Dans "Sicario", en lice pour la Palme d’or, Benicio Del Toro incarne Alejandro, un mystérieux conseiller de la CIA dans la lutte contre les cartels de la drogue. Un sujet que l’acteur, primé à Cannes pour "Che", connaît (presque) sur le bout des doigts.Lorsqu’on a gagné le prix d’interprétation à Cannes (pour Che, en 2008 ndlr), on est un peu le roi ici, non ?Ah bon ? On ne m’avait pas prévenu ! Où est ma couronne Thierry Frémaux (le délégué général du
festival (ndlr) ? (rires) Plus sérieusement être primé ici reste l’un des plus grands moments de ma carrière, vous savez.
C’était mieux que l’Oscar du second rôle pour Traffic ?Pas mieux… mais aussi bien, sans doute. L’Oscar, c’est quand même quelque chose. D’autant plus que j’étais assez neuf dans le métier.
Vous avez joué dans plusieurs films qui abordent les cartels de la drogue. Traffic, qui vous a donc valu l’Oscar. Ou Savages plus récemment. Diriez-vous que Sicario est l’un des plus réalistes ?Avec Traffic, oui. Ce sont deux approches différentes. Je pense que Traffic était un film plus idéaliste. Mon personnage essayait de faire le bien dans un monde immoral. Sicario est plus radical. Je joue un homme qui a souffert le martyre à cause de cette guerre. Et désormais, il lutte contre la violence par la violence.
Avez-vous eu besoin de faire des recherches où est-ce un sujet que vous connaissez bien ?J’avais fait mes recherches avant, pour
Traffic mais aussi pour un téléfilm au début des années 1990, Drug Wars. A l’époque, je suis devenu ami avec des gens qui connaissent bien cet univers et je les ai rappelés pour Sicario.
Vous avez des amis des deux côtés ?Non, non, seulement du bon côté de la loi ! (sourires). J’ai rencontré des gens du mauvais côté… mais je ne peux pas dire que ce sont des amis. Je ne vais pas au resto avec eux… ça pourrait m’attirer des ennuis.
Diriez-vous que cette guerre des cartels a empiré depuis Traffic ?Disons que ça ne s’est pas amélioré. Mais il y a des évolutions dans la bonne direction. La
légalisation de la
marijuana dans certains états américains, pour des raisons médicales, en est une. C’est le chemin qu’il faut explorer. Dans le film, mon personnage, comme celui joué par Josh Brolin, marche sur un chemin dangereux. Un chemin qui ne peut générer que davantage de violence.
Pensent-ils être les gentils de l’histoire ? Ou sont-ils au-delà des questions de bien et de mal ?Ils pensent être les gentils, oui. Ce ne sont pas les premiers à penser faire le bien en se comportant de façon immorale. Ils sont capables de se justifier. Le pacifisme, très peu pour eux. Surtout lorsque votre famille a été détruite par cette guerre. C’est cette violence qui a fait de mon personnage le monstre qu’il est devenu.
Dans Sicario, votre jeu passe beaucoup par le regard, les gestes. Quelques détails. Sur un plateau êtes-vous le genre d’acteur qui a besoin de plusieurs prises pour donner le meilleur ?Ca dépend de la scène. Mais lorsque j’arrive sur un plateau, je suis prêt. J’ai travaillé, j’ai répété. Je ne viens pas pour m’échauffer. Si je dois jouer un truc avec de l’émotion, je n’ai pas besoin de plus de deux ou trois prises. Parfois, on a besoin d’explorer davantage. Reste qu’au-delà de six prises, j’ai tendance à être fatigué ! (rires).
Vous rappelez-vous la dernière fois que vous vous êtes senti paumé sur un tournage ?A chaque fois mec. Je suis paumé à chaque fois. L’important c’est de ne pas le rester très longtemps. (Il réfléchit) Bon, sur Les Gardiens de la galaxie je me rappelle d’une scène où je devais parler à une balle de tennis censée représenter Rocket le raton laveur. Et là on se dit ‘je parle à qui ? A une balle ou un raton laveur ?’. Et franchement c’est un peu perturbant ! (rires).