Vu par Libération :
Lors de la célébration de la
légalisation, mercredi à Portland. (Photo Steve Dipaola. Reuters)
Légalisation du cannabis : la France doit suivre la piste de l’OregonUn exemple à suivre pour la France ? Depuis mercredi, l’usage récréatif du
cannabis est légal en Oregon (Etat du nord-ouest des Etats-Unis), les électeurs l’ayant approuvé par référendum en novembre.Si on a plus de 21 ans, on peut en consommer dans un lieu privé, en détenir 8 onces (227 grammes) et quatre plants chez soi, ou se promener avec 28 grammes. Mais pas encore en acheter : les premiers établissements de vente pour l’usage récréatif devraient voir le jour fin 2016 (il en existe déjà 300 pour la vente thérapeutique). Chez nous, rien de tout ça : on peut toujours prendre en théorie un an de prison pour usage de stups, délit pour lequel plus de 150 000 personnes sont arrêtées chaque année - on s’en plaignait sous Sarkozy, mais ça augmente sous Hollande. Une politique liberticide, inique, coûteuse et inefficace. La répression ne sert à rien mais combien de temps la France pourra-t-elle continuer la politique de l’autruche ? Si les Etats-Unis, moteur de la «guerre à la drogue» depuis quarante-cinq ans, changent de paradigme, la prohibition, qui ne sert que les dealers, ne tiendra plus lieu de religion mondiale. Avant d’affronter cette réalité, Paris a encore un petit sursis, car les expérimentations ne concernent que quatre Etats (Oregon, Colorado, Etat de Washington et Alaska). Mais l’an prochain sonne comme une étape cruciale : les partisans de la
légalisation espèrent que, par référendum, elle sera approuvée dans de nouveaux Etats, faisant ensuite basculer le pays. «Le chat est sorti du sac, nous explique Brian Vicente, l’avocat de Denver à l’origine de la
légalisation au Colorado. On est allé assez loin pour ne plus revenir en arrière. Vingt-trois Etats ont légalisé le thérapeutique. En 2016, 5 ou 6 nouveaux Etats vont légaliser le récréatif, dont la Californie, le Massachusetts, le Nevada. Je ne vois pas le prochain président tourner le dos à ces votes.» Pourtant, c’est possible : le produit reste illégal au niveau fédéral. L’administration Obama tolère les Etats légalisateurs, mais tout nouvel élu à la présidentielle de 2016 pourra interdire les systèmes légaux de vente - pas l’usage, prérogative des Etats. Cela dit, si la Californie et ses 39 millions d’habitants légalisent, il sera difficile de revenir en arrière. Mais les opposants, comme Kevin Sabet (Smart Approaches to
Marijuana), espèrent que tout n’est pas joué : «Quand les Orégonais se rendront compte que la
base de tout ceci, c’est la Big
Marijuana [en référence à Big Tobacco, l’industrie du
tabac, ndlr] qui veut faire de l’argent, et qu’ils verront des enfants empoisonnés par des oursons en guimauve et des cookies farcis au
THC, ils émettront quelques réserves.» En 2014, le marché américain a pesé, selon le cabinet The Arcview Group lié à l’industrie du
cannabis, 2,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires (récréatif plus thérapeutique). Soit une croissance de 75 % par rapport à 2013. Cette ruée sur l’or vert produit des taxes qui, au Colorado, servent aux écoles. La France pourrait y trouver de nouvelles ressources. Chiche ?
Michel HENRY Journaliste au service Planète @michelhenry
Source :
liberation.fr