La Fédération Addiction plaide pour une primo-prescription de la méthadone en médecine de ville
By Dr Irène Drogou
Crédit Photo : PHANIE
Alors que l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) prépare un plan de réduction des overdoses et des décès dus aux
opiacés, la Fédération Addiction (FA) fait valoir ses positions et publie 5 propositions visant à assurer la plus grande accessibilité des traitements de
substitution aux
opiacés (TSO).
La FA (qui regroupe les professionnels de 200 associations et 500 adhérents hospitaliers et de la ville) se positionne clairement en faveur de la primoprescription de la
méthadone en ville. Cette primoprescription est actuellement restreinte aux établissements de santé, mais le sujet demeure très controversé.
Avec un prérequis de formation pour les MGLa FA propose d'ouvrir la primoprescription aux médecins généralistes « avec un prérequis de formation et une liaison formalisée MG, pharmaciens et dispositifs spécialisés en addictologie ».
Alors que le maniement complexe et le risque plus élevé de surdosage sont les arguments avancés par les opposants à l'ouverture, cette mesure « faciliterait l'implication des acteurs de la ville tout en garantissant le nécessaire accompagnement », argumente la FA. Cette mesure permettrait de désengorger les files actives et de « lutter contre le recours des usagers à de la
méthadone de rue », fait valoir la fédération.
À l'ensemble des médecins et des pharmaciens, la FA recommande, pour lutter contre les overdoses, de mettre en place une formation à la prescription et la délivrance des
opioïdes, « y compris à des fins antalgiques », est-il précisé. La fédération appelle la médecine du travail et la médecine de la douleur à participer activement à cette dynamique.
Les CSAPA rappelés à l'ordreOutre cette mesure phare, la fédération appelle les
CSAPA à réaffirmer leurs missions. Il s'agit pour ces centres spécialisés de « tenir leur rôle d'appui aux acteurs de premier recours, notamment pour les cas complexes », « d'assurer la mission de prescription, délivrance et de suivi des
TSO, sans délais ni procédures inutiles sur l'ensemble du territoire », demandant ainsi de dépasser les « "faux
CSAPA" généralistes qui n'assurent pas la mission d'accès aux
TSO », tout en assurant la fonction centrale de lieux de soins.
Accès facilité à la naloxoneConcernant la
naloxone, « un produit de santé efficace, peu risqué et aisé d'utilisation », la Fédération plaide pour un accès facilité pour les publics ciblés (injecteurs actifs, usagers moins tolérants aux
opioïdes après une période de
sevrage) et un élargissement à l'environnement (amis, famille), « qui sont les primo-intervenants sur les scènes d'overdoses ».
Les deux derniers points visent à réduire les intoxications pédiatriques, via un renforcement de l'information auprès des patients parents de jeunes enfants (stockage des médicaments, conduite à tenir en cas d'accident) et à élargir la palette des
TSO disponibles, « y compris par voie injectable », est-il précisé. Une meilleure adaptation aux habitudes de consommation permettrait de lutter contre les overdoses et les complications infectieuses.
Plaidoyer pour un accès facilité des TSO aux États-UnisDans « The New England Journal of Medicine », trois équipes prennent la parole en faveur des
TSO, deux au sujet de la
buprénorphine et une pour la
méthadone. La situation est cataclysmique outre-Atlantique. Avec 42 249 décès par overdoses en 2016, « l'épidémie (d'overdoses) continue de s'aggraver », écrivent Sarah Wakeman du Massachusetts General Hospital et Michael Barnett de l'école de santé publique T.H.Chan à Harvard.
Les spécialistes appellent à déconstruire plusieurs « mythes » qui sous-tendent leur sous-utilisation : une dangerosité supposée, l'impression de remplacer une addiction par une autre, la fausse croyance d'une meilleure efficacité des cures de désintoxication, une prescription coûteuse chronophage en soins primaires, l'idée qu'il suffit de réduire la prescription d'
opioïdes pour endiguer l'épidémie.
Dans la troisième tribune, des addictologues de Boston plaident pour l'élargissement de la prescription de
méthadone en ville, citant en exemple l'Australie, la Grande-Bretagne ou le Canada. « La prescription de
méthadone en soins primaires est la pratique standard et n'est pas controversée là-bas car elle est bénéfique pour le patient, l'équipe soignante et la communauté », soulignent-ils.
Source :
lequotidiendumedecin