fait attention à ne pas parler de l’« ambivalence des drogues » (ce qui n’aurait aucun sens), mais de l’« ambivalence de l’expérience des drogues ».

L’expérience, c’est la relation qui lie un individu avec un produit : elle dépend donc à la fois de l’individu et du produit. Je te crois tout à fait quand tu dis que ta consommation de stimulants ne provoque absolument pas en toi de forme de repli sur cette consommation, ainsi qu’une disparition insidieuse de motivation pour d’autres activités de loisir. Cela ne veut pas dire que les substances ne participent pas de la possibilité d’une telle ambivalence, mais que le couplage que tu formes avec ces molécules ne produit pas chez toi cette ambivalence entre puissance et fragilité dont j’ai essayé de témoigner.

Toute la difficulté de ce genre d’analyse, c’est que l’expérience d’un produit n’est jamais quelque chose de purement objectif (qui permettrait de qualifier uniquement le produit : tel produit engendre nécessairement tels effets – point de vue de « la » science), ni quelque chose de purement subjectif (comme si nous vivions tous une expérience incomparable : non, il y a des communautés de pratiques et des communautés de ressentis, tout ne dépend pas de nos psychés, car nous faisons l’expérience de molécules extérieures à nous, présentant des caractéristiques matérielles manifestes).
Ni purement objectives ni purement subjectives, nos expériences sont justement ce qui permet à la fois de donner de la valeur aux témoignages individuels et singuliers (importance du subjectif), et ce qui permet de constituer du commun et donc une communauté d’expériences (le fait de partager quelque chose qui dépasse mon simple ressenti personnel, importance d’une forme d’objectivité dépassant la simple donnée particulière). Selon moi, c’est d’ailleurs là que se place tout l’enjeu d’un forum comme PA : créer une zone qui ne se réduit ni à une simple liste d’expériences purement personnelles qui ne communiqueraient pas entre elles, ni un étalage de connaissances scientifiques pharmacologiques incontestables, mais bien le lieu d’une communication entre ces deux cas limites.

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