Suite au vote de la loi de santé, dans laquelle le gouvernement avait inscrit les salles de shoot dans un article (43) et la redéfinition de la
réduction des risques dans un autre article (41), des député LR ont contesté la constitutionalité de ces articles.
Le conseil constitutionnel vient de répondre que la
réduction des risques et les salles de shoot était tout a fait conforme à la constitution française.
Voici leur délibéré :
- SUR L'ARTICLE 41 :
23. Considérant que l'article 41 est relatif à la politique de
réduction des risques et
des dommages pour les usagers de drogues ; que cet article insère au sein du titre
Ier du livre
IV du code de la santé publique un nouveau chapitre Ier bis intitulé «
Réduction des risques et des dommages » comprenant les articles L. 3411-7 à L.
3411-10 ; que le nouvel article L. 3411-8 définit dans son paragraphe I les objectifs
devant être poursuivis par la politique de
réduction des risques et des dommages
en direction des usagers de drogues ; que son paragraphe II énumère les domaines
d'action de cette politique ; que son paragraphe III prévoit une irresponsabilité
pénale pour les intervenants agissant dans le cadre de cette politique ; que son
paragraphe
IV dispose que cette politique s'applique également aux personnes
détenues ; que le nouvel article L. 3411-10 indique que les modalités d'application
du chapitre créé sont déterminées par décret en Conseil d'État ;
24. Considérant que les députés saisissants soutiennent que les dispositions de
l'article 41 méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et
d'accessibilité de la loi ainsi que le principe de « clarté » de celle-ci dans la mesure
où la définition de la politique de
réduction des risques est insuffisamment précise
pour permettre de déterminer le périmètre de l'irresponsabilité pénale instituée en
faveur des intervenants ; que, par ailleurs, en renvoyant à un décret en Conseil
d'État la détermination des modalités d'application du chapitre créé, le législateur
aurait méconnu l'étendue de sa compétence dès lors que le champ d'une
irresponsabilité pénale doit être précisément fixé par la loi ; que ces dispositions
porteraient également une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant la
loi en ce qu'elles exonèrent certains professionnels de leur responsabilité pénale en
cas d'infraction à la législation sur les stupéfiants ; qu'enfin, les dispositions
contestées violeraient diverses conventions internationales auxquelles la France est
partie ;
25. Considérant, en premier lieu, qu'en application de l'article 34 de la Constitution,
il revient au législateur de fixer, dans le respect des principes constitutionnels, les
règles concernant la détermination des crimes et délits qu'il crée, ainsi que les
peines qui leur sont applicables ; qu'il peut aussi prévoir, sous réserve du respect
des règles et principes de valeur constitutionnelle et, en particulier, du principe
d'égalité, que certaines personnes physiques ou morales bénéficieront d'une
immunité pénale ; qu'il résulte de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe
de la légalité des délits et des peines posé par l'article 8 de la Déclaration de 1789,
la nécessité pour le législateur de fixer lui-même le champ d'application de la loi
pénale, de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour
permettre la détermination des auteurs d'infractions et exclure l'arbitraire dans le
prononcé des peines, et de fixer dans les mêmes conditions le champ d'application
des immunités qu'il instaure ;
26. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit
être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe
d'égalité devant la loi pénale ne fait pas obstacle à ce qu'une différenciation soit
opérée par le législateur entre agissements de nature différente ;
27. Considérant que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et
d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de
1789, lui impose d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules
non équivoques ;
28. Considérant, d'une part, que le paragraphe I de l'article L. 3411-8 du code de la
santé publique prévoit que la politique de
réduction des risques et des dommages
en direction des usagers de drogues vise à prévenir les dommages sanitaires,
psychologiques et sociaux, la transmission des infections et la mortalité par surdose
liés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme
stupéfiants ; que, selon les dispositions du paragraphe II du même article, la mise
en œuvre de cette politique permet de délivrer des informations sur les risques et
les dommages associés à la consommation de substances psychoactives ou
classées comme stupéfiants, d'orienter les usagers de drogues vers les services
sociaux et les services de soins généraux ou de soins spécialisés, de promouvoir et
distribuer des matériels et produits de santé destinés à la
réduction des risques et
de promouvoir et superviser les comportements, les gestes et les procédures de
prévention des risques, de participer à l'analyse, à la veille et à l'information, à
destination des pouvoirs publics et des usagers, sur la composition, sur les usages
en matière de transformation et de consommation et sur la dangerosité des
substances consommées ; que le 4° de ce même paragraphe précise que la
supervision consiste à mettre en garde les usagers contre les pratiques à risques, à
les accompagner et à leur prodiguer des conseils relatifs aux modalités de
consommation des substances mentionnées au paragraphe I et qu'elle ne peut
comporter aucune participation active aux gestes de consommation ;
29. Considérant, d'autre part, qu'en vertu du paragraphe III de l'article L. 3411-8,
l'intervenant agissant conformément à sa mission de
réduction des risques et des
dommages ne peut, à ce titre, être déclaré pénalement responsable ;
30. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le législateur a précisément
défini les actions pouvant être menées dans le cadre de la politique de réduction
des risques et des dommages en direction des usagers de drogues ; que ces
actions ne peuvent comporter aucune participation active aux gestes de
consommation ; que seules les personnes agissant dans le cadre de cette politique
bénéficient d'une immunité pénale pour les seuls actes qu'elles réalisent à ce titre ;
que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'introduire d'autres
exonérations de responsabilité pénale que celles qui sont nécessaires pour
l'accomplissement de la mission ainsi définie ; que le renvoi au décret résultant de
l'article L. 3411-10 du code de la santé publique a pour objet de déterminer les
modalités pratiques de la politique de
réduction des risques et des dommages en
direction des usagers de drogues et ne saurait modifier le champ des actions
pouvant être menées dans le cadre de cette politique ; qu'ainsi, en adoptant les
dispositions contestées, le législateur a défini en des termes suffisamment clairs et
précis le champ d'application de l'immunité qu'il a instaurée ; qu'eu égard au
périmètre de cette immunité et à l'objectif que s'est fixé le législateur, la différence
de traitement qui en résulte ne méconnaît pas le principe d'égalité ; que les
dispositions de l'article 41 ne sont entachées ni d'inintelligibilité ni d'incompétence
négative et ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi pénale ;
31. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution : «
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication,
une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité,
de son application par l'autre partie » ; que, toutefois, il n'appartient pas au Conseil
constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution,
d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord
international ; qu'ainsi, les griefs tirés de la violation des conventions susvisées ne
peuvent qu'être écartés ;
32. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions de l'article
41, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être
déclarées conformes à la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 43 :
33. Considérant que le paragraphe I de l'article 43 prévoit la création à titre
expérimental de salles de consommation à moindre risque au sein des centres
d'accueil et d'accompagnement à la
réduction des risques et des dommages pour
usagers de drogues ; que son paragraphe II prévoit que les personnes majeures
consommant des drogues qui souhaitent bénéficier de conseils en réduction de
risques sont autorisées, dans ces salles, à détenir les produits destinés à leur
consommation personnelle et à les consommer et que le professionnel intervenant
dans ces espaces ne peut être poursuivi pour complicité d'usage illicite de
stupéfiants et pour facilitation de l'usage illicite de stupéfiants ; que le paragraphe III
prévoit que les centres d'accueil et d'accompagnement à la
réduction des risques et
dommages pour usagers de drogues adressent chaque année un rapport sur le
déroulement de l'expérimentation ; que le paragraphe V prévoit que les dispositions
du code de l'action sociale et des familles relatives à l'autorisation par le
département des établissements sociaux et médico-sociaux ne sont pas applicables
aux projets de mise en place des salles de consommation à moindre risque ;
34. Considérant que les députés requérants soutiennent que les dispositions du
paragraphe I de l'article 43 relatives à la durée de l'expérimentation sont
inintelligibles ; que celles du paragraphe II de ce même article méconnaîtraient le
principe d'égalité devant la loi dès lors que l'immunité qu'elles instaurent n'est pas
justifiée par un motif d'intérêt général et que le critère de la présence dans une salle
de consommation à moindre risque est inapproprié ; qu'il en résulterait également
une atteinte au principe de légalité des délits et des peines ; qu'enfin, les
dispositions contestées violeraient diverses conventions internationales auxquelles
la France est partie ;
35. Considérant, que si, sur le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, le
Parlement peut autoriser, dans la perspective de leur éventuelle généralisation, des
expérimentations dérogeant, pour un objet et une durée limités, au principe d'égalité
devant la loi, il doit en définir de façon suffisamment précise l'objet et les conditions
et ne pas méconnaître les autres exigences de valeur constitutionnelle ;
36. Considérant, en premier lieu, que le paragraphe I de l'article 43 prévoit que
l'expérimentation autorisée par cet article ne pourra excéder une durée maximale
de six ans à compter de la date d'ouverture de la première salle de consommation à
moindre risque au sein d'un des centres d'accueil et d'accompagnement à la
réduction des risques et des dommages pour usagers de drogues ; qu'ainsi, le
législateur a précisément fixé la durée maximale de l'expérimentation qu'il a
autorisée ;
37. Considérant, en second lieu, que, selon le paragraphe II de l'article 43, dans les
salles de consommation à moindre risque, les personnes majeures consommant
des substances psychoactives ou classées comme stupéfiants qui souhaitent
bénéficier de conseils en réduction de risques sont autorisées à détenir les produits
destinés à leur consommation personnelle et à les consommer sur place ; que cette
consommation doit toutefois intervenir dans le respect du cahier des charges
national arrêté par le ministre chargé de la santé et sous la supervision d'une
équipe pluridisciplinaire comprenant des professionnels de santé et du secteur
médico-social ; que, dès lors qu'elles respectent ces conditions, les personnes
détenant pour leur usage personnel et consommant des stupéfiants à l'intérieur
d'une salle de consommation ne peuvent être poursuivies pour usage et détention
illicites de stupéfiants ; que les professionnels de santé intervenant à l'intérieur de
ces salles ne peuvent, dès lors qu'ils agissent conformément à leur mission de
supervision, être poursuivis pour complicité d'usage illicite de stupéfiants et pour
facilitation de l'usage illicite de stupéfiants ;
38. Considérant que, d'une part, la création des salles de consommation à moindre
risque a pour objet de réduire les risques sanitaires liés à la consommation de
substances psychoactives ou stupéfiantes, d'inciter les usagers de drogues à
s'orienter vers des modes de consommation à moindre risque et de les mener vers
des traitements de
substitution ou de
sevrage ; que le législateur a précisément
délimité le champ de l'immunité qu'il a instaurée en réservant celle-ci à des
infractions limitativement énumérées et en précisant dans quelles conditions les
personnes se trouvant à l'intérieur des salles de consommation pouvaient en
bénéficier ; que, d'autre part, en limitant le bénéfice de l'immunité aux personnes se
trouvant à l'intérieur de ces salles, il a entendu inciter les usagers à s'y rendre afin
de favoriser la politique poursuivie de
réduction des risques et des dommages ; qu'il
s'ensuit qu'en adoptant les dispositions contestées le législateur a instauré une
différence de traitement en rapport avec l'objet de la loi ; qu'il a défini de façon
suffisamment précise l'objet et les conditions des expérimentations en cause et le
champ d'application de l'immunité qu'il a instaurée ; que les dispositions de l'article
43 ne sont en conséquence pas entachées d'inintelligibilité et ne méconnaissent ni
le principe d'égalité devant la loi pénale ni le principe de légalité des délits et des
peines ;
39. Considérant que les griefs tirés de la violation des conventions susvisées ne
peuvent qu'être écartés ;
40. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions de l'article
43, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être
déclarées conformes à la Constitution ;