Intoxication au paracétamol
foie en autopsie avec importantes zones de nécrose en lien avec une intoxication au
paracetamolLe
paracétamol ou acétaminophène est l’analgésique le plus courant, le plus répandu grâce à ses vertus antipyrétiques. Il est distribué en vente libre. C’est un produit banalisé, qui lui confère, auprès des médecins mais aussi des patients, un caractère de « petit » médicament, à l’image de l’homéopathie. Sauf que son surdosage est toxique pour le foie, et l’intoxication pour des doses pas forcément massives, est létale.
Sommaire
Diagnostic
Biologie
Traitement
Références
DiagnosticIl existe un intervalle libre de quelques heures entre l’ingestion et les signes. On observe des nausées, vomissements, douleurs abdominales. Aucun signe n’est vraiment spécifique puisque l’intoxication est soit asymptômatique, soit constituera de manière retardée une hépatite cytolytique aiguë, se compliquant d’insuffisance rénale.
L’évolution se fait en plusieurs phases :
1ères 24h : asymptômatique ou signes digestifs modérés
24-48h : résolution des symptômes ou nausées-vomissements, douleurs abdominales, cytolyse et cholestase
48-96h : insuffisance hépatique (ictère, coagulopathie, encéphalopathie)
au-delà : décès par hépatite fulminante ou normalisation des fonctions hépatiques, résolution complète histologique en 3 mois
L’association à d’autres toxiques, notamment
psychotropes peut donner un tableau de coma ou d’état de mal convulsif. Ces associations ne sont pas rares puisque le
paracetamol existe dans certains médicaments en association à d’autres analgésiques, généralement morphiniques (codéïne,
tramadol, autrefois au dextropropoxyphène).
Les antécédents médicaux jouent un rôle de facteur aggravant : hépatite chronique, cirrhose, alcoolisme, traitement inducteur enzymatique dont anti-épileptiques (phénobarbital, phénytoïne, carbamazépine), dénutrition, anorexie, infection par le VIH.
L’intoxication se fait dans un but volontaire d’autolyse, suicide avoué, ou constatée par la présence d’emballages de médicaments vides près du patient. Elle peut survenir de manière accidentelle, chez l’enfant, et même chez l’adulte plutôt sous forme d’un surdosage sans conscience du danger, devant une douleur intense et prises trop importantes ou trop rapprochées du produit.
Cette intoxication est d’autant plus problématique que la zone thérapeutique du
paracétamol chez l’adulte se situe entre 3 et 4 g/j. La dose toxique chez l’adulte est à 150 mg/kg, et 200 mg/kg chez l’enfant (10 g chez adulte de poids moyen, mais problématique dès 8 g, d’autant que la dose est rarement connue précisément).
Biologie
Bilan hépatique, coagulation, créatinine
Augmentation des transaminases ASAT/ALAT (TGO/TGP) vers la 12ème heure, et pic au 3ème jour. Mais elles peuvent être encore normales à 48h.
Le TP, l’INR et le facteur V reflète la sévérité de l’atteinte hépatique, mais sa variation survient de manière tardive de même que le dosage de la créatinine pour l’insuffisance rénale. L’acidose métabolique est un marqueur péjoratif pour le pronostic.
Paracétamolémie
Le dosage doit être fait à partir de la 4ème heure pour être interprété. L’interprétation se fait selon la courbe de Prescott. Avant cela, si le dosage était réalisé et montrait un taux < 25 mg/l entre la 2ème et la 4ème heure, le risque hépatotoxique serait négligeable.
Les seuils d’interprétation sont plus bas en cas de cirrhose, dénutrition, traitement inducteur enzymatique (antiépileptiques).
Paracétamolémie au-dessus de la courbe 200 µg/ml à 4h et 30 µg/ml à 15h.
Critères pronostics
acidose pH < 7,3
insuffisance rénale créatinine > 300 µmol/l
encéphalopathie hépatique grade III ou
IV TP effondré, INR > 6,5
facteur V < 10%
Traitement
Réanimation initialeContrôle des voies aériennes par intubation trachéale et ventilation mécanique en cas de troubles de conscience si poly-intoxication. Remplissage vasculaire prudent, correction d’une hypoglycémie.
Neutralisation du toxique
Charbon activé si prise < 2 heures : 50 g per os, en l’absence de troubles de conscience et de vomissements. Dans les références, on observe des divergences sur le fait que l’utilisation de charbon contre-indiquerait l’utilisation de l’antidote per os par la suite. Le charbon réduit probablement l’efficacité de l’antidote sans toutefois l’annuler totalement. L’efficacité du charbon activé est de toutes façons faible au-delà d’1 heure.
Antidote
N acétyl cystéine, à administrer le plus tôt possible et sans attendre le résultat de la paracétamolémie, surtout si la dose ingérée est suspectée > 8 g ou > 125 mg/kg. Pleinement efficace que dans les 8 premières heures mais le patient vu tardivement doit bénéficier sans attendre de l’antidote, de même lorsqu’on ne connaît pas précisément le délai. Peut de toutes façons être administré jusqu’à 72 heures après l’ingestion (a fait la preuve d’une efficacité sur la survie).
Sinon suivre la référence de la courbe de Prescott en fonction du délai entre la prise et le prélèvement, à partir de H4 si la prise est unique.
En
IV : flacon de Fluimucil® 5g/25 ml dose de charge 150 mg/kg en 15-30 min dans 250 ml de G5% (ou sur 1 heure pour diminuer le risque de réactions allergiques) puis 50 mg/kg sur 4 heures dans 500 ml puis 100 mg/kg sur 16 heures dans 1 l
En cas de réaction anaphylactoïde (rash cutané, bronchospasme, hypotension, angioedème / jusque dans 15% des cas) : Polaramine
IV (voire corticoïdes) et diminuer la vitesse d’administration, ou arrêter puis reprendre plus lentement voire administrer per os.
Per os : Mucomyst® flacon 4,8 g/120 ml dilution 1 pour 3 dans du jus de fruit, et anti-émétiques
IV car goût infect 140 mg/kg en dose de charge puis 70 mg/kg toutes les 4 heures pendant 72 heures.
En cas de prises multiples sur longue période, on peut traiter les patients ayant pris plus de 10 g ou 150 mg/kg lors des dernières 24h, ou en présence de signes cliniques et biologiques ou à paracétamolémie supérieure au seuil en fonction de l’heure d’ingestion.
Autres traitements
Pas de correction de la coagulopathie sauf si saignement manifeste (vitamine K, transfusion). Prise en charge spécifique de la défaillance hépatique au mieux avec une unité spécialisée (thiopentone, indometacine, dialyse hépatique MARS). Prise en charge d’une insuffisance rénale et d’une acidose métabolique.
Place pour d’autres médicaments plus maniables que la NAC ? ethyl pyruvate ?
Après
L’orientation dépend de l’état de conscience et des altérations d’organe : unité de surveillance, réanimation, service de médecine si l’intoxication est minime. Une évaluation psychiatrique est généralement souhaitable puisque l’intoxication se fait généralement dans un but suicidaire. Pour les intoxications de l’enfant, la communication avec les parents est indispensable.
En cas de dégradation des fonctions hépatiques malgré traitement, la discussion s’ouvre sur l’incoroporation au programme de transplantation hépatique, toujours complexe.
Sources:
https://thoracotomie.com/2014/06/03/int … racetamol/