article sur les usagers revendeurs

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bighorsse femme
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LE dealer, tout le
monde croit
le connaître :
non consommateur, il fréquente
les sorties d´écoles et
accroche ses clients en leur
fourguant du haschich coupé
à  l´héroïne (la première dose
étant bien évidemment offerte).
Que bon nombre de
chercheurs aient démontré
l´absurdité* de ce stéréotype
ne l´empêche pas de perdurer.
Pourtant, à  l´heure de la
diffusion de l´usage de drogues
dans toutes les couches
de la société, la notion même
de dealer change. S´il existe
bien quelques scènes ouvertes
de deal dans les grandes villes
européennes, la plupart des
consommateurs de drogues
intégrés préfèrent les éviter.
Ils s´organisent donc en
réseaux et se fournissent les
RÉDUIRE LES RISQUES LIÉS AUX CONSOMMATIONS DE DROGUES p r e m i è r e l i g n e • 3
uns auprès des autres. Dans
ce contexte, une partie des
revendeurs sont des usagers
qui ont commencé à  revendre
pour rendre service à  des amis
en recherche de produit et
n´ont entrevu qu´ensuite les
bénéfices qu´ils pouvaient tirer
de cette pratique.
Un apport financier non négligeable,
un meilleur accès
au produit mais aussi un statut
valorisé dans les groupes
d´usagers... Tout cela fait
que les débuts dans l´usagerevente
sont souvent vécus
comme agréables. Mais
cette lune de miel ne dure pas.
Entre les problèmes judiciaires,
la difficulté à  maîtriser
sa consommation lorsque
l´on dispose en permanence
de produits, le rejet par la
famille, la difficulté à  distinguer
amis et clients, les
cambriolages, l´impossibilité
d´épargner les bénéfices du
Le conso/dealer,
cible privilégiée de la police
Projecteur Entre pressions policières et harcèlement des
consommateurs, il se trouve rapidement en situation inconfortable
« Si l´on veut devenir “fourgueur”, la première chose à  faire est de
trouver un grossiste. Je n´en connaissais pas, alors je me suis associé à 
Bill Gains, qui connaissait un bon grossiste italien dans le Lower East
Side. On achetait l´héroïne quatre-vingt-dix dollars les sept grammes
et on la coupait avec du lactose : à  peu près un tiers de lactose pour
deux tiers d´héroïne dont on faisait des capsules d´un “grain”. On
revendait les capsules deux dollars pièce. Elles contenaient de 10 à 
16% d´héroïne pure, ce qui est beaucoup pour des capsules revendues
au détail. On devrait pouvoir faire au moins cent capsules avec
sept grammes d´héroïne. Mais si le grossiste est italien, on peut être
certain qu´on en fera moins. Généralement, on en confectionnait
quatre-vingts au lieu de cent.
Bill Gains était “de bonne famille” - si mes souvenirs sont exacts,
son père était banquier dans la Maryland - et il avait de la classe.
Son activité habituelle consistait à  voler des manteaux dans les
restaurants et il était parfaitement adapté à  ce travail. Le bourgeois
américain n´a pas de signes particuliers. Il se définit par ce qu´il n´est
pas. Gains allait plus loin. Non seulement il ne possédait pas de signe
particulier, mais il était positivement invisible: une vague présence
respectable. Il existe certains fantômes qui ne peuvent se matérialiser
qu´avec un drap ou un bout d´étoffe quelconque. Gains était ainsi. Il
se matérialisait avec le manteau d´un autre.
Gains avait un sourire d´enfant malicieux qui contrastait de manière
saisissante avec ses yeux bleu pâle, éteints et las. Il souriait comme
s´il écoutait en lui-même quelque chose d´agréable qui s´y passait.
Quelquefois, après une piqûre, il souriait et disait, espiègle : “Ce truc
est du tonnerre !” Il parlait avec le même sourire de la déchéance ou
des mésaventures des autres : “Herman était beau gosse quand il a
débarqué à  New York. L´ennui, c´est qu´il a perdu sa belle allure.”
Gains était un des rares camés à  se réjouir de voir des néophytes se
transformer en drogués. Beaucoup de fourgueurs camés sont contents
de trouver un nouveau client pour des raisons d´argent. Quand on
a de la drogue, on cherche naturellement des clients pourvu qu´ils
soient valables. Gains, lui, aimait inviter de jeunes garçons dans sa
chambre pour leur faire une piqûre à  l´oeil, la plupart du temps avec
des résidus de vieux cotons, puis observer les effets, son petit sourire
aux lèvres.
La plupart du temps, les gosses disaient que c´était pas mal et
les choses en restaient là . C´était comme les barbituriques, les
amphétamines, l´alcool ou l´herbe, sans plus. Mais quelques-uns y
revenaient assez souvent pour être accrochés, et Gains contemplait ces
convertis, souriant comme un prélat de la came. Plus tard, il disait :
“ Vraiment, Untel doit comprendre que je ne peux plus subvenir à  ses
besoins. ” L´initiation n´était plus intéressante. Le temps était arrivé
de payer, et de payer sa vie durant, attendant au coin des rues et dans
les cafés le fourgueur, le médiateur entre homme et came. Gains
n´était qu´un petit curé de campagne dans la hiérarchie de la came.
Il évoquait les prélats avec une sainte terreur : “ Les trafiquants ont
dit...” »
William S. Burroughs (1914-1997), Junky (1953),
éditions Pierre Belfond.
Texte choisi par Anne O´Neill, infirmière à  Quai 9
Dans le texte
* A ce sujet, lire l´excellent ouvrage de R. Coomber : « Pusher´s myths, re-situating the drug dealer »
trafic, etc, les usagers-revendeurs
finissent par se lasser
de leur « travail » de dealer.
C´est alors un nouveau regard
sur la pratique qui s´élabore et
beaucoup manifestent l´envie
d´arrêter, de renouer avec un
mode de vie « normal ».
Malheureusement, arrêter est
loin d´être facile car c´est
le moment où l´individu
prend conscience des dépendances
qu´il a développées,
en termes de consommation,
mais aussi de façon
plus générale. Diminuer sa
consommation, accepter des
emplois durs et mal payés, se
retrouver seul, lâché par des
clients que l´on pensait être
des amis... La période qui
suit la sortie est souvent très
sombre et les rechutes sont
fréquentes. Certains usagers-
revendeurs choisissent
alors de se tourner vers le
système de santé mais ils n´y
trouvent pas de services appropriés.
En effet, pour l´instant,
la réduction des risques
a complètement fait l´impasse
sur cette pratique. Il est
temps que ça cha

l angoisse est le vertige de la liberté

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