Un boulevard pour la prostitution

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mikykeupon homme
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Elles sont assises côte à  côte sur un banc au bord de l'un des boulevards nord de Paris. Cuissardes blanches, manteaux à  col de fourrure, jupes courtes : malgré le froid, elles attendent toutes trois qu'une voiture s'arrête le long du trottoir. Elles bavardent en fumant des cigarettes, s'accordent quelques secondes de détente lorsque le flot des voitures s'apaise, lèvent les yeux au ciel lorsque les chauffeurs de camion les klaxonnent. Les habitués de la salle de sport toute proche arrivent en tenue de jogging, les derniers passants font leurs courses, un homme les regarde en soupirant. _"Elles sont déjà  à  l'attaque..."_

Il est 20 heures, en cette soirée de mars, et les premières prostituées sont déjà  installées boulevard Ney, dans le 18e arrondissement de Paris. Ici comme ailleurs, la prostitution de rue s'est tellement développée ces derniers mois que les élus socialistes et radicaux de gauche ont formulé un voeu, en décembre 2010, au Conseil de Paris : ils demandent aux autorités préfectorales et judiciaires de renforcer les politiques d'accompagnement destinées aux prostituées et de durcir les actions quotidiennes contre _"le proxénétisme et l'exhibition sexuelle qu'il génère sur la voie publique"._

Dans le 18e arrondissement, les boulevards des maréchaux sont investis par des réseaux venus d'Europe de l'Est. _"Ces systèmes très organisés peuvent compter une cinquantaine de filles,_ précise Jean-Philippe Lenormand, adjoint au chef de la brigade de répression du proxénétisme de Paris. _On trouve à  leur tête une ou deux personnes qui font des allers-retours réguliers dans les Balkans, mais il ya aussi des passeurs pour franchir les frontières, des "taxis" pour amener les filles sur le trottoir et des gros bras pour surveiller les lieux. Dans ces réseaux, il y a beaucoup de violences, de contraintes, de menaces sur les prostituées et leurs familles restées au pays."_

A Château-Rouge ou à  Barbès (18e arrondissement) ainsi qu'autour de la rue Saint-Denis (2e arrondissement), les prostituées arrivées ces dernières années viennent plutôt d'Afrique anglophone - Ghana, Nigeria, Sierra Leone. _"Là , il s'agit de réseaux plus petits,_ poursuit M. Lenormand. _Chaque "Mama" - une ancienne prostituée - contrôle quatre ou cinq filles, tient le territoire, met des lieux à  disposition et récupère la quasi-totalité des gains."_ Selon M. Lenormand, la région parisienne - le bois de Vincennes, le bois de Boulogne, la rue Saint-Denis et le 18e arrondissement - compterait de 600 à  800 prostituées de voie publique dont 80 % sont aujourd'hui étrangères.

Si la prostitution prospère, c'est parce qu'elle constitue une activité extrêmement profitable : selon M. Lenormand, une prostituée parisienne qui effectue une dizaine de passes par jour peut "rapporter" au réseau près de 10 000 euros par mois. Lorsqu'elles sont plusieurs dizaines à  travailler, les revenus atteignent vite des sommes colossales qui sont réparties entre les têtes de réseau, les "taxis", les gros bras et, dans une moindre mesure, les prostituées : elles mettent souvent plus d'un an à  rembourser leur passeur. _"Les bénéfices sont très rapides et très importants",_ résume le policier.

En 2003, pour lutter contre la prostitution de rue, Nicolas Sarkozy, qui était alors ministre de l'intérieur, avait instauré une incrimination à  laquelle il promettait un bel avenir : le racolage passif. _"Pourquoi la jeune fille albanaise est-elle mise sur le trottoir parisien par des proxénètes ?Parce que ces esclavagistes des temps modernes ne risquent
rien (...). En pénalisant le racolage passif, nous sortons ces malheureuses du réseau qui les exploite."_M. Sarkozy espérait donner un coup de grâce aux réseaux en facilitant l'arrestation des prostituées : le racolage passif devenait passible de deux mois de prison et de 3 750 euros d'amende.

Las... Huit ans plus tard, la prostitution de rue n'a pas diminué, au contraire. _"Cette loi a été catastrophique,_ constate France Arnould, la directrice des Amis du bus des femmes, une association qui propose un accès à  la santé ou au droit. _Les prostituées sont plus nombreuses qu'avant et surtout, beaucoup se sont réfugiées dans les bois, sous les ponts, dans des endroits où elles sont très isolées, ce qui a provoqué beaucoup d'insécurité.Certains policiers sont même allés jusqu'à  confisquer les préservatifs parce que c'est une preuve de racolage passif : allez faire de la prévention VIH derrière !""On pénalise les prostituées, pas les proxénètes", _résume Myriam El-Khomri, adjointe au maire de Paris chargée de la sécurité.

Sur le front judiciaire, la création du délit de racolage ne s'est guère révélée plus efficace. Au fil des ans, le nombre de poursuites s'est effondré : la France recensait 529 condamnations en 2006, 459 en 2007, 336 en 2008 et 226 en 2009. Pas parce que la prostitution de rue a décliné mais parce que les magistrats orientent massivement ces
procédures vers des alternatives aux poursuites. En 2009, sur les sept tribunaux de la région parisienne - Paris, Bobigny, Evry, Créteil, Nanterre, Pontoise et Versailles -, 82 % des procès-verbaux pour racolage passif ont donné lieu à  de simples rappels à  la loi ou à  des classements sous conditions.

Si cette infraction aboutit si rarement devant le tribunal correctionnel, c'est tout simplement parce qu'elle est très difficile à  caractériser : comment définir une attitude - le racolage passif - qui ne suppose aucun acte "positif" ? _"Selon la Cour de cassation, la tenue vestimentaire - décolleté, minijupe - ou le fait, dans cette tenue, de se pencher vers un automobiliste ou de rester des heures à  un feu rouge ne peuvent justifier une interpellation pour racolage passif, _explique Naïma Rudloff, vice-procureur et chef de la section traitement en temps réel et crimes du parquet de Paris._ En revanche, le fait de stationner dans une camionnette à  l'arrêt avec une feuille indiquant "30 euros" ou une bougie allumée qui indique que les lieux sont libres suffit. Mais maintenant, toutes les prostituées le savent et du coup, elles ne le font plus."_

Pour les policiers, ces interpellations sont décourageantes : bien qu'elles exigent du temps, elles débouchent  rarement sur des poursuites devant le tribunal. Dans le 2e arrondissement, 138 interpellations pour racolage passif ont ainsi été réalisées en 2010, mais le parquet n'a procédé qu'à  douze déferrements : sept ont abouti à  un classement sans suite, cinq à  un rappel à  la loi. _"Toutes les autres prostituées ont été remises en liberté au bout de quelques heures, _précise le commissaire central du 2e arrondissement, Francis Vincenti. _Lorsque l'officier de police judiciaire leur signifie la fin de la garde à  vue, il leur indique que le racolage passif est une infraction qu'il ne faut pas réitérer mais elles ne sont pas poursuivies."_

M. Vincenti ne baisse pas les bras pour autant. _"Nous continuons à  être vigilants_, poursuit-il. _Du point de vue judiciaire, les interpellations ne servent pas à  grand-chose, mais elles ont quand même une vertu dissuasive : personne n'a envie de se retrouver en garde à  vue pendant des heures et de perdre le bénéfice d'une nuit de travail."_ Les strictes consignes de la préfecture sont donc scrupuleusement appliquées, même si les policiers, parfois, se lassent de voir que, malgré le difficile travail de la nuit - interpellations, auditions, gardes à  vue -, les
prostituées sont de retour dans le quartier dès le lendemain.

Pour beaucoup de policiers et de magistrats, les discours musclés de Nicolas Sarkozy contre la prostitution de rue n'ont donc pas servi à  grand-chose, sinon à  masquer les difficultés d'un combat plus complexe : la lutte contre le proxénétisme. En vingt ans, la prostitution s'est mondialisée : les réseaux se jouent des frontières, recrutent dans les
Balkans ou en Afrique, investissent les trottoirs européens._ "Ils sont très difficiles à  démanteler : contrairement à  ce que l'on croit, les prostituées dénoncent très rarement leurs proxénètes,_ explique M. Lenormand. _Elles subissent énormément de menaces et elles savent qu'au bout d'un certain temps elles peuvent espérer encadrer de nouvelles
recrues. Finalement, dans ce système, tout le monde se tient."_

En 2010, la brigade de répression du proxénétisme, qui compte une cinquantaine de policiers, a démantelé un gros réseau de prostitution balkanique : les policiers ont réalisé vingt-trois interpellations - hors prostituées - et dix incarcérations ont été prononcées. _"Certains croient qu'il s'agit d'un travail simple car les prostituées sont très
visibles, _déclare M. Lenormand. _Mais si l'on veut faire tomber un réseau, il faut faire des surveillances, identifier les membres du réseau, établir les rôles des uns et des autres - "taxis", passeurs, gros bras -, agir lorsque les têtes de réseaux sont en France et, surtout, rapporter des preuves tangibles de leur activité."_

Ce travail demande beaucoup de temps. _"Il n'y a rien de plus contre-productif que de transmettre à  la justice un dossier qui s'écroule à  l'audience,_ conclut le policier. _Ce serait un très mauvais signal envoyé aux riverains, bien sûr, mais aussi aux proxénètes. Le temps de la police judiciaire n'est pas le temps de la police d'ordre public. Notre
but, c'est que les affaires tiennent et que les responsables soient condamnés."_

Dans l'affaire du réseau des Balkans - un dossier de proxénétisme en bande organisée et de traite des êtres humains -, le démantèlement du réseau a nécessité plus de neuf mois d'enquête.

Sources : Le Monde

[1]
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHAT … TON_OUTILS
[2] http://abonnes.lemonde.fr/web/ep/passwo … 1-0,0.html
[3]
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHAT … TON_OUTILS
[4] http://abonnes.lemonde.fr/web/ep/passwo … 1-0,0.html
[5]
http://abonnes.lemonde.fr/cgi-bin/ACHAT … TON_OUTILS
[6] http://abonnes.lemonde.fr/web/ep/passwo … 1-0,0.html
[7] http://abonnes.lemonde.fr/imprimer/arti … 96850.html
[8]
http://abonnes.lemonde.fr/envoyer-par-e … 96850.html
[9]
http://twitter.com/timeline/home?status … L-32280258
[10]
http://www.scoopeo.com/scoop/new?newurl … +sexuelle.
[11]
http://blogmarks.net/my/new.php?mini=1& … ostitution
[12]
http://www.wikio.fr/vote?domain=lemonde … ostitution
[13]
http://www.viadeo.com/shareit/share/?ur … iliate=245

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