J'avais plus ou moins 15 ans, plutôt moins que plus (*). Depuis quelques années, une ou deux, je prenais du
subutex (sans ordonnance), en rail et de temps en temps fumé.
À cette époque, les gens que je fréquentais prenaient quasiment tous de l'
héro par injection. Particulièrement deux filles, plus âgées que moi, avec qui j'étais très proche. Elles me disaient souvent d'arrêter le sub, trop toxique même en rail, et de passer à l'
héro, sensée l'être beaucoup moins. Si je ne l'ai pas fait immédiatement, ce n'est pas que je ne les croyais pas ou que je ne le voulais pas, au contraire : j'étais certaine de finir par prendre de l'
héro, mais j'avais décidé que si j'en prenais ce serait en injection, d'une part car, vu la manière dont j'obtenais de l'argent à l'époque (haem), ça m'aurait semblé du gâchis d'en prendre en rail, et d'autre part parce que ça me paraissait très « classe » (j'étais jeune... ^^'). Seulement, elles préféraient (évidemment) que je ne l'injecte pas. Je ne me souviens plus si je le leur avais déjà demandé ou non, il me semble avoir essayé plusieurs fois, sans succès, mais c'est loin. En tous les cas je savais qu'elles ne m'y auraient jamais aidé (ce que je peux comprendre : qui veut avoir ça sur la conscience ?...).
Par conséquent, la première fois où j'ai voulu faire ma première injection (il y en a eu deux, la première ayant raté lamentablement), je ne leur ai rien demandé et suis allée chercher de l'
héro toute seule (sans connaître grand monde à part elles, ce qui n'était pas très pratique), sans grand succès puisque je n'ai fini par trouver que de la
cocaïne. J'en avais déjà pris une fois et ça ne m'avait pas particulièrement plût (agréable mais c'est tout), mais comme il s'est avéré que je n'ai pas eu à la payer (sans avoir à faire grand chose, l'avantage d'avoir 14 ans et de sembler en avoir 12...) je me suis dit que tant qu'à faire, je pouvais bien essayer d'injecter avec ça d'abord pour voir si j'y arrivais.
J'avais tout préparé, mais j'avais peur de me planter complètement (ignorance totale des risques réels, seulement des "c'est dangereux" en réponse, sans plus de précisions). Du coup, je suis stupidement allée demander de l'aide. Vu que les personnes que je connaissaient avaient refusé, je me suis rabattue sur quelqu'un que je connaissais de vue. Il a accepté, et après nous être éloigné légèrement dans une espère de maison en ruine, il m'a arraché la seringue des mains et dit que si je ne faisais pas ce qu'il voulait il la balançait par la fenêtre, ou quelque chose dans ce genre là (on était en hauteur, légèrement dans la montagne). Je n'ai pas refusé directement mais ai tergiversé un moment (parce qu'il avait l'air de plutôt vouloir me convaincre d'être d'accord que forcer), ce qui m'a finalement valu de m'en sortir assez facilement sans rien avoir à faire à part le laisser me regarder un moment à moitié vêtue comme s'il n'avait jamais vu une fille de sa vie.
Leçon : évider de demander de l'aide aux gens.
Je suis rentrée chez moi, je me suis douchée, j'ai avalé le contenu de la seringue parce que je ne me sentais pas de le faire maintenant, j'ai pris un ou deux rails de
subutex et je suis allée dormir.
Le deuxième essai s'est mieux passé. Une fois l'effet et totalement passé, donc un ou deux jours plus tard, je suis retournée en ville, j'ai trouvé un coin tranquille et j'ai refait comme la fois précédente, avec du
subutex cette fois.
Niveau matériel : un
stéribox acheté en pharmacie, un foulard pour garrot, et pas de citron (inutile pour le sub, d'après ce que j'avais entendu). Niveau procédure : j'ai fait d'après ce que j'avais entendu ou lu, ce qui était très peu : désinfecter avec le tampon d'
alcool, angle d'à peu près 45°, tirette pour voir si on est dans la veine, et ne pas injecter de bulle d'air. Le reste, je n'en avais aucune idée. Je ne savais pas trop quand il fallait enlever le garrot, avant ou après avoir injecté, donc dans le doute je l'ai enlevé après. J'ai du m'y reprendre à plusieurs reprises : ne pas savoir me stressait donc je tremblais, et je me suis logiquement raté la veine.
Le plus stressant était de ne pas savoir ce qui pouvait aller mal et ce qui pouvait arriver, d'avoir seulement la vague notion que ça ne serait pas très bon. Par exemple, je ne savais pas ce qui arriverait si j'injectais à côté de la veine, donc je voulais être absolument certaine d'être dans la veine, mais je ne savais pas s'il pouvait y avoir du sang sans que je sois dans la veine, comme si je tombais sur une artère ou quelque chose comme ça. Et si... et si... Comment savoir alors que les rares personnes à qui l'on peut demander répondent seulement « c'est dangereux » ? N'avoir aucune idée des risques n'aide vraiment pas.
J'ai dû prendre un moment pour me calmer. Finalement, réflexion se résumant à cela : « tant pis, au pire des cas je meurs, et ce n'est pas de cela dont j'ai peur ».
Après un moment, j'ai donc recommencé. Je n'étais plus stressée, ni angoissée, mais sincèrement prête à mourir. Sans cela, je ne sais pas si j'aurais pu continuer.
Par précaution, j'avais mis une dose assez faible de
subutex par rapport à ce que je prenais d'habitude, mais ça a suffit.
Après je ne sais plus combien de temps, j'ai fini par annoncer aux amies dont je parlais plus haut que j'injectais le
subutex. Elles m'ont paru assez choquées, non pas que j'aie fini par injecter, mais que ce soit avec du
subutex, et m'ont assuré qu'il valait mieux passer à l'
héro, beaucoup moins de risques pour les veines ainsi.
Je suis donc passée à l'
héro, et aie en prime reçu des conseils pour l'injection (j'aurais bien aimé en avoir eu avant de commencer, m'enfin). Mais à chaque fois que je n'avais plus d'
héro, pas assez d'argent (ce qui arrivait assez souvent vu que je ne "travaillais" pas régulièrement) ou n'arrivais pas à en trouver, je repassais au
subutex en injection, qui était bien plus accessible et facile à trouver (ou peut-être est-ce seulement moi qui avais la poisse). Évidemment, on m'avait bien dit que c'était très mauvais pour les veines et tout ça, mais je n'y croyais qu'à moitié. Je ne pensais pas que les spécialistes de confection de médicaments puissent être aussi stupides pour mettre des substances toxiques pour les veines dans un produit qu'une grande partie de ses usagers injectent.
Au temps pour moi, j'ai appris depuis...
(*) Probablement 14, vu qu'il me semble que l'émancipation est possible pour les filles à 15 ans, et qu'un peu plus de six mois avant d'être à l'âge nécessaire j'injectais déjà .
Edit : Je viens de me décider à compléter ce vieux texte et en corriger les fautes.
Dernière modification par Crysalide (06 décembre 2009 à 10:36)