La récente série d'overdoses, signe alarmant du retour de l'
héroïne en France
PARIS (AFP) — La série d'overdoses survenue ces derniers jours en Ile-de-France et dans l'Oise constitue pour les pouvoirs publics et les associations un signe supplémentaire du retour alarmant de la consommation d'
héroïne en France et d'un "recrutement" de nouveaux usagers peu informés.
Etienne Apaire, président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies (Mildt), interrogé par l'AFP sur les overdoses qui ont frappé au moins 38 personnes ayant consommé une
héroïne assez concentrée coupée à l'
alprazolam (molécule du
Xanax, médicament anxiolytique), parle de "regain d'usage" de cette drogue dure dont on annonçait la quasi-disparition il y a quelques années.
"Cela tient à un renouvellement sensible de l'offre en provenance d'Afghanistan et à l'émergence concomitante d'un nouveau public d'usagers qui en sous-estime la dangerosité", explique-t-il.
M. Apaire annonce à la fois un renforcement de la lutte contre les précurseurs nécessaires à la transformation de l'
héroïne, une intensification de la lutte contre les trafics et le lancement en septembre prochain d'une "campagne de sensibilisation sur la dangerosité des drogues".
En août dernier, la Direction générale de la Santé avait déjà signalé des tendances "inquiétantes" dans la consommation d'
héroïne en France parlant notamment d'une "augmentation continue" parmi "des populations peu familières de ces produits", en particulier des jeunes "plutôt insérés socialement".
Le phénomène est d'ailleurs européen puisque l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies avait lancé un cri d'alarme sur les
opiacés lors de la publication de son rapport annuel en novembre dernier.
"On voit un retour de l'
héroïne depuis quatre ans", a expliqué à l'AFP Pierre Chappart, qui gère le forum internet de Asud (Auto-support des usagers de drogue), première association française de consommateurs de stupéfiants. "Il y a notamment de nouveaux usagers, assez jeunes, peu informés, qui s'injectent ou sniffent et puis des personnes qui en ont marre de leur produit de
substitution (Subutex ou
Méthadone) et reprennent de l'
héroïne".
Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), quelque 360.000 personnes auraient expérimenté l'
héroïne en France (estimations datant de 2005).
Asud et
Safe, association de
réduction des risques liés aux drogues (RDR) dénoncent également "la répression" des usagers de drogue qui, selon elles, "n'a jamais été aussi intensive" et ses conséquences sur les consommateurs d'
héroïne amenés à se cacher et à prendre davantage de risques.
"On shoote vite dans un endroit peu adapté et souvent seul, on apprécie mal les quantités", expliquent ces associations militant pour l'aide à l'injection, la mise en place de "salles de shoot" et la
légalisation de l'
héroïne médicalisée qui restent tabous en France.
"La répression est contre-productive et on espère qu'elle ne va pas augmenter après ces overdoses", ajoute Valère Rogissart, vice-président de l'Association française de
RDR (AFR). "Quand il y a une intoxication alimentaire, il y a des messages de santé publique, c'est également ce qu'il faut privilégier dans le cas d'overdoses notamment à destination de jeunes injecteurs peu informés et dans un contexte d'explosion de l'hépatite C chez les usagers de drogues".