Salut,
Sympa comme question.
J'avais honte pendant longtemps. Mais il y a peu, j'ai réalisé pas mal de choses. Déjà, on peut très bien réussir sa vie tout en s'offrant des petits plaisirs. Pour certains, c'est une randonnée, pour d'autres, c'est un tour de piste, pour d'autres encore, un restaurant gastronomique, une partie de pêche ou que-sais je encore. Eh bien moi, mon petit plaisir c'est la "drogue dure" comme ils disent, oui ces "drogues dures" qu'ils considèrent comme le diable sur terre. Pourtant, cela ne me distingue en rien d'eux, les gens "normaux" comme ils se complaisent à le rappeler.
Alors certes, il y a des risques. Mais franchement, une vie sans risque? Mais qu'est-ce qu'elle serait moche! Qu'est-ce qu'on se ferait chier! Vous êtes du même avis, rassurez-moi?
Après, je ne dis pas qu'il faut faire tout et n'importe quoi. D'ailleurs, à titre personnel, je prends le maximum de précaution, et j'encourage tous les consommateurs à en faire de même. Je maximise la puissance de mon trip de sorte à passer un excellent moment tout en limitant au possible les effets secondaires. Je respecte les dosages. J'utilise parfois des tests. Je ne consomme pas quand je vais mal. Je consomme que dans des cadres définis, avec un bon
set & setting...
Voilà, c'est mon petit plaisir, bien circonscrit. Risqué certes, mais un petit plaisir quand même. Et puis bon sang, ce n'est pas la seule activité risquée! Que dire du parapente, de la plongée, du ski extrême, de l'alpinisme? Oui, tout comme ces pratiquants, nous prenons des risques, nous aimons le risque mais nous limitons le risque et... nous passons un bon moment!
Et cela ne nous empêche pas non plus d'avoir une vie normale. De mon côté, cela ne m'empêche pas de faire du sport 5 fois par semaine, de cuisiner trois fois par jour, d'aller à tous mes cours en double licence (33h), d'avoir un petit taf étudiant au guichet d'un cinoche et j'en passe!
Car oui, ma consommation est comme ces plaisirs hebdomadaires que chacun s'offre pour se récompenser du bon boulot de la semaine. J'ai tout comme les autres le droit d'avoir un réconfort après l'effort. Et le but est très simple : une fois satisfait, c'est reparti de plus bel! S'amorce une semaine de folie où l'on est motivé plus que jamais, avec un butin à la clé. Et de semaine et semaine, on progresse, on devient quelqu'un de meilleur.
J'ai une vie normale, je suis fier de cette vie que j'ai construite, fier de ce que je suis. Donc non, je ne suis pas différent des autres. J'ai mon propre passe-temps, et peu importe s'il est mal perçu : je m'en balance complètement! Il faut oublier la diabolisation des drogues par les médias et les politiques, une diabolisation que nous avons inconsciemment intériorisée : "Si je consomme, je vaux moins que mon voisin. Pourtant je suis meilleur que lui sur pas mal de points. Ma vie m'est surement plus agréable que la sienne, mais je vaux moins que lui, car je me drogue" ; il faut à tout prix éviter cette autodévalorisation sur le simple fait que l'on consomme!
A contrario, il faut, sans pour autant minimiser leur dangerosité, considérer nos consos comme un plaisir de la vie, un plaisir qu'il faut néanmoins borner, réfléchir, organiser différemment par rapport autres, mais un plaisir quand même. C'est tout le but de la
RDR.
Non, je n'ai pas honte d'être ce que je suis : un consommateur, un "polytoxicomame" qu'ils disent. Brrrr, qu'il fait froid dans le dos ce mot. Et pourtant, je suis bien fier d'appartenir à leur case, car elle définit mon existence : je ne serais pas là où j'en suis sans mes consos, je n'aurais pas accompli toutes ces choses sans elles. Cette étiquette qu'on nous colle ou qu'on nous collerait s'ils savaient, qu'est-ce qu'on en a carrer? Ca me fait presque marrer, mais c'est comme ça. L'essentiel c'est de savoir qui on est, d'aimer qui ce qu'on est et pas d'accorder d'importance au regard stéréotypant des autres, surtout lorsque ce sont des ignorants qui refusent d'apprendre ou de comprendre.
Reste la honte envers la famille ou l'entourage... Le fameux "Oh mon dieu, si seulement ils savaient!" Ce sont des ignorants, donc je cache mes consommations. Sinon, je ne leur cacherais pas, et tout irait pour le mieux. Cacher une consommation, ca ne doit pas me faire culpabiliser puisque le problème vient en réalité des autres : je sais qu'ils n'essaieraient pas de me comprendre, ce sont eux les sourds. Tant pis, restez des sourds dans l'ignorance! Bref, ces personnes intolérantes n'ont pas besoin de savoir tout ça, et je n'ai pas non plus a avoir honte du fait qu'ils détesteraient ou souffriraient de savoir.
Mais ce n'est pas vraiment leur faute au final. Ils appartiennent juste à un autre temps, à une autre culture avec une autre éducation, avec d'autres connaissances, d'autres expériences, avec une autre compréhension de la société, une autre opinion sur les drogues... Peut-être qu'ils comprendraient mieux s'ils avaient grandi dans un contexte différent!
Ce qu'ils ne savent pas, c'est que tout est une affaire de compromis. Si j'en suis là, c'est aussi grâce aux petits plaisirs que je m'offre pour continuer à avancer, et que je cache pour éviter aux autres de souffrir ou de me juger. Autrement dit, ce pour quoi ma famille est fière de moi, je l'ai obtenu entre autres grâce à des choses qu'ils détesteraient connaître : ces petits plaisirs. Paradoxal, mais véridique, et tellement drôle.
Bref, je n'ai plus honte de ma conso. Plus honte de me caler des seringues dans le fion dans les chiottes de mon voisin. Plus honte de danser dans le métro comme un dératé. Plus honte de courir dans les rues tout en faisait l'aigle. J'en ri même. Par contre, je suis toujours stressé pour mon cœur, mais ça c'est une autre histoire...
Dernière modification par Ygrek (26 novembre 2018 à 13:43)