Appel pour une véritable politique de
réduction des risques infectieux liés à l´usage de drogues en milieu carcéral ?
Le 30 mai 2011
Une nouvelle étude (ANRS-Pri2De1), publiée vendredi, fait un état des lieux des mesures de
réduction des risques (RdR) liés à l'usage de drogue dans les prisons françaises.
Cet état des lieux montre que la France se situe bien en-deçà du standard minimal de l'OMS, alors que les prévalences de l'hépatite C et du VIH sont anormalement élevées2, et les consommations de drogues avérées.
Cette étude vient appuyer l'expertise collective de l'Inserm3 de 2010, qui recommande la mise en place d'une véritable politique de
réduction des risques en milieu carcéral, et l'avis du Conseil National du Sida, demandant la mise en place d'échange de seringues en prison4.
L´accès aux droitsDepuis 1994, la loi française, en conformité avec les principes internationaux, a sacralisé le principe d´équivalence de prise en charge médicale entre prison et milieu libre, réaffirmé dans la loi pénitentiaire de 2009. La prison est une mesure de privation de liberté d´aller et venir, elle n´a pas vocation à porter atteinte au droit à la santé. Pourtant, parmi le panel de mesures de
RdR, en particulier celles liées à l´usage de
drogues, quasiment aucune n´est mise en place en prison.
L´absence de préparation à la sortie de prison et de prise en charge médico-sociale des sortantEs de prison renforcée par une surpopulation carcérale croissante augmente encore la vulnérabilité de la populationcarcérale quant aux risques infectieux.
L´accès aux seringues et au matériel de réduction des risquesL´étude Coquelicot (2006) montrait que des pratiques à risques infectieux persistent en détention. 12 % des usagers de drogues incarcérés, au moins une fois dans leur parcours, ont pratiqué l´injection en détention et 1sur 3 a partagé son matériel d´injection, source de contaminations VIH et VHC. L'étude Pri2DE, montrent
que 32% des médecins chefs UCSA (Unité de Consultation et de Soins Ambulatoires, constituant le service médical de la prison ; ces unités sont placées depuis 1994 sous la responsabilité du Ministère de la Santé) ont soigné des abcès potentiellement associés à l'injection.
Mais la France, contrairement à 12 pays d´Europe de l´Est ou de l´Ouest, se refuse pourtant à expérimenter une mise à disposition de seringues.
1 Limited access to HIV prevention in French prisons (Anrs-Pri2de): implications for public health and drug policy
http://www.biomedcentral.com/1471-2458/11/4002 Chez les personnes incarcérées la prévalence est 6 fois plus importante que dans le reste de la population
3 Expertise collective Inserm sur la
Réduction des risqueshttp://www.inserm.fr/content/download/1 … isques.pdf4 Conseil National du Sida : Note valant avis sur l´expérimentation des programmes d´échange de seringues dans les établissements pénitentiaires
http://www.cns.sante.fr/spip.php?articl … rtpage=4-4Le Réseau Français de
Réduction des Risques est un espace de rencontre de tous ceux qui sont concernés par la
réduction des risques et ses dispositifs innovants : acteurs issus de la société civile, usagers de drogues, militants associatifs, scientifiques, acteurs de terrain, responsables politiques...
La seule mesure concernant l'injection reste la distribution d'eau de javel. Bien utilisée, elle peut être efficace pour le VIH, mais pas pour le VHC. Mais l'information sur l'utilité de l'eau de Javel comme outil de
réduction des Risques n'est considérée comme présente et intelligible que dans 23% des établissements et sa distribution fréquemment non conforme aux préconisations5.
D´autres mesures de
RdR qui ont su faire leurs preuves en milieu libre peinent à entrer en prison. Ainsi, les « Roule ta paille » (carnet de post-it pour rouler sa paille et ne pas la partager) sont autorisées dans de rares établissements pénitentiaires. Leur accès dépend du bon vouloir de la direction et du niveau de formation du médecin chef UCSA en matière de
RdR.
L´accès à l´informationEn prison, l'information à destination des personnes incarcérées concernant les risques infectieux liés à l´usage de drogues est partielle. Il existe par exemple un déficit d´information concernant les Traitements Post-Exposition (TPE) malgré le signalement d´accidents d´exposition au sang6.
Ce manque est renforcé par la difficulté pour les intervenants extérieurs de pénétrer en prison afin d´y assurer un minimum de prévention et de
réduction des risques et de suivi des personnes incarcérées.
L´accès aux soinsSi la proposition de dépistage du VIH et du VHC est quasi systématique à l´entrée en détention, elle n´est généralement pas renouvelée lors de l´incarcération. De plus, en ce qui concerne la prise en charge des usages de drogues, les personnels soignants sont peu formés.
Depuis quelques années, la prescription de traitement de
substitution aux opiacées (TSO) en prison s'est généralisée, mais de gros dysfonctionnements persistent : un nombre élevé d´établissements n´initient jamais de traitement par
méthadone (22%) ou
buprénorphine (23%), parfois les deux (8%)7. La
buprénorphine est
parfois remise aux usagers de drogues pilée, ou diluée dans de l'eau, ce qui est contraire aux recommandations et altère probablement son efficacité.
Il manque en prison en France une politique globale et structurée de
réduction des risques infectieux liés à l´usage de drogues. Au niveau politique, les pratiques à risques et les contaminations en prison sont niées.
Le Réseau Français de
Réduction des Risques et les signataires demandent l'application des mesures recommandées par l'expertise collective INSERM. :
- Le principe d´équivalence d'accès aux soins et à la
réduction des risques entre prison et milieu libre
- La mise en place d'études sur l'incidence des hépatites et du VIH en Prison
- L'intervention d'équipes de
RDR dans tous les lieux de détention.
- Une formation à la
réduction des risques pour tout les personnels soignants.
- La mise en place de programme d'échanges de seringues en prison.