Rapport sur les autotests de dépistage de l’infection à VIH.
Le présent Rapport a été établi par la commission « Autotests » du Conseil national du sida et soumis au Conseil lors de sa séance plénière du
20 décembre 2012.
Membres de la commission « Autotests »
Patrick Yeni, Président de la commission
François Bourdillon
Jean-Pierre Couteron
Samir Hamamah
Catherine Kapusta-Palmer
Marc de Montalembert
Marie Suzan-Monti
Rapporteurs
Laurent Geffroy
Michel Celse
Introduction
Définition
Les autotests de dépistage de l’infection à VIH sont des tests unitaires qui permettent la détection des anticorps anti-VIH 1 et anti-VIH 2. Ils présentent plusieurs caractéristiques :
ils sont réalisés directement par l’intéressé, sans recours à une personne tierce ;
ils sont délivrés sans prescription médicale et ne nécessitent pas d’instrumentation spécifique autre que celle mise à disposition dans un kit ;
ils requièrent au minimum deux étapes : l’auto-prélèvement, puis l’auto-analyse du résultat ;
ils sont réalisables sur deux liquides biologiques, soit le sang total obtenu par prélèvement capillaire, soit le liquide créviculaire obtenu par prélèvement de salive ;
ils fournissent un résultat à lecture rapide, c’est-à -dire dans un délai court, en général moins de trente minutes ;
ils présentent un résultat qui doit être confirmé par un dépistage reposant sur des techniques de laboratoires standardisées.
Contexte
Aux États-Unis, des tests de dépistage de l’infection à VIH avec auto-prélèvement capillaire à domicile sont autorisés depuis 1996. Plus récemment, un autotest salivaire de dépistage de l’infection à VIH a été autorisé en juillet 2012. Dans une décision du 3 juillet 2012, la Food and Drug Administration (FDA) a autorisé la commercialisation de l’autotest salivaire d’infection à VIH, l’
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Cette décision s’appuie sur une évaluation en trois phases, présentée [1] et discutée [2] au printemps 2012, qui a porté sur la fiabilité des tests, la production d’une information nécessaire pour une utilisation sûre et efficace, et une évaluation du rapport bénéfices / risques pour les populations à haut risque et en population générale.
Dans l’Union européenne, aucun autotest de l’infection à VIH ne dispose d’une autorisation au titre de la réglementation portant spécifications techniques communes des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro [3]. Si des autotests de l’infection à VIH sont néanmoins disponibles à l’achat sur Internet, la plupart d’entre eux sont contrefaits et présentent une fiabilité inconnue.
En France, des tests de dépistage de l’infection du VIH à lecture rapide, également appelés tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) selon la terminologie adoptée dans les textes règlementaires [4], ont été récemment autorisés par les pouvoirs publics dans certaines situations d’urgences [5], puis en dehors des situations d’urgence. [6] Dans cette dernière circonstance, ces tests de l’infection à VIH visent à élargir l’offre de dépistage, notamment en direction des populations les plus exposées au risque d’infection à VIH : les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), les migrants, les usagers de drogues injectables, les personnes qui se prostituent.
Saisines antérieures
Le Conseil national du sida a été saisi en 1998 par le directeur général de la santé sur l’opportunité de la mise sur le marché de tests à domicile de dépistage du VIH. Le Conseil a rendu ses conclusions dans un Avis du 19 juin 1998 [7]. Tout en soulignant que l’autotest pouvait permettre un meilleur recours au dépistage au bénéfice de populations qui n’accédaient pas aux structures de prévention traditionnelles ou qui témoignaient d’une défiance à l’égard des tests conventionnels, le Conseil a estimé que les autotests présentaient de nombreux inconvénients : la suppression des consultations pré et post test, l’absence d’un accompagnement indispensable en cas de résultat positif, les possibilités d’usages détournés dans des situations coercitives. Le Conseil a également jugé que les autotests présentaient des problèmes de fiabilité.
En 2004, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a été saisi par le directeur général de la santé à propos de l’éventuelle « mise à disposition du public de kits d’autotests viraux et génétiques ». Il a souhaité disposer de l’avis du Conseil national du sida sur les aspects relatifs au VIH afin de pouvoir adopter une position commune. Le Conseil a rendu son avis le 9 décembre 2004 [8], lequel est annexé à l’avis du CCNE [9]. Dans cet avis, le Conseil a reconnu que la fiabilité des autotests s’était considérablement améliorée mais soulignait, en particulier, que la proportion de faux positifs demeurait trop importante, et il rappelait les inconvénients des autotests : la suppression des consultations pré et post-test, l’absence d’inscription dans un parcours de soin, le risque d’usage dans des situations coercitives. Enfin, le Conseil notait que l’intérêt de l’autotest lui semblait moindre en France qu’aux États-Unis, en raison de l’accès anonyme au dépistage assuré en France.
Cadrage
Considérant les évolutions intervenues depuis la publication de ces Avis, notamment en matière de techniques des autotests et d’offre de dépistage en France, le Conseil national du sida a jugé opportun de réfléchir à nouveau aux réserves précédemment soulevées et d’envisager, plus largement, l’ensemble des enjeux éthiques, stratégiques et organisationnels soulevés par une mise à disposition des autotests de l’infection à VIH en France.
Le Conseil a notamment tenu à identifier les enjeux éthiques. L’autotest est-il suffisamment performant, en particulier du point de vue de sa sensibilité, pour permettre un usage sûr et efficace ? La solitude potentielle des personnes, notamment lors de la phase d’attente et d’analyse du résultat, ne constitue-t-elle pas toujours un obstacle à l’usage ? Les risques d’usages détournés doivent-ils toujours être considérés ?
Le Conseil a également souhaité aborder des enjeux stratégiques. Quel serait le rapport bénéfices / risques à l’introduction des autotests, tant du point de vue des personnes que de la collectivité, en regard des enjeux de la lutte contre le VIH/sida ? Quelle place le nouvel outil occuperait-il dans l’offre de dépistage en France, en population générale et en direction des personnes fortement exposées au risque d’infection par le VIH ?
Le Conseil a enfin tenu à aborder des enjeux organisationnels. Quelles informations et quel accompagnement à distance devraient être délivrés aux usagers potentiels de l’autotest, pour sécuriser et optimiser son usage ? Quelle offre de distribution pourrait être promue pour toucher les publics potentiellement concernés ? Quels acteurs et réseaux pourraient être mobilisés pour assurer la continuité vers le dépistage et le soin ?
Le Conseil a souhaité approfondir ces questions dans le cadre de sa commission « Autotests ». La commission a tenu des auditions et a procédé à une revue de la littérature. A partir de ses travaux, elle a établi le présent Rapport soumis au Conseil lors de sa séance plénière du 20 décembre 2012.
En outre, le Conseil national du sida a partagé ses premières conclusions, avant le vote de l’Avis, avec le Comité consultatif national d’éthique, également saisi sur la question, dans le cadre d’une réunion de travail commune.
Le Rapport traite dans une première partie des enjeux actuels de la lutte contre l’épidémie d’infection à VIH et de l’évolution des politiques de dépistage. Dans une deuxième partie, le Rapport présente l’autotest de l’infection à VIH comme un dispositif additionnel et complémentaire à l’offre actuelle et souligne que son intérêt individuel et ses bénéfices collectifs sont avérés. Dans une troisième partie, le Rapport précise enfin les voies de distribution et les modalités d’accès qui devraient être envisagées pour l’autotest d’infection à VIH.
Source : (c)
http://www.cns.sante.fr/spip.php?article466 [NdAW] Vous trouverez les liens des références citées entre crochets [] sur le site référencé ci-dessus, ainsi que le rapport dans son intégralité...
Amicalement, AW.