Bonjour,
Je me rends compte que je n'ai jamais vraiment raconté par écrit mon parcours avec l'
alcool, au sein d'une communauté dédiée aux drogues et à la
RDR. Et je pense que mon témoignage peut peut-être être utile, alors j'aimerais le partager
Alors je vais essayer d'être le plus synthétique possible, mais ça risque quand même d'être un peu long (désolé).
Je suis un homme et j'ai 34 ans.
J'ai eu une enfance normale et plutôt épanouie, des parents dans le secteur de la culture et de l'enseignement, pas de trauma particulier. J'étais plutôt sociale, pas de trauma, pas de harcèlement. J'avais des potes un peu plus agés car j'avais un an d'avance. J'ai donc commencé à boire en soirée comme tout le monde, mais assez jeune, et assez massivement. Au départ pour l'euphorie, l'ivresse, les délires entre potes, etc.
Personnellement, je pense que l'age de départ de la conso et les quantités / fréquences sont un facteur puissant du développement de l'addiction.
Puis le lycée, puis la fac de droit. Je gérais plutôt bien mes études, mais petit à petit, en plus des soirées étudiantes, j'ai commencé à m'acheter une bière, puis deux, après les cours. Quelque chose dans ma tête me disait que c'était une pente glissante, mais je chassais cette idée, bien trop content d'avoir mon anxiolytique pour entamer cette fameuse "deuxième partie de la journée", la relache après les cours quoi.
Arrivé en M2, j'avais moins de cours, et plus de travail à la maison. J'ai commencé à boire seul de plus en plus, de plus en plus tôt dans la journée. Si bien que j'ai fini par perdre une première fois le contrôle, et faire une vraie crise d'enchaînement bière / ronpiche. Cela a duré plusieurs jours, jusqu'à ce que mes potes viennent me déloger avec l'aide des pompiers car je faisais le mort.
On m'a ramené chez mes parents, mais personne ne savait trop dans mon entourage les dangers de l'arrêt de l'
alcool. Au bout de deux jours, des syndromes de manque terrifiants sont arrivés, j'ai commencé à manifester des débuts de symptomes de délirium tremens, dont des délires confuso-oniriques qui m'ont beaucoup marqué. Avec un mélange entre le cauchemar et l'environnement qui m'entourait dès que je commençais à m'endormir. Une vraie torture.
Suite à cela, premier passage dans un service d'addicto, à l'hopital de La Rochelle à l'époque, pour un
sevrage classique. Malgré tout, c'était la fin du premier semestre, j'en ai profité pour tout arrêter, réviser, et j'ai réussi mon semestre. J'ai enchainé sur un second semestre sans boire une goutte. Et j'ai décroché mon diplôme, deuxième de ma promo.
Puis j'ai cherché du taff. J'ai pas mis trop longtemps à trouver (là où j'avais fait mon stage). Un boulot de juriste, dans le secteur du logement social (je préférais travailler pour le service public que pour des promoteurs
tant pis si ça paie moins). Pendant les 3 mois passés à chercher un boulot, je m'accordais une soirée alcoolisée avec des potes par semaine et bizarrement j'arrivais à tenir. Car je me disais toujours : "J'arrête pas de boire pour toujours. Juste pour la semaine". Car ouais j'crois que tous les alcoolo-dépendants connaissent cette terreur absolue d'imaginer la vie sans
alcool. Ca paraît juste irréalisable.
Et là, le stress. Beaucoup de responsabilités, dépaysement total avec la vie étudiante. Ca se passait bien mais voila, j'avais de nouveau besoin de "décompresser" après le taff, et d'associer quelques bières avec des parties de counter strike ou de league of legends avec des potes. Pourtant je faisais pas mal de sport aussi mais visiblement ça me suffisait pas à l'époque, il me fallait de l'
alcool.
Puis ça a continué comme ça, avec des gueules de bois pratiquement tous les matins, du mauvais sommeil, des arrangements avec la réalité auprès des proches. Puis j'ai déménagé à Paris pour vivre avec ma copine, j'ai trouvé un autre taff, et là j'ai du déployer un autre skill nécessaire à tout addict : le mytho. Omg c'est un boulot à plein temps ça, mentir, planquer, trouver des stratégies, réfléchir à l'avance, presser le pas pour passer au carrefour le plus vite possible après être sorti du métro.
Puis un matin, en 2017, trop mal le matin, ya eu le début de la vraie dépendance physique. Je me suis mis à passer à carrefour AVANT d'aller prendre le métro pour aller taffer. Histoire de m'enquiller deux despé dans un square en fumant deux clopes. Puis après je me suis mis à boire entre midi et deux. Au boulot ça a commencé à se voir au bout de deux ans (ce fut progressif). J'ai eu des absences, des arrêts, j'ai déja été ivre sur mon lieu de travail. Alors que j'étais très apprécié, y compris de mes supérieurs hierarchiques.
Quand ils ont vu que c'était mort, qu'il fallait que je me soigne, et qu'ils avaient besoin de quelqu'un pour occuper mon poste de façon assidue, ils m'ont proposé une rupture conventionnelle (très réglo, ça me niquait pas ma carrière). Mais dans la foulée, ma copine m'a laché après 4 ans car elle en pouvait plus de s'inquiéter pour moi et de me voir me dégrader et ne pas me soigner.
Puis 2018, traversée du désert, l'
alcool était devenu nécessaire physiquement, et un anesthésiant d'émotions. De retour chez les parents, qui vivaient très mal la situation. Je me suis blessé (chutes), j'ai même été interné une semaine à l'HP car je me suis endormi dans un couloir avec une clope et j'aurais pu foutre le feu. Pour le coup, me retrouver dans un HP de banlieue, en plein
sevrage, avec des gens ayant diverses maladies psy, pire expérience de ma vie je crois.
Bref, pour sortir, le deal c'était de m'inscrire en cure. Et je l'ai fait. 1ère cure en 2018 au SISA à La Rochelle. Très bonne structure, à taille humaine. Mais j'y suis allé à reculons, franchement ! Car je n'arrivais toujours pas à imaginer une vie sans
alcool. Même avec ce concept de "un jour à la fois" car on sait tous que c'est un trick pour te préparer à l'abstinence à vie lol. Mais au bout de quelques jours, j'ai eu ce que certains appellent le déclic. Je ne saurais pas expliquer, mais un soir avec d'autres patients, on a tapé un fou rire d'une heure. Je me suis rendu compte que je n'avais plu ri comme ça depuis très longtemps. Et j'étais sobre. Et rire pour moi c'est primordial dans la vie. Et là je sais pas, ya un truc qui s'est passé dans ma tête. Je me suis dit "En fait, en vrai, ça se fait. Vivre sans
alcool c'est peut-être possible. Et puis je me tape pas un mois de cure pour retaper une bière en sortant".
J'ai tenu un an et demi sobre ! J'ai retrouvé du taff sur Paris, ça se passait bien, je recommençais à me construire d'autres habitudes, je continuais de sortir et j'étais très transparent avec mon addiction, ça m'a jamais isolé des autres (Même si j'avais tendance à partir des soirées plus tot. Quand tout le monde est éclaté c'est moins intéressant).
Et en 2020 : BAM, COVID, CONFINEMENT. Dans mon 25m² du 11e. Là je me suis dit "en vrai, si ya un moment pour rechuter, c'est maintenant". Mais je savais que ça aurait des conséquences. Alors j'me suis remis à boire, j'ai aussi commandé un peu de
weed et de C, ce que je ne faisais pas avant. En vrai j'ai grave négligé mon taff et j'ai passé des bons moments en ligne avec mes potes. Car j'arrivais à pas finir raide mort. Par contre je pouvais plus boire de la bière. Une gorgée et je vomissais direct. Alors j'suis passé au rosé.
Et rebelotte, 4 mois après rupture conventionnelle à nouveau, cure au SISA à nouveau (2 ans après quasi jour pour jour). Mais cette fois la cure j'y suis allé bien décidé, car je savais que j'en avais besoin pour arrêter, mais aussi que c'était efficace. Puis après j'ai décidé de tourner la page de Paris définitivement. Me voila maintenant à Bordeaux, où j'ai pas mal de potes. Sobre depuis le 20 octobre 2020. Et je fais beaucoup de sport après le boulot maintenant et ça me suffit.
Plusieurs choses m'ont marqué : ce déclic et le pouvoir puissant que ça a. Pouvoir, soudainement, réaliser que vivre sans
alcool c'est possible. C'est quelque chose que je souhaite à tous les alcoolo-dépendants. Le suivi et se faire aider, aussi. C'est primordial. Parfois ça saoule, parfois ça prend du temps, parfois on entend et on répète les mêmes choses. Mais on chope toujours quelques petits fragments, phrases, techniques, qui nous marquent et seront utiles. Et ça apprend aussi à être humble. Car je me considère comme quelqu'un de favorisé, j'étais assez orgueilleux, désireux de tout contrôler, de me montrer toujours au top. Et comprendre que j'étais malade, au même titre que plein de gens très différents que moi, ça m'a fait redescendre sur terre.
Voila, aujourd'hui je suis toujours suivi par un médecin addictologue. Plus de suivi psy, je pense qu'à ce stade de ma vie j'ai fait le tour de ce que les psychologues pouvaient m'apporter.
Désolé pour le pavé, mais tout ça pour dire que probablement beaucoup de gens se reconnaitront dans des passages de mon parcours. Et j'aimerais que tous ceux qui ont pris le temps de lire se disent que oui, la vie sans
alcool, c'est possible. Et pour certains, c'est même vital.
KEEP UP !