Voilà une "coutume indienne" originale du genre qui ferait voter pas mal de monde en France qui d'habitude ne le font jamais
Article du Parisien du 2/02/17 selon AFP
Au Pendjab indien, de la drogue contre des votes|
Rajendar aime la démocratie, surtout en période d'élections. Cet accroc à l'
opium du Pendjab indien n'a alors plus besoin de mendier, voler ou emprunter pour se procurer sa dose: la drogue lui est amenée à domicile par le parti qui courtise son vote.
"Comme tous les accrocs, j'adore les élections. J'aimerais qu'il y en ait tous les mois", raconte ce travailleur agricole de 38 ans, une lueur de convoitise dans les yeux, à quelques jours d'un scrutin local.
"C'est la période la plus facile pour mettre la main sur ce dont vous avez besoin. Normalement vous devez sortir et trouver un dealer, mais en période électorale on vous apporte ça gratuitement à la maison".
Ce père de deux enfants est l'un des dizaines de milliers de toxicomanes de cette région du nord-ouest de l'Inde, frontalière du Pakistan, qui souffre de la chute des rendements agricoles ayant laissé des bataillons de chômeurs sur le carreau.
Ces dernières années, le Pendjab s'est attiré la sinistre réputation de plaque tournante de la drogue dans ce pays de 1,3 milliard d'habitants. Et alors qu'il élira samedi son exécutif local lors d'élections test pour le gouvernement Modi, la lutte d'influence entre grands partis régionaux et nationaux y fait rage.
En Inde, l'octroi d'équipements électroménagers, d'
alcool ou d'argent liquide par les candidats aux électeurs est presque une tradition électorale, mais la spécificité du cru au Pendjab, c'est bien l'achat de voix contre des doses de drogue.
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Opium,
héroïne et pilules -
Lors des précédentes régionales pendjabies, en 2012, la commission électorale "a découvert que les drogues étaient un problème majeur", se souvient son ancien président S.Y. Quraishi.
"En seulement un mois, nous avons saisi 55 kilogrammes d'
héroïne, près de 430 kilogrammes de résine de
pavot et mis la main sur à peu près tout l'éventail de substances
psychotropes en circulation", se rappelle-t-il.
Rien que depuis le début de l'année 2017, plus de 2,63 tonnes de drogues en tous genres ont été saisies dans cet Etat de 27 millions d'habitants, soit un volume supérieur aux saisies faites dans l'Etat d'Uttar Pradesh, qui a une population pourtant sept fois plus nombreuse (plus de 200 millions d'habitants), et où l'on vote également ce mois-ci.
En 2015, une commission d'enquête estimait que le Pendjab comptait jusqu'à 320.000 "personnes dépendantes aux
opiacés".
"Il y a des gens qui veulent de l'
alcool, et puis il y a ceux qui veulent de l'
opium, de l'
héroïne ou des pilules", dit à l'AFP Romesh Mahajan, le directeur du centre de désintoxication du district de Gurdaspur où est traité Rajendar.
Contactée par l'AFP, la police du Pendjab a indiqué mener des fouilles ponctuelles de véhicules pour s'assurer qu'ils ne sont pas chargés de biens destinés à acheter des voix, substances illicites ou autres.
"Nous sommes très impliqués dans la lutte contre cette menace" et "nos policiers travaillent sans relâche", déclare M.F. Farooqui, haut responsable de la police de l'Etat.
- Prenez, injectez, votez -
Ce discours public de fermeté n'empêche pas les candidats de charmer des électeurs potentiels en leur offrant un shoot quotidien.
Selon Indrajeet, un héroïnomane soigné dans le centre que dirige M. Mahajan, il est même "très fréquent" de se voir offrir des substances contre son bulletin de vote pour un candidat.
"Lorsqu'ils arrivent au village, ils disent +les drogues que vous voulez, quelles qu'elles soient, nous vous les donnerons tant que vous votez pour nous+ et ensuite ils envoient quelqu'un", qui apporte drogues et
alcool, affirme-t-il.
Et "quand on vous offre quelque chose de gratuit, bien sûr que vous le prenez".
Les distributions de cadeaux s'intensifient généralement juste avant l'annonce de la date du scrutin, moment à partir duquel la commission électorale mène des contrôles aléatoires pour essayer d'empêcher ces pratiques, explique Romesh Mahajan.
"Vous vous moquez de qui va gagner", souligne le toxicomane Rajendar, entré depuis peu en cure de
sevrage d'
opium. "Tant qu'ils vous donnent votre fix, vous promettez de voter pour eux. Et vous faites la même promesse à quiconque vient vous voir", dit-il.
"Vous savez qu'après les élections, vous ne les reverrez plus. Donc il faut en profiter tant que ça dure".
AFP (paru dans Le Parisien le 2/02/17)
Dernière modification par ji air (05 février 2017 à 12:38)