A Berlin, on achète du
CBD à l'épicerie du coin
Par Johanna Luyssen (correspondante à Berlin) — 13 novembre 2018 à 19:26
Chronique sur la vie, la vraie, vue d’Allemagne. Ce voisin qu’on croit connaître très bien mais qu’on comprend si mal. Au programme de cette semaine, un peu de
cannabis light en vente libre.
C'est un dimanche soir un peu pluvieux, un peu frisquet. Je suis à la recherche d'une bouteille de lait au späti du coin, ces épiceries de quartier ouvertes à toute heure. Arrivée à la caisse, mon regard se pose sur un paquet, non pas de
cigarettes mais de têtes de
cannabis. La boîte, vendue 10 euros, indique : «CBD Natürliches
cannabis».
C'était la première fois que je voyais ça là, posé tranquillement près de la caisse, à côté des paquets de mouchoirs, briquets et tablettes de Ritter Sport. Mais je n'ai pas été surprise. Berlin est une ville propice à la consommation de
cannabis : il n'est pas rare de sentir l'odeur puissante de l'herbe au détour d'une rue. Et alors que la chose serait difficilement envisageable à Paris, il m'est déjà arrivé de fumer un
joint en terrasse d'un restaurant, sans que cela ne dérange grand monde. A Berlin, fumer de l'herbe - on dit «kiffen», en respectant l'étymologie arabe du terme -, est assez banal.
Que dit la loi ? Si posséder du
cannabis est toujours interdit en Allemagne, la cour constitutionnelle fédérale a toutefois établi qu'il est possible d'avoir quelques grammes sur soi sans craindre des poursuites pénales. Voilà un intéressant exemple de pragmatisme allemand ! Comme souvent, la quantité «autorisée», ou plutôt «non-interdite» reste à la discrétion des autorités locales. Si la plupart des Länder l'ont fixée à 6 grammes, à Berlin, c'est 15.
Le
CBD, vendu dans les épiceries ou les
coffee shops de la capitale allemande, n'est de toute manière pas concerné par ces restrictions : le
cannabidiol, surnommé «cannabis light» car il ne contient pas de substance psychoactives, n'est pas un stupéfiant. Sa consommation est donc autorisée, dans la mesure où son taux de
THC ne dépasse pas 0,2%. Voilà une différence majeure de raisonnement avec la France, pays qui semble poser un regard aussi sévère qu'absurdement répressif sur la consommation de
cannabis, même lorsqu'il s'agit de
CBD.
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Ce n'est pas le cas en Allemagne, où l'on aime beaucoup les produits naturels - et où l'on adore faire du business. Même type de raisonnement chez le voisin autrichien : la presse s’est récemment fait l’écho de l’arrivée d’un distributeur automatique de
CBD à Vienne. En outre, Vice racontait récemment l’histoire d’une gynécologue autrichienne exerçant à Graz, qui recommandait à ses patientes souffrant de règles douloureuses de prendre du
CBD comme alternative naturelle aux anti-douleurs.
En Allemagne, le
cannabis à usage thérapeutique a été légalisé début 2017. Depuis, on estime que 40 000 personnes en consomment pour des raisons médicales - contre environ un millier avant la
légalisation. Naturellement, cet intérêt croissant excite certains appétits. Si le pays importe principalement son
cannabis thérapeutique du Canada et des Pays-Bas, les choses devraient changer dans les années à venir. En octobre dernier, les Libéraux du FDP ont plaidé pour que le pays se lance dans la culture d'un
cannabis «made in Germany»...