A priori pas grand chose (voir article
joint). Amicalement
Faculté de Médecine ULP F67000 Strasbourg Année 2004-2005
Module De la Conception à la Naissance
Prévention des risques fœtaux : toxicomanie et grossesse
(item 20)
Objectifs
Donner une information sur les risques liés à l'usage des drogues.
Introduction
Les problèmes posés par l'enfant de mère toxicomane sont médicaux, psychosociaux et éducatifs. Bien
qu'on ne sache pas précisément quels sont les effets à long terme de la toxicomanie maternelle et quelle est
la meilleure façon de les prévenir et de les traiter, il paraît clair que l'organisation de soins prénatals pour
les femmes toxicomanes améliore la morbidité néonatale et le devenir à long terme.
La grossesse d'une femme toxicomane est une grossesse à haut risque qui nécessite une surveillance
obstétricale, une compréhension de la toxicomanie et un soutien psychosocial.
La grossesse chez la toxicomane est une pathologie et doit être traitée comme toute autre pathologie
obstétricale.
La toxicomanie en cours de grossesse est devenu un phénomène inquiétant par :
• la fréquence des poly-intoxications (drogue(s) +
tabac +
alcool),
• la fréquence de l'utilisation conjointe des
benzodiazépines,
• sa liaison avec l'infection HIV, et les hépatites B et C,
• la précarité sociale, l'insécurité psychologique et le manque de suivi médical.
Les principales drogues qui sont actuellement utilisées en France sont essentiellement le
cannabis,
l'
héroïne, plus rarement la
cocaïne et les stimulants psychiques. Mentionnons les drogues licites vendues
sous le contrôle de l'état, telles que le
tabac et l'
alcool et les drogues licites sur prescriptions médicales qui
peuvent elles-mêmes être falsifiées, détournées de leur usage thérapeutique.
I. Quelles sont les conséquences de la dépendance aux
opiacés ?
Toxicomanie aux
opiacés :
Les produits rencontrés sont l'
héroïne (en intra-veineux ou en "snif"), la
méthadone, la
morphine, la
buprénorphine (
Subutex®)
Tous les
opioïdes ( la
méthadone étant le plus étudiée) franchissent le placenta librement.
Après administration
IV à la mère, on retrouve 60 % du taux maternel dans le sang du cordon.
Nous prendrons comme exemple l'addiction à l'
héroïne qui pose pour l'enfant 4 problèmes :
• Les conséquences médicales maternelles,
• Le risque foetal,
• Le syndrome de
sevrage du nouveau-né dans les premiers jours de vie,
• L'incertitude du devenir du nouveau-né dans un contexte familial et social souvent défavorable.
1) les complications maternelles
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Elles sont dues:
A l'usage d'un matériel d'injection non stérile : ce sont les complications infectieuses : germes banals
(thrombophlébites, endocardites, abcés osseux etc...), hépatites B, C, HIV. Les sérologies HIV et des
l'hépatite B et C doivent être systématiques car il existe des mesures prophylactiques pour l'une et l'autre
de ces maladies (AZT chez la mère pour la première, vaccin et sérothérapie chez le nouveau-né pour l'Ag
Hbs). La vente libre des seringues a diminué cette incidence, mais pour ce qui est de l'infection HIV, les
toxicomanes femmes sont surtout contaminées par leur partenaire souvent toxicomane. La prévalence de
l'infection HCV chez les toxicomanes héroïnomanes est de l'ordre de 60 à 70 %. La co-infection HIV-
HCV n'est pas rare et aggrave encore le risque de transmission materno-foetale du virus HIV,
Au mode de vie marginal, à la prostitution, à l'éclatement de la cellule familiale, eux même entrainés par
la dépendance à la drogue.
2) Les conséquences obstétricales
Le suivi de la grossesse est souvent "minimaliste" en raison de :
- la découverte tardive de la grossesse (aménorrhée fréquente => diagnostic de grossesse tardif au 4ème ou
5ème mois),
- et du comportement de la toxicomane (elle se plie mal aux contraintes des visites programmées, effet de
la pauvreté, du peu de considération pour sa propre santé et de l'indifférence pour tout ce qui n'est pas la
drogue).
Les risques obstétricaux sont majeurs
- Avortements spontanés: plus fréquents, entre 15 à 30 % selon les séries.
- Accouchements prématurés :
* fréquence entre 20 et 56 % (N : 20-25%).
* en rapport avec le mode de vie, le manque de suivi et le rôle direct du produit ou plutôt de son
manque : irritabilité utérine due aux épisodes de
sevrage "à minima" lié à l'apport irrégulier de la
drogue.
- Retard de croissance :
* entre 25 et 30 % (N: 10 %),
* lié au tabagisme associé, le mode de vie, la malnutrition, et aussi le rôle direct de l'
héroïne.
- Souffrance foetale :
* L'alternance intoxication-sevrage est ressentie comme un stress par le foetus. Le
sevrage intra-
utérin est un stress sévère pour le foetus comme en témoigne l'augmentation des catécholamines
dans le LA, l'émission de méconium, et parfois la mort foetale.
* Un
sevrage à l'
héroïne comporte un risque de mort foetale +++.
- Les malformations :
* Pas de risque malformatif de l'
héroïne.
* Plus lié aux autres toxicomanies souvent associées (alcool, ...).
- L'accouchement :
* Augmentation de la fréquence des césariennes pour souffrance foetale aigue, de forceps et
d'anesthésies générales , en raison de la décompensation d'une souffrance foetale chronique, de la
prématurité (fréquence des présentations du siège), de l'agitation lors de l'accouchement.
* A noter l'interaction possible des médicaments anesthésiques avec les drogues, source d'effets
secondaires.
* Enfin, il faut noter la fréquence inhabituelle des accouchements à domicile.
- Période du post-partum :
* Ce qui caractérise cette période, c'est le manque entraînant une demande de sortie rapide de la
femme de la maternité pour la quête de la drogue, au risque de laisser l'enfant seul, sans soin et
sans alimentation.
* Il est capital que l'équipe soignante et les pédopsychiatres travaillant en maternité évaluent à ce
moment les interactions mère-enfant par pour mettre en place un réseau de soutien lors du retour
au domicile ( Rôle clef des sage-femmes et puéricultrices des services de Protection Maternelle et
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Infantile).
- Mortalité périnatale: augmentation de la mortalité périnatale, atteignant près de 3 % (1% dans un groupe
témoin de même niveau socio-économique)
3) Le syndrome de
sevrage- Risque majeur chez le nourrisson et particulièrement fréquent (60 à 90 % des cas).
- Survient généralement dans les 3 jours qui suivent la naissance mais il a été décrit des syndromes de
sevrage plus tardifs, jusqu'à 10 jours en cas poly-intoxication et d'association
héroïne-barbituriques.
- Date d'apparition dépend de l'heure de la dernière prise et de l'intensité de l'intoxication.
- Reconnu et traité, le syndrome de
sevrage ne met plus la vie de l'enfant en danger.
Cliniquement, il se traduit par :
des troubles neurologiques : trémulations (90 %), troubles du sommeil (85 %), hyperactivité, hyper-
excitabilité, hypertonie, convulsions,
des troubles respiratoires : polypnée, encombrement nasal,
des signes généraux : fièvre, hypersudation, éternuements,
des troubles digestifs : rejets, diarrhées avec son risque de déshydratation. Prise pondérale insuffisante
malgré un régime adapté, majorée par des troubles de la succion.
Traitement :
- Prise en charge du nouveau-né par les pédiatres de maternité qui détermineront la nécessité d'un
traitement médicamenteux en fonction de la gravité du syndrome de
sevrage.
- Le traitement repose d´abord sur le nursing, le fait d´éviter les stimuli, le bercement de l´enfant et
l'alimentation à la demande. En cas d´échec, le chlorydrate de
morphine, le Largactil® sont utilisés.
L'important est de privilégier les interactions mères - enfants et d'éviter au maximum une séparation par
une hospitalisation du nouveau-né sans sa mère. (importance de l'hospitalisation commune mère-enfant
et/ou des "unités Kangourous").
L'allaitement : est autorisé si l'on est certain de l'arrêt de toute intoxication et de l'absence de pathologie
infectieuse type HIV.
4) Les alternatives à l'
héroine :
sevrage ou
substitution ?
Place d'une structure d'aide aux femmes enceintes toxicomanes :
- Prise en charge pluridisciplinaire (obstétricien, pédo-psychiatre, sage-femme, pédiatre, généraliste,
infectiologue, spécialiste des addictions, travailleurs sociaux).
- Rôle essentiel des structures spécifiques avec comme rôles : l´organisation des soins et du
sevrage, la
préparation à la naissance et l´organisation future du retour à la maison avec l´enfant.
- La prise en charge obstétricale de cette addiction relève désormais de centres spécialisés.
Le
sevrage :
- Désir parfois formulé par la toxicomane lors de la découverte de la grossesse.
- Motivé par la peur du risque des drogues sur l´enfant et le désir d´être une bonne mère.
- Difficile à réaliser car tout
sevrage comporte un risque de mort foetale.
- Si les patientes sont demandeuses, un
sevrage progressif leur est proposé sur plusieurs semaines soit en
ambulatoire le plus souvent, soit en hospitalisation dans une maternité, en collaboration avec le service
médical spécialisé dans les addictions.
- La stratégie dépend du terme :
* Dans le premier trimestre de la grossesse, le
sevrage est déconseillé pour des raisons théoriques
d'avortements.
* Après le 7ème mois, le bénéfice parait aléatoire sur le pronostic obstétrical et ne supprime pas
toujours le risque du syndrôme de manque chez le nouveau-né.
Les traitements de
substitution L'utilisation large de la
méthadone, seule à avoir l'AMM pour les femmes
enceintes comme substitut à l'
héroïne en France est bien codifiée dans cette indication, dans des centres
agrées et selon des protocoles précis. L'autre mode de
substitution le
Subutex® depuis 1996.
Les bénéfices d'une
substitution en cours de gestation sont nombreux :
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- montrer l'attention que l'on porte à ces mères vulnérables,
- permettre une meilleure surveillance de la grossesse,
- stabiliser la dose de l'opiacé, ce qui diminue la souffrance foetale (de 42 à 16 % dans des études
comparatives),
- permettre un soutien psycho-social et un meilleur investissement de l'enfant à naître,
- faciliter l'allaitement lorsque le traitement substitutif est bien équilibré,
- diminuer la prostitution et la délinquance,
- envisager des aspects financiers (ouvertures de droits),
- améliorer l'état nutritionnel maternel,
- restaurer la confiance des toxicomanes vis à vis des soignants et de l'institution hospitalière en général.
Les risques :
* Une mère substituée reste une patiente à risque et doit être surveillée comme telle.
* Si la
substitution entraîne une diminution des complications obstétricales sans les supprimer (en
terme de prématurité et de taux de retard de croissance).
* De plus, le syndrome de
sevrage du nouveau né est plus intense et durable qu'avec l'
héroïne et
surtout retardé dans son apparition) et la mère doit en être avertie, en tout cas avec la
méthadone.
A la sortie de l'hôpital, une prise en charge psycho-sociale doit bien sûr être mise en place et anticipée :
centres de soins, soutien à domicile etc....
Jamais la place des sages-femmes de PMI (protection maternelle et infantile) des puéricultrices de PMI,
des assistantes sociales et des médecins de PMI n'a été aussi importante.
II. Quelles sont les conséquences de l'usage de
cocaïne ou de
Crack ?
La
cocaïne est un stimulant du SNC comparable aux
amphétamines.
L'usage de la
cocaïne est de plus en plus fréquent. Le chlorydrate de
cocaine est généralement utilisé par
voie nasale ou
IV. La
cocaïne free
base connue sous le nom de
crack est une forme purifiée de chlorydrate
de
cocaïne et se prend en fumant. Extraordinairement toxicomanogène, elle procure une stimulation
euphorique brève suivie d'un besoin impératif d'en fumer de nouveau. Les métabolites de la cocaîne
peuvent être retrouvés pendant 2 à 3 mois dans les urines et plusieurs semaines dans les cheveux. Les
données disponibles sont surtout issues des USA où l'usage du
crack s'est largement répandu.
1) Effet sur la mère
Outre les problèmes psycho-sociaux et infectieux déjà vus avec l'
héroïne, la
cocaïne peut entrainer des
tableaux d'urgence médicale en rapport avec ses effets sympathomimétiques et vaso-actifs puissants :
- Complications cardiovasculaires :
Ischémie myocardique, arythmie, HTA,
- Complications neurologiques :
Convulsions, fièvre, accidents vasculaires cérébraux,
- Complications respiratoires :
Pneumothorax, OAP,
- Complications gastro-intestinales :
Ischémie intestinale, hépato-toxicité.
2) Effets sur le foetus
Un grand nombre d'études suggèrent un effet délétère de l'usage de
cocaïne sur la grossesse et le
développement du foetus, toutefois, ces études sont rendues difficiles par l'interférence des facteurs socio-
économiques. Une exposition maternelle prolongée entraîne une HTA associée à une vasoconstriction
intense et à une diminution du flux placentaire.
Les conséquences en sont :
- Retard de croissance secondaire aux effets vasculaires du produit sur la baisse de la circulation utéro-
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placentaire entraînant hypoxémie et malnutrition foetale, et secondaire aussi à la malnutrition maternelle
liée à l'effet anorexigène de la
cocaïne.
- Taux plus élevé d'hématomes rétroplacentaires par probable hypertension artérielle paroxystique
concomitante du
sniff. Le corrollaire est que face à tout HRP, la recherche d'une toxicomanie doit être
entreprise.
- Taux plus élevé de prématurité (cf.
héroïne),
- L'incidence des malformations:
serait augmentée, à la différence de l'
héroïne,
concernent la face, le système urinaire, les membres, le coeur et le SNC,
en rapport avec les effets vaso-actifs de la
cocaïne.
- Les complications néonatales :
Le syndrôme de manque :
* comparables à ceux décrits dans le
sevrage des
opiacés* moins sévères, disparaissent en quelques jours et ne nécessitent pas le plus souvent de traitement
spécifique.
Les anomalies gastro-intestinales : La sensibilité aux effets vaso-actifs de la
cocaine explique les
atrésies iléales, les infarctus mésentériques et surtout les fréquentes entérocolites ulcéro-
nécrosantes
Anomalies neurologiques :
* convulsions néonatales.
* lésions hémorragiques cérébrales, source possible de séquelles psycho-motrices.
III. Quelles sont les conséquences de l'usage de
cannabisC'est la drogue la plus fréquemment utilisée. En France : deux modalités essentielles : L'herbe ou
marijuana généralement fumée, et surtout le
haschich ou résine, vendu au détail sous forme de barette. Le
caractère toxicomanogène, tératogène ou son influence sur la grossesse n'ont pas été clairement mis en
évidence et il s'agit plus d'un mode d'introduction à la toxicomanie pouvant conduire aux drogues plus
dures chez des sujets fragiles.
IV. Quelles recommandations peuvent être faites ?
1) Pendant la grossesse
- La toxicomanie doit être recherchée lors de l'interrogatoire des femmes enceintes , tout comme le
tabagisme, la prise d'
alcool et la prise de médicaments
psychotropes,
- En cas de toxicomanie aux
opiacés, un
sevrage ou un traitement de
substitution sera proposé,
- Un bilan médical des différentes complications (infections virales..) sera effectué et une surveillance
dans un circuit de grossesse à risque mise en place,
- Une prise en charge sociale sera organisée avec des assistantes sociales connaissant bien les besoins de
cette population,
- une rencontre anténatale avec un pédiatre doit être proposée afin d'aider les parents à anticiper l'accueil
de l'enfant, expliquer ce que sera un éventuel syndrome de
sevrage, organiser bien à l'avance le retour à la
maison,
- Le père, toxicomane une fois sur deux, doit être lui aussi sollicité par l'équipe soignante, en profitant de
la dynamique que crée la grossesse.
2) Après la naissance,
- Il faudra évaluer le syndrome de
sevrage et le traiter avec des soins de puériculture adaptés et un
traitement médicamenteux si nécessaire en évitant la séparation mère -enfant.
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- Le contact de la mère avec son enfant sera encouragé. Le meilleur soutien de l'enfant peut et doit être sa
mère aidée par l'équipe soignante.
- Le retour à la maison sera organisé en mettant en place des aides à domicile pour accueillir l'enfant avec
le reste de la famille.
- Une surveillance des problèmes médicaux sera entreprise si la mère est séropositive et le nourrisson à
risque d'infection HIV, ou HCV.
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Points essentiels :
La grossesse peut être un moment privilégié pour permettre à ces patientes :
- d'interrompre parfois l'addiction ou la remplacer,
- d'adhérer à une prise en charge aussi globale, tout en respectant la place des médecins qui
prenaient la femme toxicomane en charge avant la grossesse,
- de lister les difficultés sociales à régler avant la naissance de l'enfant,
- d'être orientées vers les structures ou personnes à même de les aider : pédiatres,
puéricultrices, PMI...,
- de retrouver une dignité.
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