J'aurais mis du temps à publier ici, un peu parce que flemme de retourner mes souvenirs douloureux et parce que j'avais l'impression que ça collait pas tout à fait au sujet, mais je vais me lancer.
J'ai développé des acouphènes permanents en fin d'année 2018, j'avais 19 ans. Ça a été horrible, vraiment les acouphènes ont été la chose la plus difficile à gérer dans ma vie, ça m'a fait passer de très sales moments, et ça a été une vraie spirale infernale où mes acouphènes me causaient du stress et m'empêchaient de bien dormir, donc en retour + de fatigue et + de stress. Jusqu'au point où j'ai stoppé mes études car j'y arrivais juste plus. Pourtant j'ai jamais eu de soucis avec les études et j'aimais plutôt bien, bien qu'en toute école de commerce que c'était, les cours c'était plus de la branlette qu'autre chose. Mais bon c'était une école top 5 donc je pensais finir mon Master et me planquer dans un job coolos' dans le conseil. Enfin bref, voilà pour la mise en contexte.
J'ai donc eu des acouphènes et suis très rapidement rentré dans une période de stress intense, dans une période d'impuissance face à ce qu'il m'arrivait, une période allongée de profond mal-être, voire clairement de torture. Ça m'a épuisé psychologiquement. Je les ai encore et ça a encore tendance à me tourmenter, mais de façon bien moins hardcore. Je m'y suis habitué, autant que faire se peut quand on a un "iiiiii" permanent dans les deux oreilles, assez fort qu'on peut l'entendre dans le train quoi.
Bref, j'ai consulté en tout 6 où 7 ORL dans toute la France, me rappelle plus combien exactement. Les 2 derniers m'ont pas infantilisé et m'ont clairement dit "à ce jour on peut pas t'aider. Peut-être dans 50 ans quand la médecine aura plus évolué" en gros.
Par contre 2 des premiers que j'ai vu, ont contribué en partie au fait que je vive si mal mes acouphènes.
Le premier, dont j'avais parlé sur un topic à l'époque (voir :
https://www.psychoactif.org/forum/t3942 … henes.html ) m'avait dit "c'est à cause la clope, arrêtez la clope et ça ira mieux". Je lui avais pas dit que je fumais de la
beuh tous les jours à ce mec-là. Donc déjà avec lui (premier médecin que je voyais pour ça), ça partait mal.
J'en ai ensuite vu d'autres, dont 1 à Nice, un quarantenaire qui se croit super frais mais qui a une vieille tête de pouce calvitiée, enrobée de tâches d'acné résiduelle qui ressemblait fort à une poussée acnéique dû à un burn-out. J'en sais rien, en vrai. Mais c'était une vraie tête de con quoi.
Je lui pose le contexte, lui dit que j'ai fait le tour des ORL et que pour l'instant personne m'a rien dit de pertinent, que je comprends pas parce que soit on me dit "on peut rien pour toi", soit on a quelque chose à faire pour m'aider, mais que d'être dans cet entre-deux chelou où, personne ne sait me donner le début d'une réponse, ni n'ose me dire vérité : mes acouphènes, je les garderai à vie car la médecine actuelle comprend très mal le phénomène tant il est mal étudié. Que y'a beaucoup de causes pour les acouphènes et que c'est le symptôme d'une pathologie plutôt qu'une pathologie en soi.
Mais du coup, je continue de voir tous les spécialistes que je peux tant que j'ai pas ni l'un, ni l'autre.
Il me demande alors s'il y a des choses qui peuvent me paraître pertinente (par rapport au contexte du déclenchement des acouphènes) que j'aurais omis de préciser précédemment. Je lui reraconte donc l'histoire, en lui précisant qu'avant de partir j'avais fumé un bon gros
joint avec ma colloque de l'époque. Qu'elle avait chargé le
joint et que j'étais très def. Je lui ai pas dit comme ça évidement, mais l'idée était là quoi.
Ni une, ni deux, il se saisit de ça pour me dire que c'est normal, c'est à cause de la
beuh. Que lui, dans son éminente carrière d'ORL, il a déjà rencontré des gens avec des acouphènes et que "bizarrement", ils fumaient presque tous.
OK, why not. Et c'est vrai que sur reddit je voyais des gens dirent que leurs acouphènes venaient de ça (avec le recul et toutes les recherches que j'ai continuées à faire, RIEN ne laisse penser cela, ça ressemble plutôt au fait que pleins de gens se disent "qqch ne va pas avec mon corps = qu'est-ce que je fais qui n'est pas "normal" = oh tiens je prends une drogue illegale le pb doit sûrement venir de là! Eurêka!").
Bref du coup je lui demande alors, si j'arrête de fumer, ça veut dire que ça s'arrêtera? Chose à laquelle il me dira évidemment non, ça y est je suis niqué, j'avais qu'à faire attention et puis c'est tout. Il me demande comment ça se fait que j'y ai pas pensé, vu que selon lui c'est LA cause, c'est LA réponse logique. Ben je sais pas vieille brique retardée, j'y ai jamais pensé parce que j'ai remarqué aucune corrélation entre les deux peut-être? Bref.
A l'époque du topic cité plus haut d'ailleurs, j'avais déjà écrit que j'avais l'impression que la
beuh ne faisait rien à mes acouphènes.
Mais bon, quand un ORL, un mec qui a passé de longues années d'étude spécifiques te dit avec autant d'assurance que le pb vient de "x", ben tu en crois son expertise, et, tout jeune de 19 ans que t'es, tu t'en convaincs, et biais de confirmation après biais de confirmation (entendre : témoignages trouvés ci et là sur internet, vidéos d'ORL pourris qui essayent de te vendre un remède, article buzzfeed éclatés non-sourcés qui viennent te gerber une pseudo-science à la gueule etc...), j'en suis venu à croire que si, en fait quand je fume, ça influe le ressentit que j'ai de mes acouphènes.
Et, à nouveau, tout cerveau modulable de moins de vingt ans que j'avais, s'est mis à le ressentir en tant que tel.
J'ai continué de fumer tout ce temps. Parce que j'avais pas envie d'arrêter, en fait. J'en parle aussi dans le premier topic linké au-dessus, de ça. J'avais pas envie d'arrêter parce que ça me procurait aucun effet négatif en soi, si ce n'est les gros dommages liés à la combustion et le trou dans le porte-monnaie. J'avais redoublé ma deuxième année parce que j'avais trop d'absences, pas même à cause des partiels, que j'ai Ace un par un d'ailleurs, la
weed influençait pas sur mes études.
Peut-être sur ma capacité de mémorisation instantanée, ce qui rendait un peu plus long mes séances de révision? Mais bref, j'avais pas envie d'arrêter "de moi-même".
Faut aussi saisir que quand on a une pathologie où toutes les réponses sont pas documentées (à l'inverse d'une gastro ou d'un rhume par exemple) et où le traitement n'est pas fonctionnel pour tout le monde voire carrément inexistant, ben on a aussi cette peur de l'inconnu. Cette peur que, demain, si ça s'empire, ben juste t'auras une vie moins bien. Ta vie, qui est déjà marquée par une pathologie reloue, sera encore plus teintée de noirceur parce que cette même pathologie aura empiré.
Je sais pas si j'arrive à bien communiquer cette sensation. Mais en gros se dire que demain peut être pire sans avoir la moindre marge de manœuvre, c'est vraiment flippant. Imaginez-vous, quand vous êtes rêveur sous une douche chaude, pendant que vous faites votre balade, vous réfléchissez sur le futur, sur la vie...
Et il est toujours agréable d'avoir des pensées qui dévient naturellement vers l'éventualité la plus positive, la plus rassurante.
Mais même quand toutes tes pensées drift invariablement vers :"putain en fait ça peut être encore pire ma vie, y'a rien que je puisse faire pour lutter contre ça" ben moi, à l'instar du cliché, ça me donne pas envie de vivre en mode "yolo", de profiter des beaux instants machin truc.
Non, moi ça me donnait cette sensation que mon corps fonde et s'effondre sur lui-même, ça me donnait l'impression qu'on m'ôtait une partie de mon bonheur potentiel. Donc à quoi bon essayer d'être heureux si ce bonheur serait de toute façon tâché?
Donc voilà, j'en viens à me dire qu'il faudrait que j'arrête, parce que déjà c'est le truc qui m'a causé les acouphènes, la
beuh. Alors rien que par rancune j'ai envie d'arrêter limite. Et aussi parce que peur de me dire que fumer = empirer mes acouphènes sur le temps, donc je me disais qu'il fallait arrêter.
Sauf qu'en fait j'avais rien mis en place pour ce faire, genre j'me suis dit grossièrement, "allez faut que j'arrête, c'est pour ma santé et mon instinct de survie va prendre le dessus et puis je vais arrêter naturellement, ballek", pareil j'arrive pas trop à mettre des mots sur le sentiment.
Mais je me suis mis dans un état d'esprit que, vu que c'est la cause de mes acouphènes, et que mes acouphènes m'offrent à bras ouverts une vie de merde, alors mon cerveau réagirait de lui-même en mode résigné à arrêter, parce que litérallement c'est mon remède contre ce mal-être!
Sauf que ouais, j'ai rien mis en place pour arrêter, j'avais du stock chez moi, je sortais tous les soirs et je fumais donc tous les soirs, et invariablement je me disais "ben j'ai pas fumé de moi-même, c'est le contexte qui a fait que..." donc bon je me disais c'est normal que mon cerveau se soit pas de façon tout à fait extraordinaire mis en mode "instinct de survie" comme j'en parlais avant.
Sauf que du coup je faisais des méga fixettes sur mes acouphènes, qui faisait qu'au moment de m'endormir en étant def je me disais toujours, en les écoutant avec attention :"est-ce qu'ils sont plus forts que d'hab, là? Est-ce qu'ils ont toujours eu cette même tonalité?" etc.… pleins de questions à la con, et je me suis auto-persuadé que ça amplifiait :
1) le volume des acouphènes en lui-même
2) le volume perçu, ressenti
3) la gêne générale occasionnée
4) le fait que des fois je faisais des mini-crises d'acouphènes "pulsatils" et des mini-crises d'hyperacousie (dans le sens je me suis auto-persuadé que ça augmentait leur fréquence, intensité et durée, alors que pas du tout, en fait).
J'en suis arrivé à des stades de culpabilisation de oufs, à tel point qu'à un moment je me disais vraiment : "mais à quoi ça rime, tout ça? Tu continues de fumer donc tu continues de cultiver un mal-être qui te pourri la vie, en ouvrant EN PLUS la possibilité à ce que ça s'empire? Faut vraiment être une grosse merde pour vivre comme ça"
Il aura fallu que j'arrête de fumer pendant 8 semaines (même pas par envie spécialement, mais juste pcq j'avais travaillé 2 mois à l'étranger) pour me rendre compte qu'en fait, rien n'avait changé en arrêtant de fumer.
Ni l'intensité, ni le volume perçu, ni la gêne que ça me causait, ni la sensation d'oreille "pleine" que j'avais des fois, ni les épisodes d'hyperacousie/acouphènes pulsatiles (qui s'étaient vastement calmés entre-temps), ni rien, en fait.
Rien n'a changé.
Mais le pire dans tout ça, c'est qu'en fait c'est même pas comme si ça avait cliqué dans ma tête, un soir de
sevrage. Non, ça a été un processus long (début acouphènes : 1er novembre 2018 pour remettre dans le contexte) qu'en fait j'ai commencé vraiment à comprendre y'a quelques mois, date d'ailleurs à laquelle j'ai écrit un blog pour mes 6 ans sur psychoactif où je disais justement que je parlerai une dernière fois de mes acouphènes parce que j'avais justement cessé de culpabiliser, j'avais franchi un cap, mais c'était pas un cap abrupte, c'était un putain de marathon.
Et du coup, j'ai vraiment compris récemment, et j'ai réussi à verbaliser pour la première fois y'a peu, que ce putain de sentiment de liberté que je ressentais ces derniers mois était en partie dû au fait que je m'étais, lentement mais sûrement, sans trop vraiment m'en rendre compte, désenchaîné de cette culpabilité. Ça, et aussi le fait que le temps fasse son œuvre, que les sentiments de colère et de frustration s'était atténué. C'est devenu limite normal maintenant, et je suis "content" que ça me soit arrivé jeune, pendant que j'ai encore un cerveau en pleine neuro-plasticité. Y'a des prémisses d'étude qui parlent du fait que les gens qui développent des acouphènes tôt ont tendance à mieux l'appréhender. Même si moi j'ai été une exception vu que ça aura été un chemin de plus de 4 ans.
Mais du coup, je tire du positif de cette expérience, au final. Je suis tellement plus patient, compréhensif, tolérant qu'avant. j'ai souvent eu un problème, celui d'être très intolérant avec les gens que j'aimais pas ; sur des caractères qui me sont bien spécifiques d'ailleurs. J'ai souvent eu du mal avec l'autorité bête et méchante (qui n'a pas de mal avec ça, après tout?) mais c'était exacerbé, trop. J'ai l'impression que ça à beaucoup adoucis mes émotions et leur ressenti, chose avec laquelle j'ai eu beaucoup de mal.
Et je sais pas tout à fait pourquoi, mais j'ai le sentiment que je peux attribuer ça à toute la douleur, tout le chagrin et toute la désolation que j'ai vécu tout ce temps.
Mais du coup, je me suis tatoué la note du silence un peu pimpé sur le torse, parce que c'est moi qu'ai gagné et qui ai retrouvé une partie enfouie de mon bonheur, d'abord, na!
Fuck you les acouphènes c'est moi qu'ai gagné, haha! c'est moi que j'suis l'meilleur!
Dernière modification par Agartha (17 mars 2023 à 16:54)