Les salles de shoot ne sont pas des «bars à came», par Roselyne BachelotVendredi 9 Novembre 2012 à 12:00 Il faut sortir de la vision caricaturale défendue par certains afin de promouvoir des initiatives qui relèvent de la santé publique, et rien de plus, affirme l'ancienne ministre de la Santé.
En matière de prise en charge des usagers de drogues, la France s'est engagée depuis vingt-cinq ans dans une démarche de
réduction des risques avec les programmes d'échanges de seringues ou les traitements de
substitution,
méthadone ou
buprénorphine. Il faut maintenant aller plus loin et lancer sur des sites sensibles des salles d'injection surveillée, improprement appelées «salles de shoot».
Les détracteurs de ces structures les présentent comme des «bars à
came» où tout un chacun pourrait se droguer en toute impunité. Cette vision caricaturale destinée à effrayer le public ne reflète en rien la réalité du dispositif.
Les salles de consommation supervisée existent depuis 2003 à
Vancouver (Canada) et dans de nombreux pays européens : l'Espagne, l'Allemagne, le Portugal, les Pays-Bas, la Suisse, avec le Quai 9 de Genève, certainement la salle la plus connue. Les bénéfices en termes de santé publique ont été établis par des études solides, issues d'organismes incontestables, les plus connues étant celle de l'Inserm parue en juin 2010 ou encore celle publiée par l'éminente revue The Lancet en avril 2011.
L'association Elus, santé publique et territoires, qui regroupe des élus de droite et de gauche, s'est rendue dans ces pays et a conclu à l'intérêt de ces centres. Les consommateurs y trouvent du matériel stérile et des conseils pour éviter les overdoses, les infections et les contaminations. Bien entendu, aucune substance stupéfiante n'y est fournie. Les preuves d'efficacité sont massives : réduction de la mortalité par overdose de 35 % dans le périmètre de la salle, diminution de la transmission du VIH et du VHC. Non seulement il n'y a pas incitation à l'utilisation de drogue - argument souvent avancé par les adversaires du dispositif -, mais, au contraire, les demandes de
sevrage augmentent massivement. La salle d'injection se révèle donc comme une étape préliminaire à ce processus.
Les avantages en termes d'ordre public sont également démontrés. Dans certains secteurs, les usagers de drogues se regroupent (gares, squats, cages d'escalier, portions de rues) et sont à l'origine de nuisances : bagarres, bruits, seringues abandonnées... L'installation d'une salle d'injection pacifie les relations de voisinage, d'autant qu'un régulateur est dédié à un rôle de médiation pour éviter toute incivilité. Dans ce cadre, l'appui des collectivités locales est indispensable, aux côtés des professionnels de santé et des travailleurs sociaux pour mener les concertations et la pédagogie indispensables.
Il est intéressant d'ailleurs de constater qu'en Suisse, un référendum visant à interdire ces structures a été repoussé à 70 %, montrant bien l'adhésion de la population à une démarche de santé publique, si elle est bien expliquée et que ses bénéfices en sont démontrés.
S'il est un sujet où l'esprit partisan peut et doit s'effacer au bénéfice mutuel des usagers et de leurs proches, c'est bien la promotion de la santé publique.
Source : Marianne